CONQUET Jean (1892-1916)

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Conquet photo
Conquet Rapport de patrouille 
Conquet Lettre du Colonel Frisch 
Conquet Livret 
Comme il a fière allure, Jean Conquet, sous son bel uniforme de Dragon du 14ème régiment !
Droit, l’air sérieux, il doit songer à son père, le colonel Conquet qui commande le Fort de Marseille. Jean Conquet est mort avocat au barreau de Paris, mais sans avoir jamais exercé. On ne saura jamais quelle motivation l’a poussé à prêter serment devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en pleine guerre, à l’occasion d’une permission, le 14 février 1916, moins d’un mois avant de mourir. Il avait demandé son inscription au stage du barreau de Paris le 18 février suivant.
Son ambition était multiple : avocat ? Militaire ? Homme politique ? Il avait 23 ans et des rêves qu’il craignait, à juste titre, ne jamais réaliser.
Le 7 août 1914, dans une lettre un peu grandiloquente à son jeune frère, une lettre sentencieuse comme les aînés de 21 ans, confrontés à la guerre et à la mort, écrivent à leur cadet pour leur transmettre leur jeune expérience, il lui passait le flambeau de ses ambitions : « J’ai prédit la guerre longtemps, je l’ai souhaitée parce que nécessaire, je suis content de la voir là. Un regret cependant, ne pas rendre tout ce que j’aurais pu, faute à mon instruction militaire insuffisante ; j’avais la vocation d’officier, j’en aurais fait un très bon, je crois, et serais d’utilité en la circonstance présente. Rejeté vers la vie civile, j’avais mon plan, Dieu me le laissera t-il réaliser ? Qui sait ? Je voulais me pousser de tous côtés pour être quelqu’un et faire quelque chose qui aurait été beaucoup. Il s’agit de ces mots précisément qui termine le message de M. Poincaré : la Liberté, la Justice et la Raison. Nous sommes de mêmes idées, tu sens ce que je pense, tu le sauras réaliser. »
Jean est né le 24 novembre 1892 à Grasse, où son père, le capitaine adjudant major Auguste Conquet, était en garnison avec le 23ème Bataillon de Chasseurs à pied. Sa mère, Joséphine Valle, est âgée de 22 ans lors de la naissance de ce premier enfant. Sans profession, elle suit son mari. Une autre affectation du père conduira la famille à Avignon où Jean suivra l’enseignement du lycée public. En 1910, après son deuxième bac, il intègre l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales à Paris et obtient son diplôme en 1912.
Lauréat du concours de la Société d’encouragement du commerce français d’exportation, il fait un stage d’un an en Allemagne. Le 30 octobre 1913, il est licencié en droit. Il a profité de cette période estudiantine pour voyager et visiter l’Espagne, la Bavière et la Prusse.
Il a pris l’habitude de consigner toutes ses pensées dans des cahiers ou dans les lettres envoyées à sa famille. Son sens de l’analyse est surprenant pour un si jeune homme. Dans le livret publié en 1919, intitulé « La Vie et la Mort de Jean Conquet », un ami de la famille qui a eu accès à ces cahiers et correspondances en cite des extraits, dont on retient celui-là, datant du 31 janvier 1913 : « On en peut pas vivre en Allemagne, à moins d’être aveugle, sans voir ce qui saute aux yeux : ce pays va en courant à la guerre et à la catastrophe. Ou bien l’Allemagne craquera et avant peu, ou elle fera la guerre qui, si elle est victorieuse, peut seule la sauver d’un gigantesque écroulement. Un an ne s’écoulera pas sans que nous voyions l’un ou l’autre. » Jean vient d’avoir 20 ans …
Manifestement, il n’avait pas choisi la voie militaire tracée par son père. Toutefois, son voyage en Allemagne aidant peut-être, il décide d’accomplir sans tarder son service militaire. Il veut choisir son arme et porte son dévolu sur les Cuirassiers, auréolés « de légende terrible et héroïque ». Plus précisément, il s’est renseigné et obtient l’affectation de son choix auprès du 6ème régiment de Cuirassiers, basé à Sainte-Ménehoulde. Le registre militaire du département du Vaucluse indique qu’il est alors étudiant résidant à Munich, en Allemagne. Il rejoint son régiment le 2 octobre 1913.
Le 5 février 1914, il est brigadier, mais son ambition le pousse vers un grade plus élevé. En juillet de la même année, il passe les examens d’élève officier de réserve et devient aspirant le 24 décembre 1914. La guerre a débuté depuis cinq mois et Jean, qui se croyait en première ligne à Sainte-Ménehoulde, « de ceux qui donneront le premier coup », est néanmoins soulagé, en août 1914, de voir l’invasion épargnée à la France. « C’est la pauvre Belgique qui sera ravagée » écrit-il.
