Avocats morts pour la France
 
        « Pourquoi faut-il que Dieu m’est pris ce que j’avais de plus cher ma vie ma seule raison d’être mon enfant mon cher petit travailleur. Oh que je suis malheureuse ! ». Lettre de Mme Veuve Corgeron, mère d’Henri, mort au Champ d’Honneur le 10 décembre 1914, au Bâtonnier Henri Robert (18 décembre 1914).
Henri Corgeron est né le 10 août 1881. Fils unique, il perd son père à 17 ans et doit interrompre ses études pour subvenir aux besoins de sa mère : il prend un emploi dans une fonderie en caractères d’imprimerie, après avoir appris la typographie. Il fréquente alors assidûment, le soir, les cours de la Section d’enseignement secondaire de l’association philotechnique de Paris (œuvre d’éducation populaire) qui lui permettent de finir ses études.
Il s’inscrit ensuite à la faculté de droit, continuant de travailler le jour tout en étudiant le soir. Il est admis au Barreau le 15 décembre 1911. Il se spécialise sur les questions industrielles et commerciales sans négliger les questions civiles et criminelles. Il a plaidé pour de nombreuses associations et à plusieurs reprises dans les Cours et tribunaux de province, jusqu’en Belgique où il plaidait en 1913.
Officier d’académie, membre du Conseil d’administration de l’association philotechnique ainsi que professeur, il fait également des conférences et collabore à divers journaux. D’abord affecté au dépôt du 120e régiment puis instructeur de nouvelles recrues, il a préféré partir au feu dès la première heure. Il écrit dès le 8 août au Bâtonnier pour l’informer que sa mère se chargera de lui remettre les dossiers de ses affaires en cours.
Après trois mois au front, il écrit de nouveau à « son » Bâtonnier pour lui expliquer qu’il a eu la dysenterie, mais qu’il a « eu la volonté et l’imprudence de continuer mon commandement. Dans ces conditions, je vous sollicite très respectueusement votre intervention auprès de nos confrères qui sont au pouvoir afin de me faire appeler à un service arrière, plutôt que d’aller séjourner dans un dépôt d’éclopés où mon activité ne serait point utilisée ».
Il devient lieutenant dans le même régiment et repart au front. Lors d’un 7eme séjour du régiment dans le bois de la Grurie (secteur de Bagatelle, Argonnes) dont les Allemands voulaient s’emparer, il est blessé mortellement à l'aine d'une balle qui a touché l'artère fémorale (hémorragie interne), alors qu'il entrainait ses hommes à l'assaut des positions ennemies. Il a expiré à l’ambulance de la Harazée (Meuse) et inhumé dans le cimetière de cette commune.
Il avait 34 ans. Son corps sera rapatrié et inhumé en juin 1922 dans le caveau de famille à Joigny.
Cindy Geraci.
Citations à titre posthume :
- Chevalier de la Légion d’honneur
- Croix de guerre avec palmes de vermeil :
« Excellent officier, courageux et très dévoué ».
- Portrait d'Henri Corgeron
- Lettre de départ à la guerre au Bâtonnier dans laquelle il charge sa mère de transmettre ses dossiers.
- Biographie : A. Boucabeille, Nos collaborateurs. Henri Corgeron, avocat à la Cour d’Appel de Paris, Les Archives de l’Imprimerie, 26e année, n°7, avril 1913, pp. 102-104.
- Mémoire des Hommes : Henri Corgeron.
 
