Peu d’avocats du Barreau de Paris ont vu l’exemplarité de leur parcours reconnue par l’émission d’un timbre à leur effigie. Tel fut le cas pour Pierre Masse qui naquit le 13 décembre 1879 à Ribérac, en Dordogne.
Mais l’on ne peut évoquer la naissance de Pierre Masse sans la replacer dans un contexte familial dont il fut tellement fier, qu’il en reprit la généalogie, au soir de sa vie, en juin 1942, dans les souvenirs qu’il écrivit alors qu’il était incarcéré à la prison de la Santé.
Le berceau de sa famille, tant maternel que paternel c’est l’Est de la France, l’Alsace et la Lorraine où son grand-père paternel, David Masse, fut bâtonnier de Strasbourg. Mais, bien que les Allemands en 1870 lui proposèrent la Présidence du Tribunal de Strasbourg, il choisit la France et vint s’installer, au soir de sa carrière, au Barreau de Paris.
Le père de Pierre Masse, Édouard, Secrétaire de la Conférence choisit la magistrature puis, après avoir occupé différents postes notamment en Dordogne, fut nommé Avocat Général à 34 ans, à la Cour d’appel de Besançon. Sa mère, Lucie Simon, est issue d’une vieille famille lorraine appartenant à la communauté juive de Metz, son bisaïeul avait été Intendant des princes de Nassau.
Le grand-père maternel de Pierre Masse, Aaron Benjamin Simon, Ingénieur des Mines, suivant un de ses amis, visita la mine de Graissesac et le Bousquet d’Orb et s’y installa à la fois comme ingénieur et maître verrier. Ce faisant il allait ancrer le destin politique de son petit-fils dans l’Hérault.
Tant par sa lignée paternelle que maternelle, Pierre Masse appartient à la communauté juive de France, implantée depuis des siècles dans le royaume puis l’empire puis la république. Un de ses aïeux a même été choisi pour participer au Sanhedrin réuni par Napoléon pour fixer les règles du culte et autoriser les militaires israélites à ne pas se plier à des règles contraires à leur religion. Estimés et reconnus par les membres de la communauté, son père tout comme avant son grand-père furent des membres actifs au sein du Consistoire Central des Israélites de France.
S’il est né en Dordogne, s’il a passé sa petite enfance à Orléans, c’est à Besançon que la famille s’installe et s’agrandit. Pierre Masse était le deuxième enfant d’une fratrie composée de quatre garçons et deux filles, les seules qui vivaient encore à la Libération. Sous le regard aussi vigilant que rigoureux de sa mère, Pierre fit ses études primaires et secondaires à Besançon. Brillant élève du lycée Victor Hugo, récoltant, bien que de son propre aveu il fut dissipé et bavard, de nombreux prix, à 16 ans et demi, il était bachelier avec mention très bien. C’est également à Besançon qu’il s’initie au football, à l’escrime, à l’équitation et au patinage sur l’étang de la Planoise ou encore, avec son père, aux randonnées en montagne dont il se souvenait sans nostalgie mais avec précision dans sa cellule de la Santé où il se définira, in fine, comme marcheur, pêcheur, chasseur et, à l’occasion, bavard.
Bachelier, il s’inscrit en septembre 1896 à la Faculté de droit de Montpellier, auprès de son grand-père maternel où il recevra le surnom de « Monseigneur ». Ces deux années d’études furent, de son propre aveu, insouciantes.
Dans le même temps, son père constatant que sa carrière stagnait et qu’il ne faisait, après 13 ans à Besançon, l’objet d’aucune promotion décide de quitter la magistrature. En fait, il apparaît clairement qu’en pleine affaire Dreyfus, la Chancellerie, alors même que les qualités professionnelles d’Édouard Masse étaient unanimement reconnues, avait décidé de ne le faire bénéficier d’aucune évolution professionnelle. Dégagé de ses obligations, il regagne Paris où il est nommé par ses cousins Calmann-Lévy, Directeur Général des éditions éponymes.