La déception va être cruelle. Son régiment est chargé de courir vers la frontière belge et de protéger la retraite des troupes françaises après la bataille de Charleroi. Il ne s’arrêtera qu’à la Marne. Les cavaliers ont parcouru 2000 kilomètres et 400 chevaux sont morts en route. Jean Conquet garde pour ses notes ses réflexions sur l’usage de la cavalerie en temps de guerre, mais manifestement l’heure de la cavalerie est passée. Dès l’automne, la guerre de tranchées réduit son rôle à des missions de patrouille et de reconnaissance.
Le 26 février 1915, il est versé au 14ème régiment de Dragons. Sa mission s’effectue dans les tranchées. Il se plaint de l’eau qui ruisselle sans cesse et d’avoir froid aux pieds. Mais son moral reste intact. Il est convaincu du devoir de chacun de libérer la France, y compris l’Alsace-Lorraine. Il faut définitivement solder les comptes avec l’ennemi allemand.
Après 16 mois de campagne, le 11 janvier 1916, il est affecté au 122ème régiment d’infanterie, qui est dans l’Aisne, près de Soupir.
Le mois suivant, il prête serment d’avocat.
Début mars, il mène une série de patrouilles qui a pour objet de faire quelques prisonniers allemands afin d’obtenir d’eux des renseignements. Son bataillon est relevé, mais il demande à poursuivre la mission jusqu’à ce qu’elle soit couronnée de succès. Il ne veut pas renoncer. Quelques soldats du 14ème Dragons, comme lui, choisissent de l’accompagner. Le rapport de la patrouille décrit leurs faits et gestes. Dans la soirée du 6 mars 1916, le petit groupe, composé de Jean Conquet, qui le dirige en qualité d’aspirant, et de 5 hommes, sort de la tranchée et s’avance en rampant vers la tranchée allemande. Chaque avancée est ponctuée de pauses d’observations pendant lesquelles les hommes entendent les conversations et les bruits de pas des soldats ennemis dans la tranchée proche. Jean Conquet et le soldat Liadière s’approchent à 7 ou 8 mètres de la tranchée, les autres étant restés sur ordre postés plus loin. Ils se recroquevillent dans un trou d’obus pour procéder à une nouvelle écoute. Des conversations et de nombreux bruits de pas sont notés. Des coups de feu sont tirés sur la patrouille, signe que l’ennemi a repéré sa présence. Après 45 minutes d’observation, Jean Conquet décide de se replier. Lorsqu’il sort du trou d’obus, plusieurs coups de fusil retentissent. Il est touché et s’effondre en criant : « Je suis atteint, tu pourras dire à mon père que je suis mort. Vive la France ! » . Ses camarades vont réussir à ramener son corps au péril de leur vie et Jean Conquet sera inhumé à Mont-Notre-Dame, près de Brains dans l’Aisne.
Son esprit mûr et réfléchi avait anticipé sa mort et il avait rédigé quelques dispositions qu’il souhaitait voir prendre : « Celui qui tombe à l’ennemi ne meurt pas. Si j’ai cet honneur insigne, je ne veux pas qu’on me pleure. En faisant part de ma « perte glorieuse », on dira devant mon nom, mon grade et puis mes titres civils de Licencié et de Diplômé de l’HEC, le tout suivi de la mention « Tué à l’ennemi » - pas de flaflas, champ d’honneur, etc … la vérité, c’est tout. (…) Mon deuil ne sera rien auprès de celui de l’Alsace-Lorraine pendant 44 ans. C’est une joie de périr en refaisant la France. »

Citations et décorations :

  • Cité à l’Ordre n°158 de la 31ème Division d’Infanterie, le 20 mars 1916 :

    « Venu de la cavalerie, a montré à plusieurs reprises un courage digne de servir d’exemple. Après avoir, comme volontaire, dirigé une série de patrouilles, a demandé, bien que son unité fût relevée, à les compléter par de nouvelles sorties. Est tombé frappé au cœur, au bord de la tranchée allemande qu’il s’efforçait de reconnaitre, dans la nuit du 6 au 7 mars. Avant d’expirer, s’est redressé pour dire : « Tu diras à mon père que je suis mort. Vive la France ! »

  • Médaille militaire et Croix de guerre à titre posthume
  • Portrait de Jean Michel Henri Conquet

  • Rapport de patrouille du soldat Ladière du 7 mars 1916 (copie)

  • Lettre du colonel Frisch au colonel Hebmann du 7 mars 1916 (copie)

  • Jules Belleudy : « La Vie et la Mort de Jean Conquet », 1919 – Extrait des Mémoires de l’Académie de Vaucluse, Collection Ordre des avocats de Paris

 
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