Il a, avant tout, laissé le souvenir d’un poète. Le devoir, les vicissitudes de la vie obligent parfois à suivre un chemin qui n’est pas celui qui vous convient le mieux. Charles Simon était un amoureux de la langue française, de la poésie et de la musique. Il était aussi avocat.
Il est né le 29 juin 1882 à Paris dans une famille originaire de Normandie. Son père, Aimable Corentin Simon, est médecin dans le 15ème arrondissement. Sa mère, Elise Mouchet, ne travaille pas. Le témoignage d’un de ses amis et confrères, Louis Raveton, dans l’Anthologie des écrivains morts à la guerre, est précieux en ce qu’il révèle un intérieur modeste, une enfance laborieuse, une humilité qui marqueront la personnalité de Charles. Comment ce climat modeste a t-il influé sur l’enfant ? Charles restera toute sa courte vie mystérieux, impénétrable, même énigmatique pour ces proches. Sa photo montre un visage presque trop sérieux, des yeux scrutateurs, inquiets, soulignés par des poches étonnantes pour son âge. Charles reste lointain.
Après une scolarité au lycée Buffon, il s’inscrit à la faculté de droit et obtient sa licence en 1902. Il fait ensuite son service militaire, puis s’inscrit au tableau du stage le 2 décembre 1904. Il poursuit ses études jusqu’au doctorat en droit, qu’il soutient en 1908. Il est Lauréat de la faculté de droit de Paris.
C’est un catholique fervent. Sa sensibilité artistique s’exalte à l’écoute de la musique religieuse, en particulier les chants anciens du temps des cathédrales. En 1906, il participe avec 6 amis à la création d’une chorale d’enfants pour faire renaître l’amour des chants grégoriens. La chorale est implantée dans le 15ème arrondissement et chacun met 20 francs par trimestre. La première répétition a lieu le 10 janvier 1907 et le premier concert le 18 juillet 1907 à l’Institut Catholique. La Manécanterie des Petits Chanteurs à la Croix de Bois est née.
En 1910, Charles Simon fait un voyage de plusieurs mois avec son ami Louis Raveton. Ensemble, ils visitent la Grèce, l’Asie Mineure, le Mont Athos, Constantinople.
Son talent d’écriture exprime son imagination et sa complexion délicate. Il écrit des poèmes, la nature l’inspire. En 1912, son premier recueil, La Flûte enguirlandée, est publié chez Jouve. Louis Raveton mentionne également deux pièces en vers, Pierrots de France, un conte féerique, et L’Hôtellerie du Pot d’Etain, une comédie, achevées en 1914 et qui devaient être jouées dans deux théâtres parisiens. La guerre interrompt ces projets.
Dès le 2 août 1914, Charles est mobilisé au 28ème régiment d’infanterie et rejoint Evreux en qualité de sergent. Rapidement, les troupes sont envoyées en train vers la Belgique occupée. Le régiment prend position sur la Sambre. Avant même la fin du mois d’août, il reçoit l’ordre de se replier. Dans des conditions très difficiles, il se repositionne près de Guise où il a l’ordre d’empêcher l’ennemi de franchir les ponts. En sous-nombre, c’est une mission de sacrifice. Le régiment va connaitre l’enfer des bombardements ininterrompus avant les corps à corps sanglants pour défendre chaque pouce de terrain.
En septembre, il participe à la première Bataille de la Marne. Il va demeurer quatre mois dans le secteur de Maricourt, se formant à la guerre de tranchées.
Le 22 avril 1915, il est rappelé à l’arrière pour prendre du repos avant l’offensive d’Artois. Celle-ci débute le 9 mai. Toutes les forces françaises présentes dans ce secteur sont jetées dans la bataille pour occuper les Allemands et aider au succès de la Bataille de Champagne. Le 28ème RI est dans le secteur de La Targette et Neuville-Saint-Vaast. Après un bombardement méthodique et destructeur, les troupes attaquent, la baÏonnette au fusil. Les hommes sont fauchés par la mitraille allemande dès qu’ils franchissent le parapet de leur tranchée. Les affrontements sont des carnages. Pour le seul 15 mai, le 28ème RI perd 1/6ème de son effectif aux abords de Noulette. Les jours qui suivent sont consacrés à la conquête des tranchées allemandes, dans ce secteur baptisé Le Labyrinthe du fait des tranchées et boyaux qui découpent la terre d’Artois.
Le 24 mai, le régiment apprend que l’Italie est entrée aux cotés de la France en déclarant la guerre à l’Autriche. Le 26 mai 1915, ordre est donné de prendre possession de la Tranchée des Saules. La 7ème et la 8ème compagnies parviennent à atteindre la Tranchée mais ne peuvent s’y maintenir, les mitrailleuses allemandes décimant les hommes. C’est un massacre. La 6ème compagnie, celle de Charles Simon, se porte à leur soutien et saute dans la tranchée. S’ensuit un corps à corps sanglant et inhumain pendant deux heures avant qu’elle doive se retirer, submergée par le nombre des soldats allemands qui reçoivent des renforts. Elle a perdu la moitié de son effectif. Charles Simon ne fait pas partie des soldats qui reviennent. Il est porté disparu. Le 28ème régiment a perdu 848 hommes et 21 officiers ce jour-là.
L’Ordre, n’ayant aucune information, mènera une enquête en 1920 sur les circonstances de sa disparition, ne sachant « s’il faut effacer ou omettre ».
L’Armée décernera une décoration à Charles Simon, convaincue qu’il a été « tué à l’ennemi».
Michèle Brault
Citations et décorations :
- Médaille militaire et Croix de guerre à titre posthume
« Sous-officier énergique et brave, ayant toujours donné l’exemple du devoir. Tué glorieusement, le 26 mai 1915, à Noulettes. Croix de guerre avec étoile de bronze ».
- Portrait de Charles, Eugène, Auguste Simon
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Lettre de compte rendu au bâtonnier (22 octobre 1920)
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Lettre de Madame Simon (14 novembre 1920)
- Mémoire des hommes : Charles Simon
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Hommage du 28ème RI à Charles Simon (site personnel)
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JMO commenté du 28ème RI de 1915 (site personnel)
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Gallica : Historique du 28ème RI
- Les Petits Chanteurs à la Croix de Bois