Avocats morts pour la France
Le dossier d’Yvon Le Troadec est particulièrement vide. Pas même une photo. Le Livre d’Or du barreau de Paris ne contient que 3 lignes : naissance, date de serment, décès. Son extrait de naissance donne les premières indications.
Bien que son père, breton, soit très attaché à sa terre et à sa région, Yvon nait à Asnières le 24 mai 1889. Ses parents ne sont pas mariés. Son père, Paul Louis Joseph Marie Le Troadec, est alors propriétaire de terres agricoles à Lézardrieux, dans les Côtes-du-Nord (devenue Côtes d’Armor). En juillet de la même année 1889, il est élu conseiller général du canton de Lézardrieux, puis en 1892, conseiller municipal et maire de la commune. En 1893, Paul Le Troadec sera élu député des Côtes-du-Nord et conservera son mandat jusqu’en 1920, année où il briguera avec succès un siège de sénateur qu’il occupera 10 ans. Sur le site du Sénat, qui présente les biographies des anciens sénateurs, Paul Le Troadec recueille les commentaires suivants : « Au cours de sa longue carrière parlementaire, il fit preuve d’une grande discrétion en séance publique où il intervint très rarement. Il réserva son activité aux commissions – particulièrement à celles du travail et de la marine – et aux groupes agricoles colonial, de la navigation et des pêches, des ports de guerre ou de l’enseignement. » La mère d’Yvon s’appelle Julie Mélanie Nanquette. Elle est Ardennaise et a 3 ans de plus que le père d’Yvon. Elle apparait comme « propriétaire » sur l’extrait de naissance. En 1891, les parents d’Yvon ont un deuxième enfant, Georges. Les deux garçons sont légitimés par le mariage de leurs parents en janvier 1894. Leur père étant député, il se partage entre sa Bretagne et Paris. On imagine que les enfants font leur scolarité à Paris et passent leurs vacances à Lézardrieux.
Yvon est licencié en droit de la faculté de Paris le 21 décembre 1911. Il a choisi les voies d’exécution et le droit maritime en options. Il est admis au serment d’avocat le 16 décembre 1913. Huit mois plus tard, il rejoint le 48ème régiment d’Infanterie, qui est basé à Guinguamp. Il est blessé à la jambe d'une plaie par balle le 22 août 1914. Comme la plupart des régiments casernés à l’ouest, le 48ème est envoyé vers le nord, à Charleroi, puis c’est la bataille de Guise et ensuite de la Marne. Le régiment va rester en Artois jusqu’à l’été 1915. Yvon est détaché au 1er groupe d'aviation de Dijon, à l’escadrille 82, le 5 janvier 1916. Il a le grade de sergent Pilote.
Son frère Georges, qui était aussi affecté au 48ème RI, a été tué le 9 mai 1915 à Bailleul, dans le Pas-de-Calais.
Le 29 janvier 1917, lors d’un transfert au cours duquel Yvon devait rejoindre l’escadrille, l’avion qui le transporte a un accident. Le corps d’Yvon est éjecté. Il sera convoyé jusqu’au dépôt de l’hôpital du Collège à Saint-Dizier, dans la Haute Marne. L’accident est jugé « non imputable au service ». Yvon n’aura pas la reconnaissance du champ d’honneur. Dans La Pensée Bretonne de mars 1917, une brève notice - d’un avocat ? - fait son éloge funéraire : « Tous les avocats ne font pas comme tel procédurier robuste qui profite d’une vague myopie pour subtiliser à l’arrière les dossiers des confrères au front. Avocat plein d’avenir, Yvon Le Troadec est mort dans l’Est, où il était attaché comme sergent-pilote-aviateur à une escadrille. C’est le second fils que le vaillant député des Côtes-du-Nord donne à la patrie.»
Michèle brault.
Citations et décorations :
Pas de citations connues
- Carte de visite.
- Diplome de droit.
- Livre d'or du Barreau de Paris.
-
Mémoire des hommes : Yvon André Louis Le Troadec
- Archives départementales des Hauts de Seine : acte de naissance d'Yvon le Troadec, cote E_NUM_ASN_N1889
- Registre matricule - Archives de Paris - D4R1 1519- matricule 4222
- Paul de Troadec : notice biographique dans Gallica ; notice Wikipédia
- La Pensée Bretonne de mars 1917
- Mémorial genweb : Monument aux morts d’Asnières-sur-Seine

C’est dans une famille d’origine normande que ce fils, neveu et petit-neveu d’avocat, naquit Pierre Le Cointe, à Sèvres, le 17 juillet 1882.