À l’issue de sa licence, d’une durée de deux ans à l’époque, en juillet 1899, Pierre Masse décide d’embrasser la profession d’avocat et prête serment, le 18 octobre 1899 ; il n’a pas 20 ans, il est alors le plus jeune avocat de France. Après avoir fait ses classes au 72e régiment d’infanterie à Amiens, il sera admis au tableau, le 31 octobre 1900.
Après deux années de stage chez un avoué, Maître Guillaume Desouches, il entre comme collaborateur chez Maître Eugène Dufeuille, avocat qui en même temps était Chef du bureau politique du Comte de Paris puis du duc d’Orléans ; les engagements de ce patron lui permirent de se familiariser avec le monde politique.
Mais très rapidement, il éprouve le désir de rejoindre le cabinet d’Émile Straus dont il restera le collaborateur jusqu’à ce que ce dernier quitte la profession en 1927. Dans ses souvenirs de la Santé, Pierre Masse rend un hommage vibrant et affectueux à ce patron dont il disait : «… il m’a ouvert les trésors de la connaissance des hommes, des femmes, des affaires, qu’il m’a fait pénétrer dans un monde très fermé et très intéressant, la fleur vraiment de Paris… » Il est vrai que l’épouse d’Émile Straus qui était la veuve de Georges Bizet, a accueilli très régulièrement Pierre Masse dans son salon littéraire qu’elle tenait tous les dimanches où elle recevait Paul Herey, Abel Hermant, Joseph Reinach ou encore Gaston Calmette, directeur du Figaro.
Au-delà de cette vie mondaine qu’il semble avoir appréciée car il est passionné de musique et de littérature, Pierre Masse part tous les étés, avec son confrère Louis Helbronner, mort en 1914, pour de longues randonnées qui l’amènent au Tyrol ou encore en Italie qu’il découvre avec ravissement, en 1903. Dans le même temps, en 1905, notamment pour éviter une reprise du service militaire, Pierre Masse va faire un doctorat et écrira une thèse remarquée sur le droit moral des auteurs sur l’œuvre littéraire et artistique.
A cette époque, après de longues hésitations, pour faire plaisir à son père, il présente le concours de la Conférence une première fois en 1905, il échoue de justesse. Mais l’année suivante, à la seconde tentative, il sera désigné comme Premier Secrétaire qu’il qualifiait de «…… Bâtonnier au petit pied de la jeunesse… ». Son discours sur le défunt bâtonnier Oscar Falateuf fut remarqué, la presse même s’en fit l’écho.
Dans ses souvenirs de la Santé, Pierre Masse dit qu’il passa cette année dans l’enchantement de sa jeune notoriété. Il évoque avec tendresse les autres secrétaires dont certains furent des amis comme Robert Dubarle, futur député de l’Isère, tué en 1915 dans les Vosges. Il indique avoir gardé des relations affectueuses avec Alcide Delmont qui fut ministre et dont le fils fut son collaborateur. Ce succès marque le début de sa réussite professionnelle et politique. En effet, au sortir de la Conférence, à l’automne 1906 il se lance dans une campagne électorale pour représenter le canton de Lunas au Conseil Général de l’Hérault. Après avoir visité tous les villages et hameaux du canton, il est élu, en 1907, pour la première fois, Conseiller Général de l’Hérault. Il occupera cette fonction qui l’a passionnée jusqu’en 1941.
Au terme de ces 34 années de mandats, il pourra s’enorgueillir d’avoir contribué à rénover 100 km du réseau routier de ce canton, d’avoir apporté à chaque village et à chaque hameau, l’eau, l’électricité et même le téléphone. Dans ses souvenirs de la Santé, en juin 1942, il dira que de tous les mandats exercés, c’est celui de Conseiller Général qui lui a le plus tenu à cœur et qui lui a également apporté le plus de satisfaction.
