BAZIRE Henri (1873-1919)

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  Bazire photo
 
Bazire lettre confrre 1913
 
« Monsieur le Bâtonnier, je crois devoir vous prévenir, selon l’usage, que je dois plaider Mercredi prochain, 19, à la 9ème chambre du Tribunal, un procès intéressant un de nos confrères, Me H. Bazire. », écrivait le 17 février 1913, Jean Magnier avocat à Paris. Celui-ci s’empressait toutefois de rassurer le bâtonnier : « il n’est d’ailleurs pas personnellement en cause. Il s’agit d’un simple procès en refus d’insertion contre son journal, La Libre Parole ».
En effet, Henri Bazire né en 1873 à Fontenay le Comte en Vendée n’était pas qu’avocat, comme l’illustre la table des matières de l’ouvrage qui lui a été consacré en 1922 Un Catholique au XXème siècle – Henri Bazire. Il était « Le Président de l’ACJF, l’Apôtre Social, L’Avocat, le Journaliste, L’Homme Politique, et le Soldat ». Issu d’un milieu de la bourgeoisie vendéenne, fils de médecin, Henri Bazire est profondément catholique, engagement qui dominera sa vie. En 1891, il participe à son premier pèlerinage à Rome, sous l’égide de l’Association Catholique de la Jeunesse Française (ACJF) nouvellement créée, fer de lance des catholiques sociaux et qui s’inscrit dans la mouvance du ralliement catholique à la République encouragé par le pape Léon XIII. Il en deviendra président en 1899.
Henri Bazire étudie le droit à Poitiers où son cursus le mènera jusqu’au doctorat en 1898. Sa thèse, consacrée aux conditions de travail imposées aux entrepreneurs dans les adjudications de travaux publics, reflète sans doute l’intérêt qu’il porte aux questions sociales qui fera de lui l’une des figures les plus importantes du mouvement catholique social. Entre temps en 1894, Henri Bazire s’est inscrit au barreau de Poitiers puis en 1895 au barreau de Paris afin d’accompagner dans la capitale sa mère qui s’y était installée pour assurer l’éducation d’un de ses jeunes frères. Il est élu secrétaire de la conférence du stage en 1897, dans la même promotion qu’André Mornet qui, devenu procureur, requerra la mort contre le Maréchal Pétain à la libération. Henri Bazire devient collaborateur du bâtonnier Charles Chenu, avocat de la famille de Gaston Calmette, directeur du Figaro assassiné par Mme Caillaux.
Son activité professionnelle est le reflet de ses convictions catholiques ainsi que de son époque. Ainsi, en 1900, il est l’un des avocats qui défend les assomptionnistes lors du procès mené par la Troisième République à la congrégation de l’Assomption et qui aboutira à sa dissolution. Il défend ensuite de nombreuses congrégations catholiques dans le cadre de poursuites liées à la loi de séparation de l’église et de l’état en 1905.
En juillet 1901, âgé de 28 ans, il épouse Marguerite Richardez. Il avait reçu, la veille de son mariage, la croix de l’ordre de St Grégoire le Grand des mains de l’archevêque de Paris, au nom du Pape. En 1910, une équipe d’anciens de l’ACJF dirigée par Henri Bazire reprend la Libre Parole, journal populiste connu jusqu’alors pour son antisémitisme virulent. Henri Bazire en devient le rédacteur en chef. Candidat malheureux aux élections législatives en Vendée, il est battu trois fois, la dernière en 1914 (à l’instigation de l’Action Française, notamment, qui le détestait pour son attachement à la République) à quelques semaines de la déclaration de guerre.
Grace au journal de campagne qu’il a scrupuleusement tenu et aux 1350 lettres écrites à sa femme et ses enfants pendant la guerre, de nombreux détails de la vie militaire d’Henri Bazire sont parvenus jusqu’à nous. Agé de 41 ans et déjà père de cinq enfants, Henri Bazire aurait certainement pu échapper à la mobilisation ou à tout le moins en atténuer la rigueur. Il rejoint cependant sans hésiter le 68ème Régiment d’Infanterie Territoriale en qualité de lieutenant dès sa mobilisation. Il passe les premiers mois de la guerre en région parisienne où son régiment creuse des tranchées.
