Eugène Nolent nait le 11 mai 1878 au Hameau de la Pilette, à Bernay (Eure). Ses parents Georges Gustave Nolent et Laure Lucille Neuville sont rentiers.
De son éducation, nous savons qu’il a étudié au Petit Séminaire de Pont-Audemer.
En 1898, il obtient sa licence de droit mais ce n’est que le 13 mars 1906 qu’il sera inscrit au Tableau. En effet, licencié ès lettres, Eugène Nolent devient écrivain mais aussi journaliste de Presse Judiciaire. C’est ainsi qu’Eugène Nolent collabore à la revue L'idée et est engagé comme chroniqueur au Petit journal ou encore à Excelsior. Il participera d’ailleurs en 1908 au congrès des journalistes français à Berlin dont il gardera un excellent souvenir.
Professeur à l'École des hautes études sociales, Eugène Nolent fréquente de grandes personnalités grâce notamment à son statut de secrétaire de la Conférence Molé-Tocqueville. Cette conférence, la plus ancienne conférence de France, et dont il deviendra président, a donné naissance au plus important vivier d'hommes politiques de l’histoire de France contemporaine, c’est probablement à cette occasion que Eugène Nolent rencontre Maurice Barres et devient son secrétaire. Il réside à cette période à Lisieux et participe aux écrits de Maurice Barrès : De Hegel aux cantines du Nord et Impressions d'Italie.
A la mobilisation, Eugène Nolent s’engage en tant que sous-lieutenant au 17ème territorial, 12e Compagnie, 163e brigade, 82e division, versé au 410ème régiment d'infanterie d'active. «… la population de Sotteville nous a couverts de fleurs au départ […]. Le voyage a été fort gai, quoique au maximum inconfortable ! Je ne savais pas à quel point il est pénible de voyager à 40 dans des wagons à bestiaux » écrit-il le jour de son départ.
Dès le 6 septembre, il rapporte avoir rencontré et parlé avec des cavaliers allemands faits prisonniers après avoir vu le matin des soldats anglais battus la veille à Saint-Quentin. Il évoque aussi les blessés vus en sortant d’Amiens : « c’était là pour la première fois la vision tragique de la guerre ! ». Le lendemain, il est fier d’être nommé sous-lieutenant. Il défend, écrit-il à sa mère, au Conseil de guerre dans quelques jours un inculpé à Bourg Beaudoin.
Très rapidement, le 26 septembre 1914, il est blessé une première fois : « une petite éraflure au bras, 12 hommes perdus par ma section dont un mort dans mes bras. J’ai supporté vaillamment l’épreuve qui est redoutable ! Quelle effroyable chose que la guerre ! ». Mais malgré cette blessure, il n’abandonne pas sa section. Son intrépidité et son abnégation sont reconnues de tous.
En octobre, il est en poste dans la Somme et évoque sa vie quotidienne plus que difficile dans les tranchées « ces catacombes des guerriers modernes » : il explique avoir passé une nuit à enterrer des chevaux morts ; il dort à même le sol et lorsqu’il couche une nuit sur la paille, «on est heureux comme un roi ». Pour s’occuper et passer le temps il écrit et lit à l’aide d’une bougie : « je lisais Sainte-Beuve trouvé dans une bibliothèque abandonnée. Jamais je n’ai lu avec autant d’attention, de charme et de profit […] » ; puis Virgile, Montaigne, Ernest Daudet ou encore Homère.
La guerre permet parfois des situations plus que surprenantes : Eugène Nolent écrit le 30 octobre 1914 que la proximité des tranchées ennemies peut créer des moments agréables. «Ce matin les cuisiniers allemands apparurent dans les tranchées françaises, les bouteillons à la main ! […] ce fut un cri de joie. On invita les cuisiniers allemands à boire le café ».
Tout en étant au front, il poursuit son activité d’avocat : le 19 octobre 1914 il est à Louvencourt, en arrière du front, où il étudie « tranquillement » des dossiers, avant de repartir le lendemain. Il défendra quelques jours plus tard 4 inculpés, dont deux Rouennais accusés de déperditions d’effets militaires. Il leur obtiendra l’un l’acquittement, l’autre 3 mois de prison. En avril 1915, il plaide en Conseil de guerre à Forceville (Somme) où il a 5 clients pour lesquels il a gagné : « j’ai obtenu qu’on ne condamne plus les ivrognes automatiquement, à deux mois de prison ; je plaidais aussi pour un faussaire qui, grâce, je crois, à ma plaidoirie, n’a eu qu’un an de prison ». Il retourne au Conseil de guerre le 18 mai : « je suis presque ennuyé – écrit-il à sa mère- de ma réputation dans la division. Il me faut nettement refuser des clients. Si je voulais, j’aurais à défendre absolument tous les indisciplinés et tous les saoulards de mon régiment ! Un tel rôle m’embarrasse, bien que leur confiance flatte incontestablement un amour-propre sensible à de telles causes ».
