SALEILLES Jean (1890-1915)

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Lui aussi est tombé dans la marmite juridique dès son plus jeune âge, comme beaucoup de ses congénères du Barreau de Paris.
Sa mère, Marguerite Bufnoir, est la fille du célèbre Professeur Claude Bufnoir, reçu premier à l’agrégation à la Faculté de Dijon et titulaire, à la fin de sa vie, de la chaire de Code civil à la Faculté de Droit de Paris. Son aura inspirera l’un de ses élèves qui créera la fameuse Conférence Bufnoir en 1909.
Le père de Jean Saleilles est le Professeur Raymond Saleilles, dont l’œuvre riche et moderne est encore rééditée.
C’est dans doute l’influence de ses deux aînés qui conduit Jean à cumuler les diplômes : licencié en droit, diplômé de Sciences Po, lauréat à plusieurs reprises de la Faculté, dont celle de Lettres.
Il est inscrit au stage le 25 novembre 1913, tout en préparant un doctorat. C’est en connaissant le père que l’on devine le fils, parti trop jeune pour laisser une trace. Raymond Saleilles est considéré comme l’un des maîtres les plus éminents de l’Ecole de Droit Civil. Toutefois, il a commencé sa carrière par l’enseignement du droit pénal, dont il écrit dans son ouvrage sur L’individualisation de la peine, en 1898 : « Le droit pénal est une construction abstraite qui ne connaît que le crime et ignore les criminels ». Sa renommée naît de ses travaux de droit civil comparé, dans lequel il mêle observation sociale et histoire. Fameux pour sa formule : «Au-delà du code civil, mais par le code civil », il est un admirateur du droit allemand dont il fera connaître le code civil.
La philosophie dans laquelle est élevé Jean est celle d’un catholicisme social et progressiste. Son père a défendu la conception de communauté égalitaire dans le mariage où la femme reprendrait son véritable rôle d’associée. Il prône la solidarité humaine, suprême aboutissant de la solidarité sociale. Jean va s’investir fortement dans les œuvres sociales et ouvrières. En particulier, il s’implique dans la création de jardins ouvriers dans le 14ème arrondissement et sur la commune d’Issy-Les-Moulineaux.
Lorsque la mobilisation est décrétée, Jean Saleilles est enrôlé comme sous-Lieutenant au 355ème de ligne.
Dès le 8 août 1914, son régiment est envoyé dans la Woëvre, en première ligne, près de Verdun. Il est immédiatement confronté au feu ravageur des canons et mitrailleuses ennemis encore très supérieur en puissance de feu à l’artillerie française.
Le 15 septembre 1914, Jean est blessé à la bouche. Le 16 aux combats de Courcelles, un schrapnel lui inflige une plaie de la face interne du genou droit.  Evacué, il passera quelques jours à l’ambulance de la rue Bizet à Paris. Le 18 novembre, il est de nouveau blessé par une balle, cette fois au menton, aux combats de Fouquevillers.
Son régiment va demeurer dans la Meuse subissant des pertes nombreuses jusqu’à la fin de l’année de 1914 où il gagne la Picardie. Il va tenir le secteur de Monchy-aux-Bois jusqu’à la fin février 1915.
Jean Saleilles a le sentiment d’être un privilégié et il en ressent une obligation de partager ses connaissances avec les soldats en leur donnant des conférences. Ce statut l’oblige, selon lui, à se battre au 1er rang : « Si les deshérités, les pauvres tombent sur les champs de bataille alors qu’ils n’ont ni terre ni bien à défendre, mais seulement cette patrie qu’on les accusait de méconnaître, ne soyons pas, nous autres, en arrière et reconnaissons que notre place est en avant », écrit-il à sa mère pour l’exhorter à consentir au sacrifice de ses fils.
En septembre 1915, le 355 de ligne est débarqué à Oury dans la Marne et il va participer à l’offensive générale de Champagne, considérée par le Général Joffre comme l’opération principale de 1915, destinée à briser le front allemand. Pendant des jours, l’artillerie française pilonne les positions allemandes pour préparer l’assaut des soldats.
Le 25 septembre 1915, l’offensive est déclenchée. Une journée sanglante débute sous la pluie. Après les premiers succès dus à la surprise et au courage insensé des troupes, l’élan est brisé sur la deuxième ligne de défense allemande. Le 355ème est resté en réserve près d’Aubérive jusqu’au 26 septembre. De retour sur le front, un affrontement aux abords d’un boyau allemand provoque les premières pertes. Les obus allemands font des dégâts énormes : l’autre Lieutenant de la Compagnie de Jean Saleilles est tué, puis s’est au tour du Capitaine d’être broyé et enterré par un obus de 210.
Le soir du 26 septembre, il est le seul officier de sa compagnie.
Le 27 septembre, ordre est donné au régiment de Jean Saleilles de prendre une tranchée devant la Ferme du Navarin. L’attaque est reportée au 28. A l’heure dite, à la tête de sa section, Jean et ses hommes s’élancent, l’arme à l’épaule, la baïonnette au poignet, avec ordre et sang-froid. Les mitrailleuses ennemies commencent leur affreuse vendange. Jean reçoit 2 balles, dans la main et dans le bras. Il continue. Une balle le frappe en plein cœur et il s’effondre. Ce jour-là, 60 % des effectifs de son régiment est tué ou blessé.
Dans une lettre contenue dans le recueil des « Lettres de guerre » que sa mère fera publier en 1916, l’un de ses amis, Capitaine dans le 154ème Régiment d’Infanterie, décrit Jean Saleilles : « Son intelligence lumineuse qui le distinguait si nettement des autres, sa belle âme ouverte à tout ce qui était grand et noble, son cœur si tendre, si compatissant qui le rendait accessible aux plus petits, aux plus simples, son idéal si pur, si élevé de l’amour du prochain, faisait de lui un homme dans toute l’acception du mot et un homme de première valeur ».
Michèle Brault

Citations et décorations :

  • Cité à l'Ordre de la 56e Division, le 21 mai 1915 :

    « A été blessé une première fois le 15 septembre, au passage de l'Aisne, alors qu'il commandait sa compagnie, une deuxième fois à Foncquevillers, le 18 novembre. Beaucoup d'entrain,d'énergie et de courage ».

  • Cité à l'Ordre du VIe Corps d'Armée, le 9 novembre 1915 :

    « Officier très brave et très énergique. Déjà blessé deux fois, a été tué à l'assaut, en tête de sa compagnie, le 28 septembre 1915 ».

  • Croix de guerre
  • Chevalier de la Légion d'honneur à titre posthume (le 26 septembre 1919, Journal Officiel du 30 octobre 1919).
  • Portrait de Jean Saleilles
  • Le Lieutenant Jean Saleilles. Lettres de guerre, 1916 - Collection de l'Ordre des Avocats de Paris

Extraits :

Lettres à sa mère (14 & 16 novembre 1914)

Lettre à sa grand-mère (12 janvier 1915)

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