Avocats morts pour la France
Lorsque Charles Lyon-Caen fit son éloge, il le décrivait ainsi : « Il avançait dans la vie avec un charmant sourire ». Cette simple phrase est la juste légende de la photo que sa mère a adressée après sa mort au Bâtonnier de Paris, afin que ce dernier puisse lui rendre hommage. Il disait qu’il était cadet de Gascogne ce fils unique né le 14 juillet 1881 à Villeneuve-sur-Lot, d’un père et d’un grand-père greffier du Tribunal de Grande Instance de cette ville. Orphelin de père, chéri par sa mère et son grand-père, il fit ses études au collège de Belzunce, puis à la faculté de droit de Bordeaux.
Il monta à Paris où il fut inscrit, le 15 mars 1906, au Tableau. Collaborateur du cabinet de Maître Leboucq, puis de celui d’Alexandre Millerand, il passa le concours de la Conférence qu’il réussit du premier coup. Secrétaire de la promotion 1909-1910, il acquit rapidement une véritable notoriété dans des procès qualifiés de parisiens. Féru de littérature, il sut, dès sa mobilisation, trouver les mots propres à tenter de réconforter sa mère et à lui cacher ses angoisses. Il voulait envers et contre tout rester ce jeune homme joyeux à l’accent roulant de soleil. C’est ainsi qu’il lui écrivait le 12 août 1914, alors qu’elle s’était réfugiée à Albi : «Pas de lettres tristes, n’est-ce pas maman ? ».
Puis, le 25 août, il la rassurait en lui indiquant : « Ma pauvre maman, du courage. Vous pourrez être fière de votre fils plus tard. Je reviendrai indemne, je le sens, j’en suis sûr… ». Le 6 septembre, enfin, avec gaîté, il l’assurait de cette phrase : « Je passe sous la mitraille comme un canard sous la pluie ». Pour autant, le 5 novembre 1914, le sergent René Fabre fut frappé d’une balle et tomba à Vytschaete en Belgique. On ne retrouva jamais son corps, ce qui permit à sa mère, qui ne manqua jamais d’écrire longuement aux Bâtonniers successifs pour leur rappeler le souvenir de son fils, d’espérer et même de croire jusqu’au moment où elle devait le rejoindre à jamais, en 1939, que peut-être il n’était pas mort.
Marie-Alice Jourde.
Citations et décorations :
- Médaille militaire et Croix de guerre à titre posthume le 7 décembre 1920 :
« Brave sous-officier, ayant toujours fait preuve des plus belles qualités. Tombé glorieusement pour la France, à Vytschaete (Belgique). Croix de guerre avec étoile de bronze».
- Portrait de René Fabre
- Lettre de sa mère (29 fèvrier 1929)
- Notice par M. Charles Lyon-Caen, Hommage aux Morts de la Guerre. Association amicale des Secrétaires et anciens Secrétaires de la Conférence des Avocats (1929)
- Notice lue par M. Jean Michel, Livre d’Or - Groupe des anciens Combattants du Palais - Tome 1 (1930)
- Mémoire des Hommes : René Fabre
Eugène Fréminet est né le 5 décembre 1883 à Paris dans une famille protestante et son père, Henri Fréminet, est avocat au barreau de Paris après avoir été député de l’Aube jusqu’en 1881.
Tout d’abord licencié en lettres, puis en droit, il est inscrit au stage en 1910 et sera Secrétaire de la Conférence de la promotion 1912/1913. C’est un jeune homme timide et secret. Trop réservé pour se livrer vraiment, cultivant sans le vouloir un abord mystérieux, il occupe ainsi une place particulière au sein de ses camarades de la Conférence. Sa nature sensible le pousse souvent à s’effacer ; pourtant fin juillet, lorsque les évènements se précipitent, il s’enflamme et s’engage dans la tourmente.
Parti volontaire dès le rappel des hommes, il rejoint son régiment, le 129e RI, avec le grade de sergent.
Il est porté disparu, tué à l’ennemi, en août 1914 ; probablement à la bataille de Charleroi (les 21 et 22 aout), au combat des Roselies ou peut-être au combat du Châtelet. Ces journées, d’une violence inouïe, furent le baptême du feu du 129e RI : « La défense ennemie est acharnée » … « Pendant cette journée, qui fut l’une des plus dures et des plus sanglantes de la campagne, le 129e fit front à des forces dix fois supérieures, les traits d’héroïsme individuels furent légion» (Historique du 129e RI).
En 1920, l’Ordre qui le croit toujours vivant, le rappelle à ses obligations d’assister à la Conférence. Sa mère informe alors le Bâtonnier et lui confie dans sa lettre, sa longue incertitude et son espoir, jusqu’à la fin de la guerre, de le voir revenir.
Frédérique Lubeigt.
Citations et décorations à titre posthume :
- Médaille militaire et Croix de guerre (28 juillet 1922 - Journal Officiel, 23 septembre 1922) :
« Brave sous-officier. Tombé glorieusement pour la France, en août 1914, au cours des premiers combats, en faisant vaillamment son devoir. Croix de guerre avec étoile de bronze».
- Portrait d'Eugène Fréminet
- Lettre du 29 mars 1920 de sa mère au Bâtonnier pour lui annoncer la disparition de son fils
- Document officiel d’attribution de la Médaille militaire – Ministère de la Guerre
- Notice de M. Marcel Héraud, Hommage aux Morts de la Guerre de la Conférence. Association amicale des Secrétaires et anciens Secrétaires de la Conférence des Avocats - Collection Ordre des Avocats de Paris
- Mémoire des Hommes : Eugène Fréminet
- Historique du 129e RI