C’est aussi au sortir de la Conférence que travaillant aux côtés d’Émile Straus, il va peu à peu être reconnu comme un fin civiliste très apprécié par une clientèle huppée d’artistes et d’auteurs. Son engagement professionnel sera régulièrement mis en parenthèse pour être présent non seulement dans son canton mais également au Conseil Général où, après quelques années, il décida de s’investir plus encore en se présentant aux élections législatives du printemps 1914. C’est ainsi que sous l’étiquette Républicain de Gauche, il se présente contre le candidat du Parti Socialiste ; la campagne fut très difficile et virulente car il devait faire face à une véritable hostilité, les facteurs jetant par les fenêtres des wagons postaux sa propagande électorale. Cependant, contre toute attente, il reçut le soutien de l’électorat catholique, le journal la Croix donnant des instructions de vote en sa faveur. Le jour même de l’élection, il est séquestré dans les locaux de la mairie de Paulhan par des électeurs de son adversaire. Mais rien n’empêche son élection comme député de l’Hérault, le 26 avril 1914. Quelques semaines après cette élection et son entrée à la chambre le 3 août 1914, la guerre avec l’Allemagne est déclarée. En qualité de député, il aurait pu se tenir à l’écart des combats. Il n’en est rien : dès le jour de la déclaration de guerre, il rejoint le 23e régiment d’infanterie territoriale.
Ne demandant aucun privilège, Pierre Masse participe aux durs combats d’août et de septembre 14. C’est ainsi que, le 3 novembre, il était cité à l’Ordre du régiment pour avoir « dirigé avec beaucoup d’énergie et de sang-froid une patrouille qui s’est portée à 400 m en avant des tranchées, malgré une nuit très claire et un terrain très difficile dans lequel une embuscade ennemie pouvait être facilement préparée. A pu de ce fait donner des renseignements précis sur les positions ennemies ». En fait, comme il apparaît à la lecture de la citation à l’Ordre de la division du 31 août 1919, le 27 septembre 1914, il s’était porté au-devant des lignes occupées par sa section pour secourir un blessé, le charger sur son dos et le ramener dans les lignes, sauvant ainsi la vie de son compagnon d’armes.
En décembre 1914, il est promu lieutenant de réserve à titre temporaire, puis capitaine de réserve, en juin 1915. À ce moment-là, Pierre Masse est depuis quelques mois de retour au Parlement où il va s’attacher à la mise en œuvre de mesures sociales envers les familles des soldats. Plus particulièrement, il fera voter le bénéfice des allocations pour les veuves et les orphelins qu’il soient enfants légitimes ou naturels en étendant à ces derniers le bénéfice du statut de pupilles de la nation. Il soutiendra les mesures de secours pour les réformés puis il étudiera toutes les aides pouvant être accordées aux victimes de guerre. Durant toute cette période, il a une activité parlementaire multiple puisqu’il va être à la fois rapporteur sur un projet de loi relatif à la réglementation de l’ouverture de nouveaux débits de boissons, mais il participera également à la rédaction d’une proposition de loi sur le recrutement d’une armée indigène afin d’enrôler de nouvelles recrues pour faire face aux pertes immenses des premiers mois de la guerre.
Dans le cadre de sa participation aux commissions parlementaires, dès janvier 1915 il dépose un rapport pour que les pensions et les indemnisations fassent l’objet d’un règlement rapide. De même, en juin 1917 il est rapporteur d’une proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en gage des titres de pensions militaires. L’étude de son travail parlementaire démontre que Pierre Masse s’est totalement impliqué dans toutes les mesures de soutiens financiers tant pour les familles des soldats au front que pour ces derniers lorsque réformés ils revenaient à la vie civile irrémédiablement marqués par leurs blessures tant physiques que psychiques.
Il est vrai qu’il avait éprouvé dans sa famille la douleur de la perte d’un être cher : son frère puîné Georges, aspirant dans la première compagnie du 36e régiment d’infanterie, est tué le 12 avril 1916 devant Douaumont. Comme il le rappellera bien plus tard dans d’autres circonstances, ce benjamin de la fratrie fut décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre avec lesquelles il sera enterré.
