THIÉBAULT Charles (1881-1916)

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Thiebault Lettre au Bâtonnier 
Thiebault Lettre confrèrep1
Qu’est-ce qui a attiré Charles Thiébault à Laon ? On ne le saura vraisemblablement jamais. Bien que né à Paris le 6 février 1881, il fait son service militaire à Laon en 1901, puis s’inscrit au stage auprès de l’ordre des avocats de Laon le 28 octobre 1902 et au tableau le 1er août 1906. C’est pendant cette période qu’il obtient un doctorat en droit.
Toutefois, Paris doit lui manquer, car il sollicite d’être inscrit au barreau de Paris en 1910.
On ignore où son enfance s’est déroulée, dans quel lycée il a fait ses études. Son père, François Thiébault, est contrôleur principal des contributions directes à sa naissance. Il a quarante ans. Sa mère s’appelle Pauline Niess. Elle a 36 ans et vit avec son mari 50, rue de Rivoli dans le 4ème arrondissement de Paris.
En octobre 1910, Charles Thiébault a déposé son dossier auprès de l’Ordre et son cousin, Maître Edmond Mouillefarine, avoué près du Tribunal de 1ère instance de la Seine, ainsi que le bâtonnier de Laon le recommandent chaudement. Ce dernier écrit au rapporteur du dossier, un certain Fernand Labori : « C’est un garçon intelligent, délicat, et au point de vue professionnel, il n’y a que des éloges à lui faire. »
Charles est inscrit au tableau des avocats de Paris le 3 octobre 1910. On trouve son nom dans un dossier de succession et dans une décision en matière de propriété intellectuelle. Son cabinet est 17, rue de Berlin. En 1914, la rue va être rebaptisée rue de Liège en hommage à la résistance des Liégeois face à l’armée allemande.
Le 1er mai 1911, il épouse Estelle, Félicie, Marie-Rose Papon à la mairie du 18ème arrondissement.
La guerre le trouve dans cet état, sans que l’on en sache plus sur lui. Début août, Charles Thiébault rejoint le 245ème régiment d’infanterie qui se forme à Laon, ville qu’il connait bien. Le régiment va être envoyé en Belgique, à Willerzie, , puis il participera à la première bataille de la Marne pour finir l’année 1914 fixé dans le secteur de La Neuvillette, près de Reims, dans la guerre des tranchées qui s’organise.
Le 10 novembre 1915, Charles Thiébault écrit au bâtonnier pour lui faire part de ses citations : « Une présence ininterrompue de 15 mois sur le front ne me font pas oublier mon cher Barreau trop longtemps délaissé … », « Je suis heureux et fier, Monsieur le Bâtonnier, de pouvoir contribuer ainsi pour ma très modeste part à enrichir le patrimoine de gloire de notre cher Barreau si cruellement éprouvé depuis 15 mois. » Les 19 et 20 octobre 1915, le régiment de Charles a subi une violente attaque de gaz. Le 5ème bataillon, auquel il appartient occupe Thillois, un petit village à l’ouest de Reims.
L’historique du 245ème décrit l’évènement : « Vers 7 heures, les 22ème et 24ème compagnies signalent, sur les parapets des tranchées allemandes, des objets ressemblant à des havresacs. Bientôt après, l’apparition de quatres boules lumineuses de teinte rose est suivie de la formation de deux nappes de gaz se dirigeant sur les tranchées de la ferme d’Alger. L’alerte est donnée et l’artillerie entre immédiatement en action. Les Allemands suivent la nappe. Accueillis par les feux d’infanterie et de mitrailleuses, ils sont rejetés dans leurs tranchées avec des pertes sérieuses. Le 6ème bataillon, très éprouvé par cette attaque, a perdu 229 hommes, tués, blessés ou disparus, dont 211 par l’action des gaz. »
Le début de l’année 1916 est plus tranquille, le régiment bénéficiant de périodes de réserve.
