Il est surprenant de voir combien certains confrères ont laissé des traces nombreuses, combien leur parcours, familial et professionnel, est facilement traçable tandis que d’autres sont restés si discrets qu’il est difficile de restituer leur chemin. Robert Richard est de ces derniers.
Il est né le 31 mars 1889 dans le 9ème arrondissement, 3 rue Trévise. Son père, Auguste Richard, est principal clerc d’huissier. Sa mère, Caroline Metter, est sans profession. L’acte de naissance de Robert Richard est signé par les deux témoins d’usage, l’un est employé, l’autre est garçon de recettes, comme s’ils avaient été requis par hasard.
Robert Richard obtient sa licence en droit le 25 juillet 1911, il a été interrogé sur les voies d’exécution et le droit commercial.
Il prête serment le 14 octobre 1913. Dans le dossier de l’Ordre, une note manuscrite indique que le père de Robert Richard est gérant de propriétés, mais que son cabinet est distinct de son appartement. La note mentionne également que le candidat à l’inscription au stage vient d’accomplir son service militaire à Nancy.
Après moins d’un an d’exercice professionnel, Robert est mobilisé et affecté au 360ème régiment d’infanterie qui se forme à Neufchateau, dans les Vosges. Il a 25 ans. Le régiment va s’avancer en Moselle et participer à une rude bataille dès le 25 août 1914. Ce premier affrontement est un choc : 19 officiers et 900 hommes sont tués.
Le sort du 360ème RI ne va jamais être confortable : dès le mois d’août, longues stations d’attentes sous la pluie et dans la boue, reconnaissances périlleuses. En octobre 1914, il participe à la « Course à la mer », qui a pour but d’empêcher les Allemandes d’envelopper les troupes françaises et qui aura pour conséquence d’étirer le front jusqu’aux côtes, au prix d’affrontements d’une grande violence qui vont laisser le régiment exsangue, meurtri. Il est pionnier dans le creusement des tranchées.
Le 360ème RI est ensuite envoyé dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette, près de Carency. Robert Richard y a rendez-vous avec son destin, le régiment ne va plus bouger des collines d’Artois auxquelles s’accrochent les Allemands.
Le 5 mai 1915, en vue de l’offensive générale du 9 mai, le régiment quitte le plateau de Lorette pour prendre sa position face à Carency. Le village a été transformé en forteresse par les Allemands. Il est défendu par 4 lignes de tranchées. Afin de préparer le terrain, l’artillerie française pillonne sans discontinuer les positions allemandes. Pas un mètre carré n’est épargné dans cette œuvre de destruction.
Le 9 mai, les troupes françaises s’élancent. Dans le massacre qui suit, les corps tombent, sont piétinés, oubliés. Le corps du sergent Robert Richard ne sera pas retrouvé.
Le 28 mars 1928, la mère de Robert, du 1, rue bleue, une petite impasse sombre et très modeste, répond au Bâtonnier qui lui demande des renseignements sur son fils : « Je crois devoir vous dire que mon malheureux enfant est resté sur le champ de bataille, d’une petite blessure au menton, de 10h du matin à 9h du soir. Je tiens ces renseignements de celui qui était auprès de lui et qui ayant perdu la tête, l’a laissé à 9h du soir, sans s’assurer s’il était vivant ou non. N’ayant rien su depuis, je doute encore ; dans cette incertitude, mon cœur se dérobe, refuse à remplir la feuille que vous m’envoyez, car mon cœur de mère espère, veut espérer envers et contre tout. »
Michèle Brault
Citation et décoration :
- Pas de citation ni décoration identifiées à ce jour
- Lettre de sa mère au Bâtonnier (28 mars 1928)
- Courrier adressé à Robert Richard, retourné à l'Ordre des Avocats ; non ouvert.
- Mémoire des hommes : Robert, Jean Richard
- Tableaudhonneur.free : Historique du 360e RI
- Archives de Paris, D4R1 1543, fiche matricule n°487, classe 1909, Paris, 6e bureau.