        Claude Couprie est né le 21 mai 1879 à Villefranche-sur-Saône (Rhône) dans une famille nombreuse et très aisée. En effet, près d’une dizaine d’enfants compose la famille de Marie Rambert Couprie, son père, avocat, ancien bâtonnier de Villeranche. Toute la famille Couprie réside au Château du Colombier à Saint-Julien en Beaujolais.
Licencié en droit en juillet 1899 puis Docteur en Droit, Claude Couprie est admis au stage et inscrit au tableau le 16 décembre 1903.
Il s’engage en tant que Sergent au 252ème Régiment d’Infanterie.
Le 22 novembre 1914, quelques jours avant sa mort, son frère Vincent, lieutenant d’artillerie et également avocat écrit à son père : «Mon Cher papa, je viens de voir Claude et de passer la plus grande partie de la journée avec lui. Aussi puis je vous donner en même temps des nouvelles de tous deux. Claude est au repos pour deux jours encore dans un village à deux kilomètres de mon cantonnement ce qui me permettra de le revoir demain et après demain. Il était assez éprouvé par quatre jours dans les tranchées de première ligne où l’eau et la gelée les incommodaient fort et où, étant donné le froid et le manque de confort il était impossible de fermer l’œil. Malgré cela, il ne va pas mal et le sommeil de trois nuits le retapera complètement. Il a déjeuné ce matin à ma popote et dormi une partie de l’après midi sur mon lit dans une chambre bien chauffée et ce soir quand je l’ai raccompagne à Ménil la tour il paraissait déjà un peu ragaillardi. Mais quel métier que celui des fantassins à l’heure qu’il est ! et comme je suis un coq en pâte quand je compare mon existence à celle de ce pauvre Claude».
Le 28 novembre 1914, Claude Couprie est tué d’une balle dans la tête en tranchée de première ligne à Saint Baussant.
Le lendemain, c’est Vincent qui informe ses parents de la triste nouvelle : «L’inquiétude que je ressentais hier en vous écrivant, mon cher papa, et sur laquelle malgré moi je vous avais laissé, n’était hélas que trop fondée. Parti aux renseignements j’ai appris que la blessure de Claude avait été grave, très grave et que déjà mon pauvre frère n’était plus. Mon cœur se brise en vous apprenant si brutalement cette fatale nouvelle, mon pauvre papa et je me rends si bien compte du mal du mal qu’elle va vous faire et à ma pauvre maman que je dois faire un effort pour vous annoncer dès ce soir la mort glorieuse de votre fils bien aimé. Une balle ennemie l’a frappé à la tête et en quelques secondes la mort a fait son œuvre. Il s’est éteint sans souffrance dans les tranchées de première ligne ...».
Sur Claude Couprie sera trouvé une carte ainsi conçue : «Si je venais à être tué je désire au cas où les objets trouvés sur moi seraient remis à ma famille, qu’on donne à mon neveu et filleul Yves ma chevalière et mon chapelet. Pour le reste je confirme le testament fait il y a plus de dix ans et remis à ma sœur Marie Josèphe».
Il serait inhumé au cimetière de Mandres aux quatre Tours.
Le 4 décembre 1914, son frère Vincent écrira: « Ma bien Chère Maman, Mes lettres des 28 et 29 novembre vous sont elles parvenues à l’heure qu’il est ? Ou quand vous parviendront elles ? Je redoute tellement le moment où elles vous arriveront et vous plongeront dans la douleur ! Combien ma pensée est près de vous, mes pauvres parents et combien mon cœur souffre en songeant à votre peine immense. Je prie Dieu de vous donner la force de supporter cette épreuve, lui qui a su choisir parmi nous la victime la plus résignée et la plus préparée à la mort. Car, Ma chère Maman, si je pouvais essayer de vous consoler je vous dirai que votre fils bien aimé s’était encore confessé et avait encore communié peu de jours avant sa mort, et qu’il est surement dans le ciel parmi les heureux de l’autre monde meilleur … Qu’il nous protège, mon Dieu, de là haut et qu’il veille sur ceux qui sont encore vivants ! J’ai revu Pierre et André de Gaillard et ils m’ont encore redit combien ils s’associaient à notre chagrin. Ils ne m’ont pas donné d’autres détails que ceux que je vous ai donnés dans ma lettre du 29. Claude est mort sans souffrir, victime de cette guerre pénible des tranchées où des balles fauchent quiconque veut essayer de voir… et où les soldats tombent journellement sans combat. J’ai fait dire une messe hier à Sanzey..Et je vais aller prier sur sa tombe ».
Le même jour, son père écrira au Bâtonnier : «Monsieur Le Bâtonnier, j’ai l’honneur et le chagrin de vous faire part de la mort de mon fils Claude Couprie avocat à la Cour d’appel de Paris Sergent au 252ème Régiment de ligne, 19ème compagnie. Il est tombé vaillamment frappé d’une balle au front à Seicheprey, Meurthe et Moselle, et a été inhumé suivant les rites de l’église dans le cimetière de Mandres aux quatre Tours. J’ai tenu à vous adresser directement cet avis, Monsieur le Bâtonnier, pour que le nom de mon fils s’ajoute, sur votre livre d’or, à celui de tous ses confrères qui ont déjà payé mortellement leur tribut à la défense du pays. Deux jours avant sa mort, mon fils plaidait devant le conseil de guerre siégeant à Toul!».
Le 7 décembre 2014, le bâtonnier Henri Robert répond à Monsieur Couprie : « Monsieur, J’apprends avec un réel chagrin la triste nouvelle de la mort de votre fils. J’avais pour Claude Couprie une très vive sympathie. J’aimais son caractère sa générosité, sa franchise, sa loyauté et j’appréciais aussi son talent. Je vous prie d’agréer me très sincères condoléances et de croire, Monsieur, à mes sentiments les plus attristés et dévoués».
Géraldine Berger-Stenger.
Citation à titre posthume :
- Cité à l’ordre du régiment. Médaille militaire à titre posthume, le 14 février 1924 :
«Brave sous-officier tombé glorieusement au Champ d'Honneur, le 28 novembre 1914 à Saint-Baussant. A été cité». 
- Portrait de Claude Couprie
- Lettre de Vincent Couprie à son père (22 novembre 1914)
- Lettre de Monsieur Couprie au Bâtonnier (4 décembre 1914)
- Copie de la lettre du Dr Duzin, médecin militaire à Monsieur Couprie (5 février 1915)
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Mémoire des hommes : 
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Monument aux morts de la commune de Saint Julien (Rhône). 
 
			    	