Le 11 janvier 1915, il est affecté à l’état-major de la 85ème division territoriale, dans l’Aisne et devient commissaire du gouvernement près le conseil de guerre de division, « malgré sa résistance ». Sa division se bat sur le front dans l’Aisne. Henri Bazire devient Capitaine d’Infanterie le 10 mai 1915 et le 8 juillet est affecté à l’état-major de la 120ème division stationnée dans l’Oise. Le 9 novembre 1915, il écrit : « Aujourd’hui, j’ai 42 ans. C’est un poids sur les épaules. Tout remettre entre les mains de Dieu et faire son devoir simplement ». Il se porte néanmoins volontaire pour monter en avion et effectue son premier vol de reconnaissance au-dessus de Compiègne le 15 décembre 1915, qui sera suivi par de nombreux autres.
En 1916, sa division participe à l’attaque de Verdun. Sous les bombardements ennemis, il assure la liaison entre les différentes unités de sa division. Il dépeint les combats à sa femme dans ses lettres sans lui en cacher la terrible réalité. Ainsi, à Verdun le 4 mars 1916, il écrit : « Toujours les lacrymogènes. On met et on remet les masques. Des blessés après chaque coup. On les apporte. Je me tiens à l’égard tout d’abord. Puis, j’essaie de remplir mon devoir. Pas de prêtres. Je tente de les consoler, de leur parler de Dieu. Pauvres petits qu’on apporte ! Quand on découvre leurs pauvres corps d’enfants, je songe aux mères. On dirait de pauvres oiseaux criblés, fauchés par le plomb des chasseurs. Remercions Dieu, nous nous sommes relevés, je suis sain et sauf. De quel enfer je suis sorti ! Tant de camarades et notre pauvre commandant de Lattre y sont restés.» Cette action lui vaudra une citation le 24 mars 1916 : « A, devant Verdun, du 2 au 10 mars, très courageusement payé de sa personne en effectuant sous un bombardement intense, la liaison avec divers éléments de la D.I. vivement engagés ».
Après avoir été exposé une première fois aux gaz en 1916 à Verdun, c’est à compter d’octobre 1917 qu’il est intoxiqué de nouveau à plusieurs reprises et commence à en ressentir les effets. Il se plaint des poumons et de l’estomac mais il demeure à son poste pendant toute la campagne de 1917 à Verdun. Lucide face à l’horreur de la guerre, sa foi, toujours réaffirmée dans ses écrits de guerre, l’aide à la supporter, comme il l’écrit à sa femme à l’occasion de la naissance de son sixième enfant au début de l’année 1917 : « Bénissons Dieu. La mort entre dans tant de foyers… dans le nôtre, il multiplie la vie ». Son état empire et alors qu’il ne peut plus quitter son lit, Henri Bazire est finalement évacué le 3 juillet 1918 vers le Val de Grâce.
Démobilisé, se sachant condamné par la maladie, il se retire dans sa maison de Marigny dans l’Allier où il meurt 19 juillet 1919 des suites de ses intoxications à l’âge de 45 ans. Sa mort crée une émotion considérable, du pape Benoît XV jusqu’à ses ennemis politiques comme l’Action Française qui écrit à cette occasion: «Henri Bazire était, avant la guerre, un adversaire politique et des plus nets. Pendant la guerre, l’Action Française a rendu hommage à ses services miliaires. Elle s’incline avec émotion devant le cercueil du soldat ».
Fait chevalier de la Légion d’Honneur le 5 octobre 1918, il laisse une veuve et six enfants.

Citations et décorations :

Bazire tableau citation

  • Lettre de Me Magnier au Bâtonnier 17 février 1913.
  • Lettre de la Chambre des députés au Bâtonnier 23 août 1919.
  • Notice de Maurice Quentin, Hommage aux Morts de la Guerre. Association amicale des Secrétaires et anciens Secrétaires de la Conférence des Avocats – 1929.
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