Elève brillant du lycée Condorcet, il fut présenté au Concours Général. Après avoir obtenu son baccalauréat, il fit le choix de suivre un double cursus universitaire et c’est ainsi qu’en juillet 1903, il fut licencié ès-lettres et licencié en droit.
Dès le 25 novembre 1903, il prêtait serment et, dans la foulée, présentait le Concours de la Conférence.
Grand, massif, les yeux clairs, enfoncés dans un visage osseux, souligné d’une barbe noire fournie, tout lui réussissait. Il fut le premier Secrétaire de la Conférence des années 1904-1905. Il reçut le Prix Laval, créé en vertu du testament de Mme Veuve Albert Laval en souvenir de son mari. Son prédécesseur était Pierre Goujon, premier Secrétaire de la promotion 1902-1903, futur député de l'Ain, mort le 25 août 1914.
Collaborateur dans un cabinet de renom, il poursuivit dans le même temps ses études et obtint le titre de Docteur en droit après avoir présenté une thèse sur les associations en participation.
Pendant onze ans, jusqu’à la déclaration de guerre, Pierre Le Cointe mena une vie aussi riche que paisible. Homme de grande culture, il était passionné par les évolutions du monde artistique, parcourant les salons, les expositions et collectionnant les toiles des jeunes peintres de son temps. L’été venu, proche de sa mère et de son frère Marcel, il regagnait le manoir familial de la Cour-Brûlée à Trouville. Il y conviait les confrères dont il était proche, Louis Helbronner, Secrétaire de la Conférence dans la même promotion que la sienne, qui devait disparaître quelques semaines avant lui. Pierre Gerlier qui, après avoir quitté, en 1921 le Barreau de Paris, deviendra, en 1937, Archevêque de Lyon, dont le comportement, en des temps encore plus sombre, lui vaudra de se voir décerner, à titre posthume, la médaille de Juste parmi les Nations.
Mobilisé dès août 1914, Pierre Le Cointe fut versé, avec le grade de Sergent, au 119ème Régiment d’Infanterie. Affecté dans un premier temps comme instructeur, il demanda à monter au front avec les recrues qu’il avait formées pendant les premières semaines de la guerre.
Au lendemain de la bataille de la Marne, à la fin du mois de septembre 1914, commence la bataille des tranchées. C’est ainsi que le 119ème Régiment d’Infanterie rentre en contact avec l’ennemi autour du Canal de la Marne. D’intenses combats opposent les deux armées dès le 25 septembre 1914. Le 28 octobre, le temps est pluvieux et l’artillerie allemande canonne violemment le bois du Luxembourg, au sud-est de Cauroy-les-Hermonville. A la fin de la journée, après une défense au corps-à-corps, à la baïonnette et au couteau, le 119ème Régiment abandonne les premières tranchées. Les combats vont durer toute la nuit, les hommes ayant reçu l’ordre de repousser, dans les bois, à la baïonnette, les troupes ennemies jusqu’au Canal de la Marne. Eprouvés, au petit matin, les soldats n’arriveront même plus à se lever.
C’est au cours de ces affrontements que Pierre Le Cointe fut tué, le 29 octobre 1914, à Cauroy-les-Hermonville. Sa dépouille n’ayant pas été retrouvée parmi les 465 hommes qui perdirent la vie ce jour-là. Sa mère, avec acharnement, recherchera en vain le corps de son fils. C’est par jugement du 30 juillet 1920 que le décès de Pierre Le Cointe fut reconnu. Sa mère n’y survivra pas.
Marie-Alice Jourde.
Citation et décoration :
- Pas de citation ou décoration identifiée à ce jour
- Portrait de Pierre, Jean-Baptiste, Charles Le Cointe
- Notice par M. le Chanoine Gerlier, Hommage aux Morts de la Guerre. Association amicale des Secrétaires et anciens Secrétaires de la Conférence des Avocats (1929)
- Notice lue par M. Charles Bonnet, Livre d’Or - Groupe des anciens Combattants du Palais - Tome 1 (1930)
- Mémoire des hommes : Pierre Le Cointe - NB : la date de naissance et la classe sont erronées (1892 et cl. 1912 au lieu de 1882 et cl. 1902)
- Mémoire des hommes : JMO 119e RI
- Wikipédia : Pierre Gerlier
