D’Octave Alfred Alcide, il reste peu. Une photo. En uniforme. Lourd des espoirs paternels et assombri par les 3 années de guerre qu’il a déjà vécues comme le montrent ses galons, il a l’air particulièrement sérieux, voire triste.
Son registre militaire indique qu’il a les yeux bleus et les cheveux châtains. Il mesure 1,79 m, ce qui est grand pour l’époque.
C’est un Breton, né le 22 juin 1893 à Rennes. Toute son enfance et sa jeunesse se sont déroulées dans la capitale armoricaine, rue Saint-Hélier, à l’ombre de la faculté des lettres.
Il est le fils aîné d’Alcide Macé, qui occupera, à partir de 1901, la chaire de langue et littérature latine à l’Université de Rennes en qualité de professeur adjoint, puis de titulaire à partir de 1920. En 1884, Alcide Macé a intégré l’Ecole Normale Supérieure et en 1887, il est reçu second à l’agrégation de lettres et est nommé membre de l’Ecole Française de Rome, ce qui lui donne l’occasion d’étudier de vieux manuscrits. De 1906 à 1910, Alcide Macé est membre du Jury du concours de l’ENS. En 1920, il sera nommé titulaire de la chaire de littérature latine. Il est considéré comme un des plus grands latinistes de tous les temps. Les travaux de cet éminent latiniste sont encore reconnus aujourd’hui.
La mère d’Octave s’appelle Albertine Saulnier-Métayer. Elle a 23 ans lorsqu’il nait.
Après une scolarité au lycée de Rennes, Octave rejoint la Faculté de droit de la même ville et obtient sa licence en droit en novembre 1913. Octave a deux jeunes frères, Yves et Etienne, et une sœur, Cécile. En 1913, Yves a choisi de préparer l’Ecole Polytechnique et il faut aller à Paris. Leur père ne peut pas quitter son enseignement et ses élèves, aussi leur mère accompagne- t-elle Yves dans son installation à Paris, rue Lacretelle. Octave suit et s’inscrit à la Faculté de droit pour terminer un doctorat de sciences juridiques. Il passera le premier examen avec succès en mai 1914.
Le 2 décembre 1913, Octave Macé prête serment et est inscrit sur la liste du stage du barreau de Paris. Il ne reste stagiaire que 8 mois puisqu’il est mobilisé et incorporé, en qualité de soldat de 2ème classe au 48ème Régiment d’infanterie dès la première semaine d’août 1914. Il sera caporal dès octobre 1914.
Rien ne figure dans son dossier de l’Ordre. Il a eu à peine le temps de vivre avant d’être appelé pour défendre son pays. Il vient d’avoir 21 ans. Le lieu de casernement du 48ème RI est Guinguamp. Le régiment va se mettre en marche vers Charleroi. Puis battre en retraite et participer à la Bataille de Guise. Octave se bat du côté d’Arras en octobre 1914.
L’année 15 voit le 48ème RI engagé dans les combats en Artois et en Argonne. Le 28 octobre 1915, il est muté au 167ème régiment d’infanterie, régiment qui a connu des pertes énormes dans la Woèvre (1300 hommes) et lors de la bataille de Champagne. Début 2016, le régiment est stationné en Lorraine où il a sa caserne dans la ville de Toul. A partir de juin, il est dans le secteur de Saint-Mihiel, puis il rejoint Verdun en décembre.
Le 8 décembre 1916, il est blessé sur la côte d’Haudrimont et évacué vers une ambulance. Il peut bénéficier d’une permission du 13 décembre 1916 au 26 janvier 1917. Lorsqu’il rejoint son régiment, celui-ci est toujours affecté au secteur de Verdun et le restera jusqu’en mars 1917. En avril, commencent les offensives décidées par le général Nivelle. Le régiment se déplace vers les Côtes de la Meuse et se bat sur le Chemin des Dames. Octave perd son cousin par alliance,
Pierre-Paul Dethomas, avocat au barreau de Paris comme lui, ancien secrétaire de la Conférence, le 27 juillet 1917 sur le Chemin des Dames.
Le 4 octobre 1917, il est nommé aspirant. En décembre 1917, retour vers la Lorraine jusqu’en avril 18. Pendant les périodes de repos à l’arrière, il a l’occasion de plaider devant le Conseil de guerre, exerçant cette profession qu’il a choisi et si peu pratiquée.
Le 3 mars 1918, l’Allemagne a signé la paix de Brest-Litovsk avec la Russie, ce qui lui permet de ramener des troupes sur le front français. Fort de cette nouvelle supériorité numérique écrasante, l’Allemagne décide de lancer une offensive d’envergure pour hâter la victoire avant l’arrivée des Américains. Le 27 mai 1918, la troisième offensive est lancée, soutenue par des milliers de canons. La ligne de front française est enfoncée en direction de Reims. Les Allemands atteignent le Chemin des Dames, puis conquièrent Fismes, puis Soissons et progressent vers Reims. La situation est catastrophique. De furieux combats sont livrés. Les coloniaux et l’Armée d’Afrique défendent Reims sans céder un pouce de terrain. Les jours suivants, une lutte très violente fait rage le long de la poche creusée par l’ennemi. Comme toujours, les soldats font preuve d’un courage insensé.
A Corcy, près de Villers-Cotterêt il commande une section de mitrailleuses. Le 3 juin, Octave dirige sa section, ordonnant à plusieurs reprises le déplacement des mitrailleuses pour enrayer la pression ennemie. Les obus pleuvent. Il s’écroule, victime de nombreuses plaies d’éclat d’obus. Il est évacué vers l’ambulance, mourant. Il ne passera pas le jour.
Ses deux jeunes frères, Yves et Etienne, seront épargnés, tous les deux chevaliers de la Légion d’honneur et Croix de guerre 14-18. Leur père n’aura de cesse, après le décès de son fils aîné Octave, d’obtenir pour lui le titre d’avocat à la Cour d’appel de Paris et non la mention avocat stagiaire. Il se battra également pour qu’Octave ait une décoration posthume.
En 1922, Monsieur et Madame Macé vont créer un prix Octave Macé destiné à récompenser le meilleur camarade et meilleur étudiant en licence de droit à l’université de Rennes. Dix ans plus tard, le prix était toujours remis, comme en témoigne l’
Ouest-Eclair du 14 juillet 1932. Que serait devenu Octave, dans l’ombre d’un père qui ne tarde pas à créer son propre prix, le prix Alcide Macé, consacré à honorer un étudiant en langue et littérature latine ? Ombre écrasante si l’on en croit le monument funéraire édifié par la famille dans le cimetière de l’Est de Rennes. Alcide y rayonne au-dessus de sa femme et d’Octave, ses deux autres fils, Yves et Etienne, ayant droit aux ailes du monument, et Cécile, l’unique fille, ne bénéficiant que d’une maigre mention.
Michèle Brault.
Citations et décorations :
- Cité à l’ordre 341 de la Xème Armée, le 20 septembre 1918 :
« Aspirant possédant les plus belles qualités d’énergie et d’audace. Au cours de l’attaque du 3 juin 1918, devant Corcy, a fait l’admiration de tous par son sang-froid. Commandant une section de mitrailleuses, l’a portée, à deux reprises, dans des emplacements exposés où la situation était critique, infligeant à chaque fois, de lourdes pertes à l’ennemi. Mortellement blessé pendant l’action. »
- Croix de guerre avec palme. Médaille militaire à titre posthume, le 24 mars 1920 (Journal officiel, 16 mai 1920)