Gabriel, René, Fernand Le Ber naît à Rouen le 8 juin 1880. A l’âge de 2 ans, il perd sa mère qui vient de mettre au monde son frère cadet, André. Gabriel et son petit frère passent leur enfance à Hougerville, élevés par une nourrice, Marie David, qui devient leur belle-mère en 1886 et puis la mère de leur demi-frère, Guillaume, né en 1889.
En 1890, Gabriel Le Ber et son frère, André entrent à l’institution Join-Lambert (aujourd’hui Institution Jean-Paul II). Gabriel Le Ber poursuit sa scolarité après sa seconde au Lycée Corneille à Rouen. Toutes ces années où il a l’internat en horreur et où il s’ennuie copieusement, il se réjouit de retrouver pendant ses vacances son foyer à Hougerville, ou son grand-oncle maternel à Saint-Ouen et surtout sa seconde famille, les Millevoye, dans leur propriété du Crotoy dans la baie de Somme où il y retrouvait son ami très proche
Henri Millevoye. Bachelier, il commence son droit à Rouen sous la direction de Georges de Beaurepaire, avocat à Rouen et fondateur de l’Ecole libre de droit de Rouen.
En 1899, il devance l’appel et fait son service militaire au 74e Régiment d’Infanterie d’où il sort caporal dans la réserve en 1901.
Il termine ses études de droit et entre comme clerc d’avoué chez son oncle, Maitre Roche.
Mais la profession d’avocat l’attire. Docteur en droit après la soutenance de sa thèse sur l’effet déclaratif de la licitation et la jurisprudence publié en 1906, il demande son inscription en mars 1905.
L’année suivante, le 21 juin 1906, Gabriel Le Ber épouse Adèle Richet, fille du professeur, membre de l’Académie de médecine, Prix Nobel de physiologie en 1913, Charles Richet ; naitront de cette union Anne-Marie (1907), Antoinette (1910) et Dominique (1913).
Ses premières années d’avocat, il est successivement secrétaire de Mes Maurice Bernard, Hamel, Sayet. Il est élu 6e secrétaire de la Conférence, promotion 1908-1909, sous le bâtonnat de Raoul Rousset en même temps qu’Auguste Champetier de Ribes (1er secrétaire); ce dernier, avec
Henri Millevoye, fait partie de ses amis intimes au Barreau.
Lorsque l’ordre de mobilisation est affiché, dès le 3 août 1914, il rejoint son corps pour être détaché quelques semaines plus tard comme interprète dans le régiment Somerset dans la 4e Division anglaise qui débarquait au Havre.
Le 25 août, il prend part à la bataille de Cateau.
Après la bataille de la Marne, il est agent de liaison entre les troupes anglaises et françaises. Mais le retrait dans les plaines du nord, sous la pluie et dans la boue auprès des anglais, dans l’inaction ne lui convient pas.
A sa demande, le 29 janvier 1915, Gabriel Le Ber alors sergent, rejoint le 74e Régiment d’Infanterie dans la 10e compagnie, compagnie voisine de celle de son ami Henri Millevoye. Le 74e R.I. occupe alors les tranchées et assure les travaux de défense aux abords de Thil dans la Marne. Puis, le 74e R.I. se retrouve dans l’Artois où il prend part aux effroyables combats de Berry-au-Bac (Aisne) et à Neuville-Saint-Vaast (Nord) en juin, dans le Labyrinthe où Gabriel Le Ber reçoit une balle de shrapnel dans l’omoplate, le 9 juin 1915 et est évacué.
C’est pendant sa convalescence, qu’il demande au Bâtonnier sa réinscription au Barreau, ayant démissionné peu de temps avant la guerre pour rejoindre provisoirement un agrée. Il écrit : « Plus que jamais, sous l’uniforme, je me sens uni à notre grande famille du Barreau qui a payé sa dette à la Patrie dans la personne de plusieurs de mes plus chers amis :
Bonnet,
Sabatier,
Viven. »
Après sa convalescence entourée des siens, il rejoint son dépôt mais non pas pour repartir immédiatement au front. Il est encore moralement fragilisé par les souvenirs trop présents des batailles de Berry-au-Bac et surtout de celle du Labyrinthe qu’il décrit dans sa lettre du 23 juin 1915, à Jacqueline Millevoye « J’ai vu un ravin transformé en charnier où les marmites ennemies déterraient continuellement des membres épars. J’ai vu mon bataillon pressé par l’heure de la relève passer tout entier sur un homme enterré vivant qui criait… ».
Gabriel Le Ber demande un régiment territorial après avoir suivi le peloton d’élèves-officiers à Valreas.
C’est en octobre 1915, qu’il apprend la mort de son ami Henri Millevoye.
En mars 1916, sous-lieutenant, il rejoint finalement le 74e R.I. dans la 11e compagnie pour être en avril sous les murs de Verdun où les combats font rage. Le 19 mai 1916, Gabriel Le Ber écrit à Adèle, son épouse : « Nous sommes montés en tranchées, hier soir, Lanquetot et moi, pour reconnaître le secteur que notre compagnie va occuper ce soir, et nous l’y attendons. Je pense que nous aurons l’occasion de montrer notre mordant. Je suis calme, très. Vraiment, on se familiarise avec la mort. On l’accepte. Mon seul regret serait de te faire tant de peine. Mais tu saurais me sentir auprès de toi, même demeurée seule. Sois sûre que, s’il existe un ciel, nous nous y retrouverons. Je demanderai à Dieu, si je n’ai pas su le sentir en cette vie, de faire grâce à un homme de « bonne volonté » (…) »
Le 22 mai 1916, le jour de l’attaque programmée pour la reprise du Fort de Douaumont tenu par l’ennemi depuis le 25 février 1916, la section commandée par le sous-lieutenant Le Ber est engagée au sud-est du bois de la Caillette, tapie dans les trous d’obus, sous des bombardements intenses, attendant l’heure de l’assaut. Le moment venu, Gabriel Le Ber entraînant ses hommes vers le fort, reçoit deux balles de mitrailleuses qui le blessent mortellement. Ce même 22 mai 1916, lors de ce même assaut et dans le même régiment, tombe
Robert Davrillé des Essarts. Dans cette tentative vaine de reprendre le Fort, le 74e R.I. compte plus de 1700 hommes tués, blessés, portés disparus ou capturés entre le 22 et le 24 mai 1916.
D’abord inhumé au cimetière de Bévaux, la dépouille de Gabriel Le Ber est ramenée en 1919 dans le village familial à Colleville en Seine-Maritime.
Citations et décorations :
- Cité à l’Ordre du Régiment, le 1er avril 1916 :
« Venu volontairement une première fois au front, s’est fait remarquer, à plusieurs reprises, par son énergie et son ascendant sur ses hommes, notamment aux combats de juin 1915 au cours desquels il a été blessé en entraînant sa section à l’assaut sous un feu meurtrier. Guéri, est revenu une seconde fois au feu sur sa demande. »
- Cité à l’Ordre de l’Armée :
« Officier de grande valeur, ayant beaucoup d’autorité sur ses hommes auxquels il donnait, en toutes circonstances, les plus beaux exemples de bravoure et de sang-froid. Le 22 mai 1916, a enlevé magnifiquement sa section à l’assaut des tranchées allemandes et s’est accroché au terrain conquis sur lequel il s’est maintenu, malgré de furieuses contre-attaques de l’ennemi. A été blessé à mort. »
- Chevalier de la Légion d’honneur. Croix de guerre.