C’est en terre ardennaise que naquit Pierre Colle, le 31 mars 1888, à Charleville, dont son grand-père Gustave Gailly était sénateur-maire.
Titulaire d’une licence en droit public et législation financière et d’un doctorat en droit, il fut admis au Serment le 29 juillet 1913, après avoir effectué deux ans de service militaire.
Il fut mobilisé dans les premiers jours de la guerre et incorporé au 147ème Régiment d’Infanterie au grade de Caporal. C’est dans l’uniforme de ce grade, où il manquait deux boutons, que le photographe aux armées a saisi le regard égaré de ce jeune homme. Pour autant, il semble avoir été aussi courageux que lucide.
Le 1er octobre 1915, le 147ème Régiment d’Infanterie fut envoyé sur le front en Champagne. Le 6 octobre 1915, son régiment reprit à l’ennemi la colline de Tahure. Les tranchées étaient si peu profondes et les lignes ennemies si proches que les soldats, tapis le jour sous le feu de l’ennemi, profitaient de l’obscurité de la nuit pour creuser les tranchées et fortifier leur défense. C’est au cours d’une reconnaissance nocturne que Pierre Colle fut tué d’une balle en plein cœur, le 22 octobre 1915.
Cité à l’Ordre du Corps d’Armée le 11 novembre 1915, il était dit de lui « Brave jusqu’à la témérité, tué d’une balle au cœur au court d’une reconnaissance qu’il effectuait la nuit à proximité des tranchées ennemies... »
C’est par l’intermédiaire de son oncle, l’écrivain Charles Gailly de Taurines, que les termes de son testament ont été portés à la connaissance du Bâtonnier. En effet, certain de ne pas survivre à cette immense tuerie, il écrivait : « A mon père, à ma petite-sœur, à mes deux frères : Vous tous que j’ai chéris tendrement jusqu’à la dernière minute, vous exercerez, j’en suis sûr, ces quelques derniers désirs de mon cœur, les vœux suprêmes d’un soldat que la mort n’effraie pas, et qui serait fier de donner son sang pour son pays, pour la victoire. Je désire que mon corps, ou ce qu’il en reste, demeure enseveli dans la zone des armées, là où on lui aura donné sa première sépulture jusqu’au jour où nos Ardennes seront définitivement libérées du joug allemand. Alors, vous me transporterez au bon vieux cimetière de là-bas, au caveau de famille pour que je dorme en paix près de maman, près de grand-père. Si j’avais vécu, c’est au droit que je serai retourné après la guerre pour m’y frayer une carrière. Aussi, tout humble que soit le rang que j’ai tenu jusqu’ici au Palais, j’aimerai que mon nom figure aux côtés de ceux des braves camarades, sur la liste de ceux tués à l’ennemi. Maintenant, mon bon papa, ma petite-sœur chérie, mes frères bien-aimés, adieux ! Adieu aussi ma vieille grand-mère, mes oncles et tantes, cousins et cousines, mes belles-sœurs. Adieux petite Zézette et gros Titi ! Vous pouvez être certains que je suis parti sans haine et sans rancune, heureux si vous me pardonnez mes erreurs et mes fautes ! Surtout pas trop de larmes, et ne portez le deuil que jusqu’au jour où nous serons vainqueurs. Adieu! je suis mort en bon français. Je suis reparti retrouver ma maman».
L’un de ces « derniers désirs de son cœur » a été exhaucé : le nom de Pierre Colle, chevalier de la Légion d’Honneur et Croix de Guerre à titre posthume, figure bien aux côtés de ceux de ses confrères qui, comme lui, sont morts aux combats durant le conflit de 14-18.
Marie-Alice Jourde
Citations et décorations :
- Cité à l'Ordre N°108, du 2e Corps d'Armée, le 11 novembre 1915 :
« Brave jusqu'à la témérité, tué d'une balle au coeur au cours d'une reconnaissance qu'il effectuait la nuit à proximité des tranchées ennemies ».
- Chevalier de la Légion d'honneur et Croix de guerre à titre posthume (Journal Officiel du 17 octobre 1919).
« Jeune officier d'un calme et d'un sang-froid admirables, brave jusqu'à la témérité. Tué d'une balle au coeur, le 22 octobre 1915, au cours d'une reconnaissance qu'il effectuait, la nuit, à proximité des tranchées ennemies. A été cité ».