Début juin, il fait mouvement par voie ferrée puis par terre et va occuper une position près de Bar-le-Duc. Le 5 juin, le régiment débarque près de Nixéville, derrière Verdun. Depuis l’offensive allemande du 21 février 1916, les troupes se relaient, à l’instigation du général Pétain qui veut économiser les hommes et privilégier l’artillerie. Cette « noria » est indispensable pour supporter le déluge de fer que les Allemands font pleuvoir sur les lignes françaises. Le paysage est lunaire. La terre est broyée, retournée cent fois, martyrisée. Les défenses françaises sont disloquées, pulvérisées et il faut sans cesse maintenir ce qui peut l’être.
A partir du 18 juin 1916, les Allemands balancent sans interruption des bombes au phosgène sur les lignes françaises, gaz suffocant qui les obligent à attendre qu’il soit dissipé avant d’attaquer. Le 22 juin, les troupes du 245ème RI sont devant Verdun, entre le bois de Vaux-Regnier, le Chênois et Retegnebois, près de Fleury-devant-Douaumont. Toute relève se fait sous une pluie serrée d’obus. Les bombardements sont d’une extrême violence. Nivelle exhorte les troupes : « Vous ne les laisserez pas passer, mes camarades ! ».
Le 24 juin, le 245ème RI va être relevé. Le jour même, Charles Gans, avocat au barreau de Paris qui servait dans la même division que Charles Thiébault, écrit au Bâtonnier pour lui faire part de la disparition de son confrère : « Il avait été nommé récemment adjudant major et remplaçait, depuis quelques jours, le commandant de son bataillon. Le régiment était monté pour la seconde fois non dans les tranchées car il n’y en a pas ici, mais dans les trous d’obus qui en tiennent lieu. Il était, pour la seconde fois, quoi que bien réduit, sous la tempête de fer qu’on subit là-haut, où les gros obus tombent sans arrêt en rafales serrées. Là, comme me le disait Thiébault à son premier retour, les immenses trous que creusent les obus se déplacent sans cesse, le nouveau comblant l’ancien. Thiébault, épuisé comme les autres, et malgré sa vigueur, par 3 jours de cette vie atroce, pendant lesquels personne n’avait pu manger, boire ni dormir, était très ému de la disparition d’une grande partie du régiment, écrasé par les rafales d’obus. Il avait demandé que le bataillon fut relevé – ce qui a eu lieu quelques heures plus tard. Ce matin, au tout petit jour, il était sorti pour le service, dans le boyau du poste de commandement. Un obus arriva, éclata tout près de lui. Des éclats l’atteignirent à la tête. Il perdit connaissance et mourut presque aussitôt. »
Charles Thiébault aurait pu ne laisser aucune trace. Son corps a disparu et sa femme Estelle, son unique proche car ils n’avaient pas d’enfant, est décédée peu après lui. Mais son « cher Barreau » n’a pas oublié celui qui a enrichi « son patrimoine de gloire ».

Citations et décorations :

  • Cité à l’Ordre de l’Armée, en novembre 1915 :

    « Par son action énergique et prévoyante, son calme et son sang-froid, a su maintenir pendant deux jours toute sa compagnie dans des tranchées particulièrement attaquées pa l’ennemi sous un bombardement intense et des nappes de gaz asphyxiants. »

  • Cité avec la compagnie qu’il commandait à l’Ordre du corps d’Armée, en novembre 1915 :

    « S’est maintenu pendant deux jours dans des tranchées très rapprochées de l’ennemi et soumises à un bombardement violent et des nappes de gaz, repoussant les attaques de l’ennemi et ne cessant de montrer le plus grand calme et le plus bel entrain. »

  • Cité à l’Ordre du Corps d’Armée, le 5 juillet 1916 :

    « Officier de grande valeur et d’un moral élevé, a rempli, sous des feux de mitrailleuses et d’artillerie intenses, une mission de liaison. A été tué après avoir accompli sa mission. »

  • Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.
  • Prière de souvenir de Charles Thiebault

  • Lettre de Charles Thiébault au Bâtonnier du 10 novembre 1915

  • Lettre de Charles Gans au Bâtonnier du 24 juin 1916 (ODA)

 
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