C’est la médecine qui a amené Jean Schneyder vers le Barreau.
Né à Agoulême le 22 mai 1883, ce fils d’officier a un projet : être médecin légiste. Il s’inscrit à la faculté de médecine de Bordeaux et conduit des études brillantes. Préparateur du cours d’anatomie, interne des hôpitaux, il soutient sa thèse de doctorat en 1908. Après avoir terminé ses études, il exerce comme médecin pendant 3 ans à Huisseau, près de Blois.
Mais c’est Paris qui l’attire.
Comme l’écrit le rapporteur inconnu dans son dossier de l’ordre : « S’est marié à Paris 29 mars 1910 = veut être reçu médecin légiste à Paris. »
Effectivement il épouse à cette date Mlle Henriette Lavenue et en 1911, il obtient une licence en droit, ce qui lui vaut d’être inscrit au tableau du stage le 19 décembre 1911.
Le voilà médecin et avocat à la Cour d'Appel de Paris.
Il installe son cabinet dans le 6ème arrondissement, 11 rue Stanislas. Il poursuit encore ses études à la Faculté de Médecine de Paris qui lui accordera le titre de médecin légiste.
En 1914, il publie son premier ouvrage « L’inaccomplissement du devoir conjugal et l’impuissance dans le mariage », édité chez Baillière & Fils et écrit un article « Responsabilité civile des aliénés – Responsabilité des maisons de santé » dans le n°2 de mars 1914 de la revue « La pratique médico-légale ».
Une carrière brillante semble se promettre à lui.
La guerre va se charger de broyer les jeunes talents. Dès la mobilisation, Jean Schneyder est affecté à une ambulance, la première de la 13ème division du XXIème corps d’armée. Les ambulances sont des services sanitaires qui suivent sur le terrain la division d’infanterie à laquelle elles sont rattachées afin de recueillir les blessés. Mobiles, elles opèrent le tri des blessés qui peuvent atteindre plusieurs centaines après un affrontement. Les médecins pratiquent les interventions d’urgence absolue et renvoient à leur corps d’origine les soldats remis en état vers l’hôpital de campagne, plus stable, les blessés graves. Les ambulances s’installent en général, dans des groupes d’habitation, à distance de 4 à 5 km de la ligne de feu. Jean Schneyder est nommé médecin aide major de première classe, c'est-à-dire qu’il est responsable de l’ambulance 1/13.
Le XXIème corps d’armée participe dès le 8 août 1914 à un mouvement offensif et d’occupation d’école des Vosges. Le 21 août, un repli est organisé vers Baccarat. L’ambulance de Jean Schneyder a reçu l’ordre de rester à Raon-sur-Plaine pour prendre soin de la trentaine de blessés intransportables.
Dès le 22 août 1914, les allemands occupent le village et installent leur batterie d’artillerie autour de la maison qui abrite l’ambulance et sur laquelle flotte le drapeau de la Croix Rouge. Leur artillerie pilonne les lignes françaises sans que les Français ne répondent, ne voulant pas tirer sur la Croix Rouge. Le lendemain, une ambulance allemande arrive, dirigée par le professeur Vulpius d’Heidelberg qui leur annonce qu’ils vont être dirigés vers l’Allemagne. Jean Schneyder proteste en vain, arguant de la Convention de Genève. Sans succès. Les médecins et les blessés doivent remettre toutes leurs valeurs aux médecins allemands. Jean Schneyder, révolté par le comportement des allemands qui fouillent et dévalisent les blessés, exige un reçu qui lui sera remis. Les blessés sont emmenés en captivité tandis que les deux médecins, Jean Schneyder et son confrère, sont conduits à Strasbourg et enfermés au Festung-Lazaret. Ils y resteront douze jours à l’issue desquels, à la faveur d’un échange contre un médecin allemand, ils peuvent regagner la France en passant par la Suisse, encadrés par des soldats baïonnettes au canon.
Jean Schneyder est affecté par l’expérience, mais il n’en retire qu’une volonté plus grande d’accomplir son devoir.
Les premiers signes de la congestion pulmonaire qui va l’emporter apparaissent : urémie, troubles cardiaques qu’il sait diagnostiquer, mais ne l’empêchent pas de se dévouer au soin des autres. Il rejoint son ambulance à Chalon sur Marne. Les troupes ont été engagées dans la première bataille de la Marne et les blessés sont nombreux. Sa maladie le contraint à rester à l’hôpital de Chalon, où il va soigner des malades du typhus.
En mai 1915, son état de santé s’est tellement dégradé, qu’il est renvoyé chez lui, à Huisseau. Il y meurt le 22 juillet 1915, épuisé par un dévouement sans limite.
Il est incontestablement « mort pour la France ».
Michèle Brault
Citation et décoration :
- pas de citation ni décoration identifiée à ce jour
- Portrait de Jean Schneyder
- Faire-part de décès
- « Les obsèques du docteur Schneyder », L’Indépendant du Loir et Cher, juillet ou août 1915
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Mémoire des Hommes : Jean Auguste Schneyder
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Archives départementales du Puy de Dome : Registres matricules – voir n° 193, p. 191
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Gallica :
Rapports et procès-verbaux d’enquête de la commission sur actes commis par l’ennemi (1)
Rapports et procès-verbaux d’enquête de la commission sur actes commis par l’ennemi (2)
Annonce de mariage : Le Journal, 19 mars 1910