« 1,72 mètre, cheveux châtains, yeux bleus foncés, visage allongé et grande bouche » telle est la description de Jean Cante figurant sur son registre matricule.
Jean Cante naît le 1er mars 1889 au domicile familial situé 11 bis rue de Moscou 8ème arrondissement de Paris. Son père, René, est attaché au Ministère des finances et sa mère Jeanne Letermelier est, comme de nombreuses femmes de l’époque, sans profession. De sa jeunesse, peu de renseignements ont été retrouvés, nous savons toutefois qu’il a obtenu sa licence à la faculté de droit de l’université de Paris le 13 juillet 1909.
Il prête serment le 23 novembre 1909. Au moment de sa conscription, sa mère, alors veuve, réside à Trouville. Jean Cante sera d’ailleurs recruté à Lisieux dans le Calvados où il bénéficiera d’un sursis pour cause d’études. Le 9 octobre 1911, Jean Cante intègre le 119ème régiment d’infanterie où il effectuera ses classes. Il aura au préalable demandé l’autorisation de suspendre son stage à Monsieur le bâtonnier. Il deviendra caporal le 13 avril 1912, puis respectivement sergent le 1er octobre 1912 et sergent fourrier le 28 décembre 1912. Il sera démobilisé le 26 septembre 1913 mais moins d’un an plus tard, Jean Cante sera rappelé lors de la mobilisation du 2 août 1914.
Dès le début de la guerre, il est blessé au signal d'Aurigny dans l’Aisne le 29 août 1914 et est évacué. Il restera loin du front quelques mois. Le 12 novembre 1914, il passe adjudant et va rejoindre la 3ème compagnie du 119ème régiment d’infanterie dès le lendemain. Nommé sous lieutenant le 21 mai 1915, Jean Cante est blessé au visage par un éclat d’obus lors de l'attaque du Bois Carré le 20 juin 1915 près d’Aix Noulette. De retour de convalescence après de nombreux mois d’inactivité, il rejoint le 26 mars 1916 le 119ème régiment d’infanterie et réintègre la 3ème compagnie.
Le 30 avril 1916, Jean Cante est cité à l'ordre de la 6ème division. Il reçoit alors les félicitations de son Bâtonnier, lequel sera à son tour remercié le 29 mai 1916 pour son « aimable lettre et des félicitations vraiment trop élogieuses ». Jean Cante explique alors que « c’est en accomplissant modestement mon devoir de bon français que j’ai obtenu cette récompense. Tous ici gravés comme soldats, nous n’avons qu’une idée chasser le boche de notre territoire et vengé nos camarades tombés au champ d’honneur … ».
Après s’être distingué à nouveau, Jean Cante est nommé lieutenant le 5 juillet 1916 puis capitaine le 14 mars 1917. Son oncle maternel fier de la citation de son neveu écrit le 4 juin 1917 : «Monsieur le bâtonnier, connaissant la sympathie que vous témoignez à vos jeunes confrères, je me permets de vous adresser le texte de deux citations, l'une à l'armée, l'autre à l'ordre du corps d'armée, dont a été l'objet mon neveu, Jean Cante, capitaine au 119e régiment d’infanterie depuis le 11 mars 1917. Le général commandant le groupement D.E. cite à l’ordre du corps d'armée : le lieutenant de la troisième compagnie du 119e régiment d'infanterie : commandant de compagnie modèle, s'est dépensé sans compter pendant 28 jours sur son terrain récemment conquis, ou tout était à organiser sous un bombardement incessant et dans les conditions atmosphériques les plus défavorables, a obtenu de sa troupe un excellent rendement, tout en assurant la conservation des effectifs. Le général commandant le groupement D.E de Maud’huy, 24 mars 1917 veuillez agréer, Monsieur le bâtonnier, l’assurance de mes sentiments respectueux Charles Letermelier 11 bis rue de Moscou Paris».
En mai 1917, son régiment va se trouver dans un secteur particulièrement exposé comme le relate le JMO de sa compagnie : « A partir du 15 mai 1917, le lieutenant-colonel Malvy remplaçait à la tête du régiment le lieutenant-colonel Waymel nommé chef d’état-major du 3eme corps d’armée. Quelques jours après, le 119ème, était au repos dans le secteur du Chemin des Dames. Le 2 juin, les trois bataillons, se plaçaient sur l’étroit plateau des Bovettes dont depuis le 17 avril, les adversaires se disputaient âprement la possession. La position formait saillant ; les abris y étaient rares, les tranchées peu profondes et mal reliées avec l’arrière. Vers l’ennemi, la chute rapide du plateau rendait très délicate l’observation rapprochée. Les premiers jours qui suivirent l’entrée en secteur furent assez calmes. Mais le 6, à l’aube, une canonnade furieuse éclatait sur tout le front du régiment. Pendant que les 150, les 210 et les gros « minen » écrasaient nos premières lignes, l’artillerie de campagne allemande exécutait sur les positions de soutien un barrage d’une extrême intensité et faisait pleuvoir une véritable pluie de projectiles asphyxiant sur les batteries et les ponts de l’Aisne. Puis, ce fut l’attaque ; derrière leur barrage roulant, les vagues d’assaut s’ébranlèrent, marchant dans l’éclatement des obus et si près d’ailleurs que quelques sections ennemies furent obligées de rétrograder pour me pas être décimées. Le régiment avait reçu l’ordre de se faire tuer sur place plutôt que d’abandonner la ligne des observatoires d’artillerie. Et le combat s’engagea violent, allant tout de suite au corps à corps. Mais, à notre gauche, le boche réussissait à prendre pied dans quelques éléments avancés de nos voisins. La prise de ces tranchées, situées en retrait de notre ligne, lui permettait de déborder notre flanc. Les ripostes se succèdent avec une violence extrême. Pour répondre aux jets de pétrole enflammé de l’ennemi, les grenades incendiaires manquent. Mais, dans un abri éventré par les obus on a découvert quelques caisses de cylindres à calorite. Ces engins destinés à être déposés sur les matériaux dont on veut hâter la combustion, peuvent à peine être projetées à quelques pas : tant pis, on se rapprochera davantage… ».
