Avocats morts pour la France
La sévérité du lourd costume militaire n’arrive pas à effacer la jeunesse des traits de Jean Bénac que souligne la douceur de son regard.
Il est né le 1er juillet 1891 à Paris et grandira auprès de parents aimants et chéris.
Elève au Lycée Condorcet, il est licencié en droit à 20 ans, en juillet 1911.
Il prend alors la décision de devancer l’appel et part immédiatement faire son service militaire de deux ans. Engagé comme simple soldat, il sera libéré de ses obligations militaires en septembre 1913 au grade de sergent.
Dès le 2 décembre 1913, il prête serment et est inscrit au stage, devenant le collaborateur de Maître Maurice Bernard. Il n’y restera que peu de temps puisque mobilisé parmi les premiers, il est envoyé sur le front dès le 7 août 1914.
Comme beaucoup d’autres, c’est un enfant qui part, rêvant de gloire et d’un retour rapide et triomphal à l’automne.
Le 21 Août, près de Longwy en flammes, il est blessé à la jambe. Il refuse de partir en convalescence à l’arrière et contre l’avis du médecin major, remonte en ligne par ses propres moyens et se retrouve agent de liaison du train de combat. Il participe en octobre à l’offensive qui arrête l’invasion allemande et laissera son régiment exsangue, avec la perte de plus de la moitié de son effectif et presque tous ses officiers.
C’est en Argonne que, le 26 octobre 1914, il va être désigné pour être commis d’office à la défense de cinq hommes, dont un prisonnier allemand, traduits devant le Conseil de Guerre pour voie de fait sur un supérieur, pillage et/ou de désertion.
Dans une lettre adressée à son « papa chéri », dès le lendemain, il racontera, dans une langue parfaite, à la fois son angoisse d’avoir à assumer une telle mission à laquelle rien ne le préparait, sa satisfaction d’avoir pu contribuer à épargner quatre vies et son horreur d’avoir eu à accompagner jusqu’au poteau d’exécution ce frère d’armes qui, contrairement à lui, n’avait pas eu la force de résister à la terreur des combats.
A l’issue de ce procès, il restera attaché comme avocat au Conseil de guerre de sa division tout en demeurant agent de liaison au 46e RI, jusqu’à fin novembre où il est affecté au service de l’administration de l’Alsace.
Il y travaille sans relâche et agit de tout son cœur en faveur des orphelins alsaciens. C’est dans l’exercice de cette mission que le 14 décembre 1914, il est blessé grièvement par un éclat d’obus, alors que quatre de ses camarades, dont le fils de Louis Barthou, sont tués. Il s'éteindra dans la nuit du 15 décembre à Thann, en Alsace où il fut enterré. On trouve dans le cimetière de Thann un monument qui leur est dédié.
Sa dépouille sera rapatriée en 1928 dans la chapelle que son père fera ériger pour lui dans la propriété de Beg Meil en Bretagne dont le souvenir émaillait ses lettres du front comme un havre de paix et de sécurité pour ceux qu’il aimait, et lui permettait d’affronter sa grande solitude.
Le soin qu’a pris son père à transmettre à l’Ordre la photo de ce fils, à établir la biographie de ce dernier et à remettre au Bâtonnier la copie des courriers qu’il lui avait adressés sont un témoignage de la souffrance extrême de ses parents face à la mort violente, à 25 ans, du fils chéri.
Frédérique Lubeigt.
Citation et décorations :
- Cité à l’Ordre de l’Armée le 11 janvier 1915 avec ses 4 camarades :
« Appelés à collaborer à la première administration française de l’Alsace, se sont donnés avec toute leur intelligence et tout leur cœur, à l’accomplissement d’une œuvre dont ils avaient senti la noblesse et l’honneur ; ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions ».
- Médaille militaire et croix de guerre
- Portrait de Jean Bénac
- Note biographique rédigée par son père, André Bénac

- En souvenir de Adolphe, Edmé, Jean Bénac.
«Echange de lettres, publiées par ses parents en 1915». Collection Ordre des Avocats de Paris.
Extraits :
Lettre à son père du 27 octobre 1914 relatant le procès militaire où il a été commis d’office
Lettre à sa mère du 10 octobre 1914
Note du 31 juillet 1914 laissée dans ses papiers avant son départ
- A la mémoire des soldats tombés au champ d'honneur inhumés à Thann 1914 1918 - Photos du Monument aux Morts de Thann (Haut-Rhin)
- Notice lue par M. Etienne Carpentier, Livre d’Or - Groupe des anciens Combattants du Palais - Tome 1 (1930)
- Citation à l’Ordre de l’Armée
- Mémoire des Hommes : Jean Bénac
- Kérengrimen, chapelle de mémoire. Ouest France, septembre 2013
- "Le patrimoine méconnu de Fouesnant". Fouesnant-les Glénan Magazine – Cahier spécial (2012)
Roger Beynet-Saint-Marc est né à Paris VIIème arrondissement, le 20 juin 1881.