Le 15 juillet 1915, il reçoit la croix de guerre : « ce matin sur la petite place des tilleuls d’Englebelmer, le colonel m’a remis la Croix de guerre avec sept autres camarades de bataillon» ; il obtiendra juste après quelques jours de permission qu’il passera en compagnie de sa mère à Pont-Audemer. Il repart en août 1915 à Folleville (Somme) avant d’atterrir à Conféville dans la Somme, puis à Dampierre près de Sainte Menehould.
Après une longue période au front, il regagne l’arrière, lassé par la longueur de cette guerre «dont je ne prévois plus la fin» ; il intervient le 17 octobre 1915 au Conseil de Guerre «sous une grande tente installée par l’ambulance », mais il n’arrive pas à sauver la tête de l’un de ses clients, ce qui le bouleverse et le rend encore plus « spleenetique » [selon ses mots]. Le 30 octobre après avoir de nouveau plaider au Conseil de guerre, il est souffrant et se fait évacuer pour quelques jours sur une ambulance « où je suis d’ailleurs resté sans aucuns soins depuis deux jours ». Il sort de l’ambulance « pas encore tout à fait guéri » au début novembre et se retrouve dans une tranchée habitée par une multitude de cadavres, dans laquelle il s’ennuie avant d’être appelé pour s’occuper du journal l’Echo des tranchées.
Fin 1915, il obtient une permission et se rend à Paris où il passe par le palais et converse avec son bâtonnier. Il revient au front début janvier 1916 avec un moral d’acier.
Il retrouve son ami d’enfance, avocat au barreau de Paris, Aussy, qui vient de rejoindre le 17e territorial. Il poursuit ses activités au journal s’attelant à faire sortir les 4 numéros de retard et au Conseil de guerre dont un dossier intéressant, celui d’un adjudant du 403e inculpé d’abandon de poste en présence de l’ennemi, pour lequel écartant la peine de mort, il obtient 20 ans de détention ; il organise également des concerts et des activités récréatives pour ses camarades.
Le 1er février 1916 il rejoint sa nouvelle compagnie : le 410e régiment d’infanterie, 3e compagnie, secteur 163, commandé par M. Courièges du Pont, devant lequel il avait plaidé une affaire. Le 14, il écrit à sa mère que l’ambiance du moment est agitée, rien d’inquiétant cependant : « les boches se montrent agressifs et ont manifestement des intentions hostiles». Il est en première ligne, il fait froid, il pleut, le secteur est sale et boueux, « on a de l’eau jusque la ceinture » mais il se réconforte car les lettres de sa mère lui arrivent toujours.
Le 22 février, la situation est toujours tendue et la neige et le froid font leur apparition… . Le 23 février, Eugène Nolent sera blessé mortellement par torpille aérienne à Souain. Un minen a éclaté ses pieds, ses bras sont cassés et une partie de son bassin enlevé mais il s’est traîné dans les boyaux pour éviter de tomber dans les mains des Allemands. Son camarade le lieutenant Nicolas l’a trouvé à ce moment-là : « Pas une plainte ! un mot : vous direz ma conduite à ma mère, n’est-ce pas que j’ai bien fait mon devoir ? ». Il décèdera à l’ambulance de Somme-Suippes deux jours plus tard, le 25 février.
Il sera enterré dans le cimetière militaire de Somme-Suippes aux côtés de son confrère
Paul Viven.
En hommage, le commandant des Roys ainsi que ses camarades de tranchées ont décidé de nommer une tranchée de communication à son nom.
Ses obsèques auront lieu le dimanche 17 avril 1921 à Pont-Audemer, en présence de plus de 1200 personnes.
Citations et décorations :
- Cité à l'Ordre, 19 octobre 1914 :
« malgré une blessure reçu au combat du 26 septembre, n'a pas abandonné le commandement de sa section. »
- Chevalier de la Légion d’honneur et Croix de guerre avec palmes (JO, 4 avril 1916) :
« Officier d'un très grand courage. Au cours de l'attaque d'un barrage allemand fortement organisé, a entraîné sa section avec un élan remarquable ; s’est tenu au point le plus dangereux pendant plus d’une heure, sous un feu intense de mousqueterie et d’artillerie, donnant à ses hommes le plus bel exemple d’intrépidité et d’abnégation. Est tombé grièvement blessé au cours de l’action. »