L’année 1917 sera déterminante à plus d’un titre. En effet, le 27 septembre, Pierre, âgé de 37 ans, épouse Marie Arrault. Il est probable que cette décision ne reçut pas l’assentiment familial car non seulement Marie Arrault n’était pas juive mais de surcroît elle avait deux enfants, Jacques et Marie-Thérèse, qui furent légitimés par mariage. Pour l’époque, dans le milieu social dans lequel évoluait Pierre Masse, il fallait autant d’amour que de courage pour épouser une femme d'une autre religion qui avait, de surcroît, des enfants naturels, fussent-ils les vôtres.
Le printemps et l’été 1917 sont marqués par une situation économique délicate avec une inflation galopante et surtout des mutineries qui engendraient une tension sociale et politique entraînant la chute successive des gouvernements ; c’est ainsi que le Président Poincaré, en septembre 1917, demande à Paul Painlevé de constituer un gouvernement qui fut formé le 12 septembre. À cette occasion est créé, pour la première fois, un sous-secrétariat d’État à la justice militaire qui échoit à Pierre Masse. La tâche confiée à Pierre Masse était aussi essentielle qu’ardue car il lui appartenait d’insuffler aux juridictions militaires, une politique de fermeté mais aussi d’apaisement au sortir la période traumatisante des mutineries. Il prit donc le parti de donner des instructions pour qu’il y ait une répression sévère des mouvements collectifs de mutineries mais que les décisions individuelles soient empreintes de clémence et d'humanité. Son passage dans ce sous-secrétariat d'état fut aussi remarqué parce qu’en octobre 1917, il intervient dans l'affaire de Mata Hari qui avait été condamnée à mort en juillet 1917. Elle avait en effet sollicité la grâce du Président de la République qui demanda, avant de se décider, une note au terme de laquelle Pierre Masse conclut au rejet du recours en grâce.
Compte tenu du contexte, Pierre Masse eut également à se prononcer sur les lois d'amnistie et plus particulièrement sur le vote d'une amnistie générale à l'endroit des mutins à laquelle il s'opposa. Pour Pierre Masse il ne pouvait y avoir un droit de grâce automatique. En revanche, il s'attacha à la modernisation des structures judiciaires militaires notamment en demandant que les défenseurs choisis par les inculpés soient prévenus à temps et puissent avoir les moyens nécessaires pour rencontrer les prévenus et assurer une défense de qualité. Cette expérience ministérielle fut cependant de courte durée puisque le gouvernement Painlevé est tombé le 13 novembre 1917, son successeur Clémenceau n'a pas souhaité le maintenir à son poste et lui préféra son directeur de cabinet Jean Labbé qui était avocat au Conseil d’Etat. Pierre Masse redevient en novembre 1917 et ce jusqu'au terme de la législature un simple député qui, à nouveau, se saisit du problème des pensions militaires en suggérant notamment l'instauration de barème d'indemnisation.
Après l'armistice, en 1919, il s'intéresse à l'amélioration de la justice au quotidien. En qualité de praticien du droit, il constate que la guerre a emporté nombre de magistrats et de greffiers et qu'il est ainsi nécessaire de recruter des fonctionnaires pour permettre que le service de la justice au quotidien continue de façon satisfaisante. Pour ce faire il préconise une simplification du processus de sélection des magistrats en remplaçant les 10 ans d'expérience dans le monde judiciaire par un stage de 2 ans dans un cabinet d'avocat.
Son mandat de député prend fin en novembre 1919 car il ne reçut aucune investiture lui permettant de se représenter. Il était temps pour lui de revenir pleinement à sa vie d'avocat ce qu'il fit avec succès.
