Avocats morts pour la France

Le 23 janvier 1872 dans le VIIIème arrondissement de Paris, Zélie Pernin met au monde William. L’enfant est reconnu officiellement par son père Paul Dejust en 1887 puis légitimé par le mariage de ses parents, célébré le 21 août 1890. William Dejust est âgé de 18 ans.

Comme son père qui est avocat au Barreau de Paris, William Dejust après son baccalauréat entame des études de droit. Le 31 octobre 1892, il s’engage volontairement sous les drapeaux pour trois ans avec la demande de bénéficier des dispositions de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1889 lui permettant après un an de service militaire de reprendre ses études de droit.

Après une année au 31e régiment d’artillerie de campagne du Mans dans la Sarthe, avec le grade de brigadier, William Dejust obtient son certificat de bonne conduite et passe dans la réserve de l’armée active en octobre 1893 puis reprend le chemin de la faculté de droit de Paris.

Docteur en droit, William Dejust prête serment le 20 novembre 1901. Il a pour rapporteur le Bâtonnier Albert Danet qui est son témoin de mariage célébré 8 jours plus tard, le 28 novembre 1901 William Dejust et son épouse Marie-Hermine Siefert s’installent alors au 15, rue du Cherche midi dans le domicile de la famille Dejust où trois enfants naissent Pierre-Félix 1902, Jacques-Henri en 1904 puis Jacqueline en 1914.

Dès l’ordre de mobilisation, le 15 août 1914, William Dejust qui avait été promu maréchal des logis en 1908, rejoint le 31e Régiment d’Artillerie avant de passer dans le 13e régiment d’artillerie de campagne en janvier 1916. A la suite d’une néphrite post-angineuse contractée pendant son service, il est versé au service auxiliaire dans le service postal de son régiment par la Commission de réforme de la Seine du 1er décembre 1916.

Malgré les traitements successifs et plusieurs hospitalisations, la santé de William Dejust reste fragile. Fin juillet 1918, sa santé se dégrade subitement, il est hospitalisé à l’Hospice de Beaune, 2 jours plus tard, le 2 août 1918, il décède terrassé par la grippe espagnole.

Le 5 septembre 1918, Madame Dejust, sa veuve, écrivait au Bâtonnier Henri Robert : « Il était dans sa famille tel que l’ont connu ses confrères du Palais, l’homme de devoir et de droiture par excellence et sa perte prématurée, il était âgé de 46 ans, nous laisse à jamais le regret le plus cruel ».

Aline Hamel-Martinet.

Prosper Defoulenay nait le 14 Mars 1887 à Cérilly dans l’Allier. Son grand-père, dont il porte les prénoms à l’identique, était maire de cette ville (c’est lui qui enregistra la naissance de son petit-fils sur le registre d’état civil) et fut député de l’Allier. Son père, Pierre Defoulenay avait épousé en 1884, Marie Meunier, dont il eut 3 enfants : Marie, en 1885, la sœur ainée de Prosper, et Robert, son frère cadet en 1890.

Aucun renseignement sur sa jeunesse vraisemblablement passée à Cerilly où l’on retrouve trace de sa sœur, amie d’enfance de Jean Giraudoux ; ni sur son arrivée sur Paris si ce n’est qu’une fois dans la capitale, il demeurait au 29 rue Descartes dans le 5ème arrondissement.

En 1907, il effectue son service militaire au 53ème régiment d’artillerie de Rambouillet. Le 20 juillet 1912, Prosper Defoulenay obtient sa licence de droit, puis est inscrit au Stage le 30 juillet de la même année.

Le 3 aout 1914, il est mobilisé et rejoint le régiment des cuirassiers de Rambouillet, le 13ème corps d’armée. Il est blessé une première fois, le 6 janvier 1915, au cours de la Bataille de l’Aisne mais cette blessure n’entame ni son courage ni son entrain. Le 13 janvier 1916, il est promu sous-lieutenant à titre temporaire et passe dans les effectifs du 16ème Régiment d’artillerie où ses qualités font l’unanimité.

