Avocats morts pour la France
« Il n’a guère eu de sa carrière militaire que les peines. Il n’avait pas d’ambition, ne recherchait pas la gloire, ni les récompenses, mais simplement l’accomplissement de son devoir, sous toutes ses formes. Il disait lui-même qu’il n’était pas parti pour gagner des galons et des décorations, mais simplement pour défendre son pays. » Lettre de son épouse du 9 décembre 1918.
Le vicomte Hervé de Becdelièvre, fils de Gaston de Becdelièvre et de Marie Josèphe Gabrielle de Pavin de la Farge naquit le 5 février 1883 à Bordeaux. Il est le second de 7 enfants.
Son père est militaire de carrière, sorti de Saint Cyr, combattant pendant la guerre de 1870. Il prendra sa retraite avec le grade de lieutenant-colonel.
Hervé fait ses études au collège des Jésuites à Tours et Lyon où son père est en garnison.
Il effectue son service militaire en 1904 au 75e RI à Romans. Issu d’une longue lignée de soldats par sa famille paternelle, il aurait pu se laisser séduire par la vie militaire. Mais il lui préféra celle d’avocat.
Après des études de droit à l’Université de Lyon où il obtient sa licence en 1908, il est tout d’abord inscrit au Barreau de Lyon de 1908 à 1913, qu’il quitte pour le Barreau de Paris. C’est également en 1913 qu’il épouse le 27 mai, Alix-Renée de Bonnecorse de Lubières, 24 ans, (affectueusement appelée Reyne). Ils auront deux enfants : Alain, né le 19 mars 1914, et Alix née le 2 septembre 1916.
En juillet 1912, ses parents deviennent propriétaires du château de Blanchelaine à Mercurol dans la Drôme. Il est vite séduit par cette région et, passionné d’archéologie et d’histoire de l’art, il deviendra membre de la Société d'archéologie de la Drôme.
Il part dès le début de la guerre, affecté au 275e RI comme sergent. Son frère Guy participera également aux combats. Il l’évoquera souvent dans les lettres qu’il écrira à son épouse et à sa mère.
Des lettres qui relatent les paysages désolés, « tous les clochers sont par terre et les églises ont flambé, et les troupeaux de moutons se vautrent dans la fange des maisons brûlées », et les tranchées « effroyables, au milieu d’une mer de cadavres … Les hommes vivent au milieu de tous ces cadavres non enterrés ; dès qu’ils creusent, ils tombent sur d’autres cadavres… ».
Mais il est habité d’un sens du devoir à toute épreuve et d’une foi chrétienne inébranlable qui lui permettent d’affronter les horreurs de la guerre, l’épuisement, les combats, la maladie qui l’éloigne du front pour plusieurs mois à son corps défendant…
Affecté au 158e RI, il repart pour le front en janvier 1917.
En septembre 1917, promu Lieutenant, il passe au 272e RI et monte au front à la côte 304 à Verdun. Au mois d'avril 1918, le 272e RI est envoyé dans la Somme ; en août, il obtint une citation ainsi qu'une Croix de Guerre avec palme.
En septembre, son régiment part rejoindre l’offensive menée en Champagne depuis le 26 août.
Le 28, alors qu’il allait lancer une nouvelle offensive avec ses hommes, il est tué sur le coup d'une balle en plein cœur devant l'ouvrage dit " la Muselière" devant le village de Manre (commune des Ardennes).
Le lieutenant de Becdelièvre fut apprécié de tous ceux qui partagèrent ses années de guerre. Son humilité, son calme, sa droiture et son courage lui avaient valu l’estime et l’affection de ses supérieurs comme de ses hommes.
« Nous l’aimions beaucoup. C’était un si bon chef. »
Son corps fut inhumé dans un petit cimetière créé pour les morts du 272e RI sur la route de Tahure à Ripont. Le 29 novembre 1918, il fut cité à l'ordre de la IV Armée à titre posthume pour les journées de combats des 26 et 27 septembre 1917.
Frédérique Lubeigt.
Citations à titre posthume :
- Cité à l'Ordre N° 268 du Corps d'Armée, le 15 août 1918
« Les 8 et 9 août 1918 a conduit vigoureusement sa compagnie à l'attaque d'un bois fortement tenu par l'ennemi, à la conquête duquel il a largement contribué, assurant par son implulsion énergique la progression de ses sections sous le feu violent de nombreuses mitrailleuses».