Au sortir de la guerre, le cabinet de Pierre Masse connaîtra un grand développement puisqu'il aura une douzaine de collaborateurs dont Pierre Cot. Il convient de préciser qu’à l'époque, tous les collaborateurs n'étaient pas rassemblés dans les mêmes locaux, ils avaient chacun leur « jour » où ils venaient prendre les dossiers que leur patron souhaitait leur confier et retournaient chez eux pour traiter le dossier confié et développer, à leur domicile où se trouvait également leur cabinet, une clientèle personnelle.
Dans les années 1920, son cabinet comptait parmi les plus réputés de Paris. Reconnu comme un fin civiliste, spécialisé dans la propriété littéraire, ayant par ailleurs une vie mondaine très active, il conseille et défend de nombreux artistes et hommes de lettres comme Sacha Guitry, Tristan Bernard ou Henri Bernstein. Sa notoriété était telle qu'il comptait également dans sa clientèle Citroën ou la MGM ou encore des études d’agents de change. Il se raconte qu’il fut également l’avocat de Philippe Pétain lorsque ce dernier subissait les conséquences d’une vie sentimentale parfois débridée.
C’est dans les années 20 que Pierre Masse décide de s'investir dans la vie ordinale puisqu'il se présente une première fois en 1924 aux élections du Conseil de l'ordre. Il est élu pour la première fois le 12 mars 1925, en remplacement d’Edgar Demange qui avait été l'avocat d’Alfred Dreyfus. Il est réélu une 2e fois le 1er juillet 1926 pour l'année judiciaire 1926- 1927 puis, une dernière fois, en 1927. Il faut rappeler qu’à cette époque si l'on pouvait être membre du Conseil de l'Ordre pendant 3 ans, il fallait chaque année se soumettre au suffrage de ses confrères.
En 1933, Pierre Masse décide de présenter sa candidature, à l'époque on disait : « laisser compter les voix sur son nom » au Bâtonnat. Il a en effet toutes les qualités requises pour accéder à cette fonction, il est ancien premier secrétaire de la conférence, docteur en droit, il a un cabinet qui a acquis une belle notoriété, est ancien combattant, ancien député, conseiller général. Il a une vie mondaine et culturelle riche d'amis célèbres et puissants. Il a cependant deux défauts, il est israélite et fortuné. C'est en effet sur ces deux thèmes que sera menée une campagne sournoise et envieuse empreinte d'un antisémitisme aussi incontestable qu’efficace. Le 29 juin 1933, à l'issue du premier tour de scrutin, Pierre Masse arrive en tête suivi de William Thorp qui sera élu Bâtonnier au 3e tour de scrutin avec 14 voix de majorité.
S'il apparaît clairement que la campagne antisémite menée contre Pierre Masse a été efficace, il n'en reste pas moins que la faible majorité de William Thorp démontre que malgré les insinuations et les jalousies, un grand nombre d’avocats reconnaissait en lui les qualités d'un bâtonnier. Pierre Masse ne se représenta pas et l'on sait par son fils Jacques que cette défaite et les circonstances de cette dernière l'ont profondément blessé.
Durant les années qui suivirent, Pierre Masse continue, avec succès, son chemin professionnel mais le goût du politique ne l’avait pas quitté. Toujours Conseiller Général, Pierre Masse décide de se présenter aux élections sénatoriales pour l’Hérault dont le sénateur sortant, son adversaire à la députation en 1914, vient de décéder. Ces élections ont lieu dans un climat apaisé et consensuel car chacun, dont le préfet, s’accorde à reconnaître son autorité, son expérience, ses compétences et la sympathie qu’il génère. Il fallut quand même deux tours pour qu’il soit élu le 9 octobre 1938 sénateur de l’Hérault. Sans conteste cette élection couronne une longue carrière politique débutée 31 ans auparavant, en 1907. Mais il semblerait qu’il souhaite aller plus loin encore puisqu’il aurait confié à ses proches qu’il avait son désir de devenir Président du Sénat. Il n’en a pas eu le temps car comme il indique dans ses souvenirs de la Santé : «… sénateur à la veille de celle de 1940, les événements ne m’ont pas permis de jouer le rôle auquel des circonstances normales m’auraient peut-être permis de prétendre… ». Effectivement, 11 mois plus tard, en septembre 1939, commence la seconde guerre mondiale qui, de fait, ralentit, avant de les suspendre, les travaux du Sénat.