Le 17 novembre 1916, il est très grièvement blessé par des éclats d’obus à la Laufée-Verdun. Deux jours plus tard, le 19 novembre, Prosper Defoulenay meurt « à l’ambulance » 225 de Dugny secteur postal 58 dans la Meuse des suites de ses blessures. Sa sœur, rapidement prévenue , prendra aussitôt la route pour rejoindre Dugny, mais arrivera trop tard.

Très vite, le Lieutenant-Colonel Mangin, Commandant l’AD63, écrira à Robert Defoulenay, le frère de Prosper, pour relater ses derniers instants et témoigner de son affection :

« … C’est au cours d’une expédition de ce genre qu’il a trouvé une mort glorieuse. Il a été frappé par plusieurs éclats d’obus au moment au nous allions atteindre l’ouvrage de la Lanfée et où nous pouvions nous considérer comme sauvés. Il a été victime d’une véritable fatalité. Toujours d’humeur égale, d’une complaisance et d’un dévouement à toute épreuve, votre frère avait su acquérir la sympathie de tous ses camarades. Ce sont ces brillantes qualités et le courage qu’il montrait dans toutes les circonstances difficiles, qui m’avaient tout naturellement amené à le choisir comme compagnon de préférence aux autres officiers de mon Etat Major. Sa disparition cause parmi nous un grand vide. Tous ceux qui l’ont connu conserveront de lui un souvenir fidèle et ému. Pour ma part, je perds un excellent camarade et un précieux collaborateur. …/…

C’est son Chef d’escadron Dumoulin qui écrira, lui, à sa sœur ainée pour lui exprimer toute l’admiration et la sympathie qu’il éprouvait à l’égard de son frère :

« … j’apprends à l’instant l’affreuse nouvelle de la mort de votre pauvre frère ! C’était devenu pour moi un véritable ami. On l’avait classé à mon groupe en janvier 1916 peu de temps après sa nomination d’officier et j’avais tellement apprécié ses qualités, que je l’avais emmené avec moi en juillet, à l’Etat Major de l’Artillerie divisionnaire. Peut-être vous a t-il parlé de tout cela. Vous savez aussi combien il était bon, intelligent et cultivé et quel charmant caractère il avait. Mais ce que vous ne pouvez pas savoir, comme ceux qui l’on vu au feu, c’est combien il était brave, avec quelle égalité d’humeur, quelle gaité charmante, quel entrain et quelle énergie il supportait la fatigue et les ennuis de la campagne et aidaient les autres à les supporter. Il m’a été en particulier d’un grand secours et il me suffisait de le regarder, si calme, si joyeux, si confiant pour se sentir meilleur et plus fort. Je puis dire en toute sincérité que c’est l’officier le plus accompli, le compagnon de guerre le plus précieux que j’ai rencontré en deux ans de front, et toute la 63e division pensait comme moi, car il n’y comptait que des amis. Les larmes me viennent aux yeux en vous écrivant ces choses et en pensant à l’affreuse perte que nous faisons tous, mais qui nous frappe si particulièrement ! On me dit qu’il s’est éteint sans souffrir, gardant jusqu’au dernier moment toute sa lucidité et tout son calme. Puissions nous mourir ainsi si le pays le demande. Peut-être, Mademoiselle, trouvez-vous quelques réconfort à vous dire quels regrets emportent l’ami que nous appelons tous de son petit nom, Prosper, et que des souvenirs il laissera dans nos mémoires. Personne je vous jure, ne le pleure plus sincèrement que moi et ne s’associe de plus grand cœur à votre douleur. »

Le 23 janvier 1917, Marie Defoulenay, tout en remerciant le Bâtonnier pour ses condoléances, demande l’inscription de son frère au tableau des avocats morts pour la Patrie. Elle espère ainsi que si son plus jeune frère, Robert, également sur le front « a le bonheur de revenir et qu’il puisse continuer son droit, il retrouvera le souvenir de son ainé … ». Robert Defoulenay a survécu à la guerre et s’est éteint à 78 ans, à Cérilly, tout comme sa sœur Marie.