- Cité à l'Ordre N° 1474 de la IVe Armée, le 22 novembre 1918
« Pendant les journées des 26 et 27 septembre, a conduit sa section à l'attaque, avec un courage et une audace admirables. Le 28, son capitaine venant d'être blessé, a pris le commandement de la compagnie, l'a maintenue sur les positions conquises, malgré le feu violent de l'ennemi et a été tué en se portant en avant pour une nouvelle progression ».
- Chevalier de la Légion d'honneur à titre posthume (Journal Officiel, 12 mars 1920)
- Portrait de Hervé Marie Joseph De Becdelièvre
- Notice sur le Vicomte Hervé de Becdelièvre par Mgr Charles Bellet (couverture, photo)
- Mémoire des Hommes : Hervé Marie Joseph de Becdelièvre
- Mémoire des Hommes : JMO 272e RI - 6 août /13 octobre 1918
- Gallica : Historique du 272e RI
- Mémorialgenweb : Hervé de Becdelièvre
- Archives départementales du Rhône, 478, 1RP1063, registre matricule : Classe 1903 – matricule 826, recrutement Lyon Rhône central
- Site consacré aux 72e et 272e RI : Page consacrée au Ltt Becdelièvre
- Gallica : Notice sur le Vicomte Hervé de Becdelièvre, Bulletin de la société d’archéologie de la Drome, 1919
Louis Béguin nait le 7 août 1885 à Paris, 93 rue de Maubeuge dans le 10e arrondissement.
Son père, Eugène Béguin, 26 ans à cette époque, est ingénieur des Arts Manufacturés. Il deviendra plus tard ingénieur en chef à la Société du Gaz de Paris. Sa mère, Rose Adèle Louise Lecomte-Denis est « sans profession ».
Licencié en droit à l’Université de Paris en 1908, diplômé de l’Ecole libre de Sciences Politiques, il est inscrit au Stage le 22 avril 1909. Deux ans plus tard il soutient sa thèse de doctorat, le 10 juin 1911, consacrée aux « Actes des autorités administratives qui échappent à un recours pour excès de pouvoir.»
Lorsque la guerre éclate, il a 29 ans et est célibataire.
Il est tout d’abord affecté comme sergent d’infanterie au régiment de réserve, le 205e RI , puis au 72e RI.
En avril 1915, il arrive à Verdun, pendant la Bataille des Eparges :
« Transporté dans la région de Verdun, le 72e attaque Riaville au milieu des boues de la Woëvre, puis occupe la crête des Éparges. L'ennemi, qui vient de perdre cette position qu'il a longtemps défendue, avec acharnement, cherche à la rendre intenable et lance contre elle plusieurs fortes attaques. Mais lorsque le 72e descend au repos, après avoir subi de lourdes pertes, il laisse un secteur intact et complètement réorganisé, et l'ennemi, lassé, a renoncé à toute offensive sur ce point. » (Historique du 72e RI)
La bataille des Eparges à laquelle Louis Béguin participe, aura duré 3 mois, de février à avril 1915. Trois mois, sous une pluie incessante, dans la boue des tranchées, sous un feu d’artillerie quasi permanent, au cours desquels les français reprendront la majeure partie de la crête des Eparges. Au total, un bilan de 12 000 tués, blessés ou disparus de part et d’autre.
Louis Béguin survivra aux combats et aux bombardements, c’est la maladie (on ignore laquelle) contractée dans les tranchées insalubres qui lui vaudra son évacuation, puis une affectation à l’état-major, pour être finalement rapatrié à son domicile parisien où il décèdera le 21 décembre 1918, entouré de ses parents qui perdent ainsi leur fils unique.
Frédérique Lubeigt.
Citations et décorations
- Pas de citation ni décoration connues
- Portrait de Louis Eugène Béguin
- Faire-part de décès
- Mémoire des Hommes : non répertorié
- Gallica
« Thèse : Des actes des autorités administratives qui échappent à un recours pour excès de pouvoir » Université de Paris
Nécrologie : Le Matin, 2 janvier 1919
- Mémorialgenweb :
Plaque commémorative 1914-1918 de l'église Notre-Dame-de-L'Assomption - Bréval
- Chtimiste.com : Les Eparges février - avril 1915
- Wikipédia : Bataille des Eparges - Aquarelle Poste de secours