Les six semaines de la campagne de France, en mai et juin 40, furent cruelles puisque, dès le 17 mai, son gendre Pierre May, âgé de 27 ans, est tué et que son fils Jacques, blessé, est fait prisonnier.
Quelques semaines plus tard, le 10 juillet, il est convoqué, en sa qualité de sénateur, à Vichy pour siéger au sein de l’Assemblée Nationale, investi en vertu de la Constitution de 1875, des pouvoirs constituants. Cette convocation n’avait pas pour objet de réviser la constitution mais de supprimer purement et simplement la République pour confier les pleins pouvoirs à Philippe Pétain. Sur les 932 parlementaires pouvant participer au vote soit 618 députés et 314 des sénateurs, seuls étaient présents à Vichy 850 élus. Par un vote massif de 569 parlementaires, la totalité des pouvoirs furent confiés à Philippe Pétain, si 17 parlementaires se sont abstenus, seuls 80 dont Léon Blum votèrent contre cette mesure.
Pierre Masse ne fut pas des 80 qui s’opposèrent à cet abandon des pouvoirs à Philippe Pétain. S’il n’est pas monté à la tribune pour expliquer son vote, on sait néanmoins qu’avant cette séance, il essaya d’obtenir de Pierre Laval des garanties sur le respect des libertés individuelles. On connaît la réponse brutale de son confrère : «… si vous entendez par libertés individuelles, le droit pour tous les métèques, les étrangers (…), je préciserai, par exemple, que personne ne pourra être député s’il n’est pas français depuis plusieurs générations. C’est notre manière à nous, je vous ai bien compris n’est-ce pas, de faire de la politique raciale »
Le vote de Pierre Masse faisant fi de la République et octroyant les pleins pouvoirs à Philippe Pétain interpelle voire plus, mais c’est toujours une erreur de porter un jugement lorsqu’on connaît la fin de l’histoire sans prendre en considération la complexité de cette époque. C’est oublier qu’en six semaines la « première armée du monde » s’est effondrée, que l’exode a jeté sur les routes une grande partie des Français, que l’armistice a consacré l’occupation de plus de la moitié du pays, qu’un million et demi d’hommes ont été faits prisonniers, que les Allemands se tiennent à 80 km, que c’était, au sens propre du terme, la Débâcle. Mais c’est aussi oublier l’aura de Philippe Pétain, parce que ce dernier était le vainqueur de Verdun, parce qu’il ne s’était pas compromis dans les scandales successifs de la IIIe République et qu’enfin, à titre personnel, Pierre Masse le connaissait bien notamment pour avoir œuvré à ses côtés alors qu’il était sous-secrétaire d’État pour mettre un terme, dans une forme d’apaisement, aux mutineries de 1917.
Quelques semaines plus tard, pour se conformer aux exigences du 1er article de la loi du 10 septembre 1940, interdisant l’exercice de la profession d’avocat à quiconque ne possédant pas la nationalité française à titre originaire comme étant né d’un père français, sans réserve, il communique au bâtonnier Charpentier sa généalogie pour attester de l’ancienneté de son appartenance française dans les termes suivants :
« Mon cher ami
Voici ma généalogie. En vue d’exigences futures, je l’ai faite à quatre générations. Je n’ai pas cru nécessaire d’aller au-delà du 18e siècle…
Masse (Léon), soldat de Napoléon Ier, médaillé de Sainte-Hélène, arrière-grand-père
Masse (David) avocat au barreau de Strasbourg, bâtonnier (1870), puis avocat à la cour de Paris, grand-père
Masse (Charles Édouard) président de chambre honoraire à la Cour de Besançon, ancien secrétaire de la conférence de Paris, père
Masse Pierre = moi-même
Veux-tu considérer ce travail comme valable pour Masse Jacques, lieutenant de chasseurs alpins, blessé prisonnier, qui ne peut répondre.