Du 1er au 11 juin 1917, Jean Cante va à nouveau s’illustrer, ce qui lui vaudra une nouvelle citation.
Début juillet, les combats s’intensifient comme le relate le JMO de sa compagnie : « Le 1er juillet à 9h45, les 1er et 2eme bataillons étaient placés dans la parallèle de départ (tranchée de Berne) : le 1er bataillon à droite et le 2eme à gauche. Le 3eme bataillon était maintenu en réserve à Passy. Dès midi, l’artillerie allemande entreprenait un bombardement intense sur les premières lignes et les boyaux d’accès, à 16 heures les observateurs signalaient que la tranchée de Franconie était fortement tenue par les Allemands. L’heure de notre attaque avait été fixée à 19h45. Quelques secondes avant, les vagues d’assaut, sortant de la parallèle de départ, se plaçaient en terrain libre, dans un ordre parfait, puis on s’échelonnaient marchant. Les unités donnaient l’impression d’une troupe manoeuvrant sur place d’exercices avec le souci de l’alignement. A droite, le 1er bataillon aborde et dépasse la courtine du poteau d’Ailles. A gauche, la progression est plus dure : l’ennemi a placé en batterie de nombreuses mitrailleuses ; la tranchée de Franconie est garnie au coude à coude et le feu devient extrêmement meurtrier lorsque la première vague arrive à quelques mètres de cette tranchée. La 6eme compagnie perd tous ses officiers et son aspirant ; la 7eme n’a plus que la moitié de ses cadres ; à la 3eme compagnie, le capitaine et un chef de section sont tués. Les fractions de soutien viennent renforcer la première ligne mais après une dizaine de mètres l’attaque est arrêtée».
Hélas, le capitaine de la 3ème compagnie n’est autre que Jean Cante, très grièvement blessé par balle. Il ne survivra pas à cette troisième blessure et décède le lendemain, le 2 juillet 1917, à l'ambulance 13/3 à Oeuilly, au Chemin des Dames.
Quelques jours plus tard, Charles Letermelier donne quelques détails sur la mort de son neveu au bâtonnier : « mon brave neveu a été mortellement blessé le 1er juillet, au chemin des Dames, en montant à l’assaut en tête de ses hommes comme toujours, ainsi que nous l’écrit son Général de Division».
Le corps de Jean Cante repose désormais à la Nécropole Nationale de Oeuilly aux cotés de 1159 autres soldats. Il laissera une épouse, Suzanne, Marie Thérèse REVERDY.
Géraldine Berger-Stenger.
Citations et décorations :
- Citation à l'ordre n°144 de la 6ème division, le 30 avril 1916: « Officier d'un moral très élevé, déjà blessé deux fois. Au cours de la dernière occupation du secteur, a subi avec sa section, un violent bombardement. Ayant été pris sous un éboulement, malgré la commotion produite par le choc, est resté au milieu de ses hommes auxquels il a prodigué ses encouragements et les a maintenus dans le plus grand ordre. »
- Citation à l'ordre n°540 de la 2ème Armée du 19 décembre 1916: « Officier d'une grande valeur. Comme commandant de compagnie, a, le 1er Juin 1916 à Thiaumont, dans des conditions critiques, su, par son sang froid et son énergie, rétablir une situation compromise, se portant spontanément avec sa compagnie sur la ligne de feu et reprenant le contact de l'ennemi, perdu pendant un moment. JO 27 mai 1917.
- Citation à l'ordre n°248 du corps d'Armée du 24 mars 1917: « Commandant de compagnie modèle, s'est dépensé sans compter pendant vingt huit jours sur un terrain récemment conquis, où tout était à organiser sous un bombardement incessant et dans des conditions atmosphériques les plus défavorables, a obtenu de sa troupe un excellent rendement, tout en assurant la conservation des effectifs. » le Général Commandant le Groupement D.E. Signé : DE MAUD’HUY.
- Citation à l'ordre n°242 de la 6ème division, 25 juin 1917 : « Commandant de compagnie de tout premier ordre, véritable apôtre du devoir, s'est dépensé pendant 10 jours consécutifs (1er au 11 juin 1917) obtenant de ses hommes électrisés par son exemple un rendement merveilleux pour l'organisation d'un secteur où le combat à la grenade était de tous les instants. »
- Citation accompagnant la nomination dans l'ordre de la Légion d'Honneur, JO du 16 septembre 1917 page 7308 et du 12 octobre, pages 8084 et 8085 (Erratum): «Commandant de compagnie d'un caractère très élevé et d'une remarquable bravoure. Très grièvement blessé pour la première fois, pendant l'attaque du 1er Juillet 1917 en lançant ses hommes à l'assaut d'une position très fortement défendue. Trois fois cité à l'ordre ». Pour prendre rang du 21 juin 1917.