« Il sait qu’il sera appelé dès le premier jour, aussi veut-il avoir auparavant l’honneur de revêtir la robe d’avocat ». Tels sont les mots de l’oncle d’Henri Maistre dans une lettre adressée au Bâtonnier le 21 janvier 1918, afin de compléter les maigres renseignements figurant au dossier de son neveu, en prévision du « jour ... où les souvenirs laissés par tant d’avocats si glorieusement tombés seront pieusement recueillis. »
Henri Maistre n’est en effet demeuré avocat que peu de temps. Né en 1877 à Nice, de parents négociants en huile, Henri Maistre effectue ses études à Nice, avant de monter à Paris où il commence des études de droit à l’Ecole Libre de Sciences Politiques. A cette époque, il affiche ses convictions pro-dreyfusardes en signant des appels en faveur de la révision du procès dans des journaux de gauche.
Toutefois, il ne poursuit pas ses études de droit, sa passion des livres et de l’histoire le poussant à rejoindre la Bibliothèque Nationale en qualité d’attaché. En 1900 il devient membre de la Société Historique d’Auteuil et de Passy, dédiée à « la recherche et la conservation des anciens monuments, des souvenirs et curiosités historiques et littéraires, la préhistoire et la géologie du XVIe arrondissement de Paris et ses anciennes dépendances » et peu après de la Société d’Histoire Moderne. Henri Maistre publie ainsi plusieurs ouvrages dont l’un consacré au fondateur de l’Institut des Aveugles, « Valentin Haüy et ses fonctions d’interprète » en 1901. Il écrit également de nombreux articles dans des revues historiques.
A 33 ans, Henri Maistre choisit finalement de revenir à ses premières amours et reprend des études de droit qu’il termine en obtenant sa licence le 9 juillet 1914. Pressé de revêtir la robe avant l’uniforme, il demande donc immédiatement à rejoindre le Barreau. Son rapporteur indique qu’il désire vouloir s’occuper de « questions sociales et d’enfants abandonnés », tout en relevant ses conditions luxueuses d’installation. Il prête serment le 21 juillet 1914 avant d’être mobilisé le 2 août 1914.
Initialement affecté au 47ème régiment d’infanterie territoriale, il rejoint rapidement le 269ème régime d’infanterie, au sein du 33ème corps d’armée, stationné en Artois. Il prend ainsi part à la bataille d’Artois à partir du mois de mai 1915. Les combats sont rudes, les pertes lourdes et les blessés nombreux. Mais Henri Maistre, qui a emporté ses livres, s’efforce de remonter le moral de ses camarades en leur lisant des vers.
En mai 1915, l’offensive est lancée à Carency, non loin d’Arras, que les français veulent reprendre aux allemands. Le 12 mai, un bataillon du 269ème régiment part en tête, afin de s’emparer de trois lignes de tranchées allemandes. Le départ se fait en deux vagues avec « un ensemble et une ardeur admirés de tous les observateurs. » Henri Maistre est parmi eux. C’est lors de cet assaut qu’il est grièvement blessé aux poumons par des éclats d’obus au poumon. En raison du très grand nombre de blessés, les services médicaux ne le relèveront que plus tard dans la soirée. Cette action lui vaut une citation à l’ordre du 33ème Corps d’armée : « Le 12 mai 1915 est parti à l’assaut d’une ligne de tranchée et a poussé crânement au-delà, entraînant ses camarades par son exemple, est tombé grièvement blessé. »
Henri Maistre est réformé. Un temps remis de sa blessure, il reprend la robe et plaide devant le Tribunal pour enfants et le Conseil de guerre. Toutefois, sa santé déclinant il quitte le barreau pour entrer au service du contentieux du Ministère de la Guerre en décembre 1916. Il n’est malheureusement pas guéri et meurt à Paris le 24 décembre 1917, à l’âge de 40 ans des suites de ses blessures, laissant derrière lui sa mère et son épouse Marguerite.
Denis Chemla.
Citations et décorations :
- Cité à l’Ordre N° 109 du 33e Corps d’Armée, le 19 août 1916 :
« Le 12 mai 1915, est parti à l’assaut d’une ligne de tranchée et a poussé crânement au-delà, entraînant ses camarades par son exemple, est tombé grièvement blessé. »
- Croix de Guerre