Bien cordialement à toi
P. Masse »
En revanche, c’est avec vigueur et tristesse qu’il s’élève contre la loi du 3 octobre 1940, promulguant l’ensemble des interdictions et restrictions frappant les juifs au rang desquels, notamment, le droit d’être officier dans l’armée française même pour ceux qui en avaient la nationalité depuis des générations. C’est à cette occasion qu’il adresse le 20 octobre 1940, un courrier à Philippe Pétain, dans les termes suivants :
« Monsieur le Maréchal,
J’ai lu le décret qui déclare que les Israélites ne peuvent plus être officiers, même ceux d’ascendance strictement française.
Je vous serais obligé de me faire dire si je dois aller retirer leurs galons à mon frère, sous-lieutenant au 36e régiment d’Infanterie, tué à Douaumont en avril 1916 ; à mon gendre, sous-lieutenant au 14e régiment de Dragons portés, tué en Belgique en mai 1940 ; à mon neveu Jean-Pierre Masse, lieutenant au 23e Colonial, tué à Rethel en mai 1940.
Puis-je laisser à mon frère la Médaille militaire gagnée à Neuville Saint-Vaast, avec laquelle je l’ai enseveli ?
Mon fils Jacques, sous-lieutenant au 62e bataillon de Chasseurs alpins, blessé à Soupir en juin 1940, peut-il conserver son galon ?
Suis-je assuré qu’on ne retirera pas rétroactivement la Médaille de Sainte-Hélène à mon arrière-grand-père ?
Je tiens à me conformer aux lois de mon pays, même quand elles sont dictées par l’envahisseur.
Veuillez agréer, Monsieur le Maréchal, les assurances de mon profond respect.
Pierre Masse »
Il demande que ce courrier soit publié mais Philippe Pétain n’y répondit jamais.
Si le statut du 3 octobre 1940 interdisait aux Juifs l’accès à nombre de professions au rang desquels l’enseignement, les fonctions judiciaires, la fonction publique etc., il n’en était pas encore de même pour les professions libérales à cette restriction près qu’il était prévu que des règlements d’administration publique pouvaient en limiter la portée dans une proportion déterminée. Le numerus clausus s’annonçait.
En février 1941, alors qu’une circulaire qui lui avait été adressée en sa qualité de Sénateur, -le Sénat n’avait pas été supprimé mais simplement mis en sommeil-, lui demande de faire connaître ses origines, il répond, pour la première fois, avec indignation, par un courrier qu’il demande au Président du Sénat de conserver dans les archives dans les termes suivants :
« Monsieur le Maréchal,
J’ai reçu, sous le couvert de Monsieur le Président du Sénat, la circulaire par laquelle vous me demandez de faire connaître si je suis de famille juive.
Mon premier mouvement a été de ne pas faire réponse : il n’y a pas de juifs au Sénat. Ne font partie de cette assemblée que des citoyens français, quel que soit leur religion, élus par un collège électoral français, conformément à une Constitution qui n’a pas été abrogée sur ce point.
J’ai décidé cependant de répondre, par déférence pour le Gouvernement dont vous êtes le chef.
Mes deux grands pères étaient de religion israélite. L’un, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Strasbourg en 1870, a tout abandonné propriétés familiales et situation pour rester français ; l’autre a été, il y a un siècle, maire de la Commune de l’Hérault que je représente depuis 34 ans au Conseil Général. Leurs femmes appartenaient à la même religion.
J’élève contre la loi du 3 octobre 1940 la protestation la plus formelle.