Issu du collège Stanislas, où il avait été un élève remarquable et après avoir hésité un temps pour une carrière diplomatique, il commença ses études de droit. Licencié en droit, il est inscrit au Tableau le 18 octobre 1905. En 1908, la thèse de Roger Beynet-Saint-Marc « De l'influence de la participation aux bénéfices sur la production, la situation de l'ouvrier et les grèves » est publiée.
Lieutenant de réserve, il est mobilisé dès le 2 août 1014 et rejoint à Laval le 324ème Régiment d’Infanterie 22ème compagnie, son régiment du temps de paix. Dès les premiers engagements, une citation lui est décernée pour ses qualités de chef.
Le 24 août 1914, alors qu’en Alsace, à Morhagne, à Viron, à Charleroi, l’armée française venait de se heurter à un adversaire, ou supérieur en nombre ou retranché sur des positions préparées de longue date, le 324ème Régiment d’Infanterie, engagé auprès de Spincourt est durement éprouvé par le feu violent de l’artillerie et de l’infanterie allemande. Il y a de très nombreux morts et blessés. La famille du lieutenant Beynet cessa de recevoir de ses nouvelles. Roger Beynet-Saint-Beynet blessé grièvement le 24 août 1914 était resté aux mains de l’ennemi qui avait envahi le champ de bataille. Près d’un an plus tard, elle apprenait qu’il était mort bravement au combat, frappé d’une balle au front en entraînant sa section à l’assaut.
Roger Beynet Saint Marc n’a pas de tombe connue, son nom est gravé sur le carrousel de plaques faisant office de monument aux morts situé dans le hall de mairie du VIIème arrondissement de Paris et sur le monument aux morts situé dans la bibliothèque de l’Ordre des avocats.
Dans son récit du 5 décembre 1914, le capitaine Chamorin, compagnon du Lieutenant Roger Beynet Saint Marc et témoin du jour de sa disparition, rend un magnifique hommage à son camarade :
« Le 324ème a prit part à un violent combat, le 24 août, à Spincourt, aux environs de Verdun, le Lieutenant Beynet, dont tout le monde admirait le courage sous le feu terrible qui nous décimait, avait réussi à pousser sa section presque jusqu’aux tranchées de l’ennemi, lorsqu’il est brusquement tombé, atteint sans doute d’une balle. Il devait être cinq ou six heures du soir. A la nuit tombante, lorsque, la bataille étant terminée, on chercha à rassembler le régiment, personne ne put rien me dire de plus sur son compte, car les blessés avaient dû être laissés sur le terrain en attendant l’arrivée des brancardiers. Pendant plusieurs jours, j’ai essayé, en interrogeant ses hommes, puis les médecins du régiment, d’avoir quelques renseignements précis, ce fut en vain. J’ai pu seulement savoir qu’un certain nombre de nos blessés étaient tombés, ce jour-là, aux mains des Allemands, qui, dans la nuit, avaient envahi le champ de bataille. Il m’est donc toujours resté dans l’espoir que ce brave officier était du nombre et que, bien soigné en Allemagne, il guérirait de sa blessure.
Car j’aimais beaucoup le lieutenant Beynet, qui était pour moi un vrai, un bon camarade. S’il est vraiment tombé au champ d’honneur pour ne plus se relever, laissez-moi vous dire que c’est en héros qu’il avançait sous la mitraille, continuant toujours à commander et à diriger ses hommes, sans souci du danger. Dès qu’on nous donna l’ordre de l’attaque, il fit son devoir avec cette généreuse ardeur, cette belle simplicité, avec tout ce noble caractère que nous lui connaissions tous au régiment. Bien que ce fût le baptême du feu, il était vraiment beau sur le champ de bataille, je vous l’assure ! Aussi, je ne sais ce que j’aurais donné pour pouvoir, au moment du rassemblement, le serrer dans mes bras et lui dire, devant la compagnie, toute mon admiration pour son splendide courage ».
Aline Hamel-Martinet.
Citations et décorations :
- Cité une première fois
- Chevalier de la Légion d’honneur et Croix de guerre à titre posthume :
« Le 24 août, à l’attaque des hauteurs de Spincourt, est tombé grièvement blessé, au moment où il entrainait sa section à l’assaut, malgré le feu violent de l’artillerie ennemie. Est resté aux mains de l’ennemi. Décédé des suites de ses blessures. A été cité ».
- Portrait de Roger Beynet-Saint-Marc (certificat de capacité à conduire)
- Lettre de Me Carpentier demandant l'inscription à la liste des Morts au champ d'honneur tenue par l'Ordre (3 septembre 1919)
- Avis officieux de décès du 29 juillet 1919
- Notice lue par M. Marcel Ragon, Livre d’Or - Groupe des anciens Combattants du Palais - Tome 1 (1930) - Collection Ordre des Avocats de Paris
- Mémoire des Hommes :
- Gallica - Historique du 324e Régiment d’Infanterie
- Mémorial Genweb – Plaque commémorative Marie du VIIe , Paris