D’ascendance strictement française dans toutes les branches et aussi loin que je puis remonter, officier d’Infanterie, titulaire de citations qui ont toutes été gagnées en avant des lignes françaises, ancien chef de la Justice Militaire à une époque où les gens de la 5ème colonne étaient envoyés aux fossés de Vincennes, ayant parmi mes parents les plus proches quatre officiers tués à l’ennemi, membre du Conseil de mon Ordre, régulièrement élu Sénateur part mes compatriotes de l’Hérault, je n’accepte pas d’être traité en Français de la 2ème catégorie. Croyez que je regrette, m’adressant à vous, d’avoir à m’exprimer avec cette fermeté. Je n’oublie pas la déférence que je vous dois, ni que j’ai eu l’honneur de siéger avec vous au Comité de Guerre en 1917.
Veuillez agréer, Monsieur le Maréchal, l’assurance de mes respectueuses considérations.
Pierre Masse »
En mars 1941, Pierre Masse signe avec 16 intellectuels dont Robert Debré, Léon Lyon-Caen, Edmond Bloch, René Fould, Louis Halphen un courrier visionnaire adressé à Philippe Pétain qui se terminait ainsi :
«… Français, n’ont pas d’adoption, mais de toujours, Français, non pas du bout des lèvres, mais de tout leur cœur et de toute leur ardente de conviction, la grande majorité des israélites de France dont nous sommes certains d’exprimer les sentiments, vous demande avec confiance de ne pas laisser s’accomplir le geste annoncé, de sauver une fois encore l’unité française… » Nous savons qu’il n’en fit rien.
Dans le même temps, avec un courage réel, Pierre Masse continue d’exercer sa profession d’avocat, en effet, ne serait-ce qu’au regard de son statut d’ancien combattant, il n’était pas concerné par l’interdiction d’exercer qui devait frapper plus de 250 avocats juifs du Barreau de Paris. C’est ainsi que durant cette période, il accepte d’assister l’auteur dramatique Henri Bernstein et obtient, au terme d’une plaidoirie sans concession, la condamnation pour diffamation d’Alain Laubreaux, critique théâtral du journal collaborationniste « Je suis partout ».
Quelques mois plus tard, nonobstant sa qualité d’ancien combattant, de Sénateur, Pierre Masse, sur ordre des Allemands est arrêté le 22 août 1941 en compagnie d’autres avocats, tous juifs notamment Théodore Valensi, Edmond Bloch, Gaston Crémieux, François Lyon-Caen, etc. La presse collaborationniste se fait l’écho de ces arrestations de « juifs millionnaires » qui furent dirigés vers le camp de Drancy dont ils firent « l’ouverture ». En effet, rien n’avait été préparé pour recevoir ces premiers internés qui découvrirent des bâtiments inachevés, ouverts à tous les vents où les conditions de vie étaient déjà déplorables tant sur le plan sanitaire qu’alimentaire ; dans ses souvenirs de la Santé, Pierre Masse évoquera pudiquement le froid et la faim. En fait, ils étaient humiliés, affamés et affaiblis.
Tous les témoignages concordent pour dire que compte tenu de son prestige et de sa dignité, Pierre Masse prit en main, avec autorité, l’organisation de la vie quotidienne dans les chambrées. Il s’est attaché à mettre en place des structures de gestion par les internés pour l’aménagement de leur quotidien. Il créée ainsi des services tels que le bureau militaire, l’infirmerie ou même des services juridiques, plaçant à leur tête des avocats qui servaient, dans ce chaos, de référents aux autres internés. Arrivé le 23 août 1941 à Drancy il devait en partir le 14 décembre 1941 dans des circonstances pour le moins cruelles. En effet, alors qu’il devait être envoyé, avec 50 autres internés, au camp de Compiègne-Royallieu, les Allemands firent croire à huit d’entre eux dont Albert Ulmo, Paul Léon et Pierre Masse qu’ils allaient être fusillés comme otages. C’est à cette occasion, pensant qu’il allait mourir le lendemain, qu’il écrivit deux lettres, la 1ère, très connue, adressée au bâtonnier Charpentier :
« Monsieur le Bâtonnier,
Je suis appelé. Je vais probablement mourir. Je suis venu ici comme avocat. Je mourrai, j’espère dignement, pour ma Patrie, ma Foi et mon Ordre.
Dites à mes confrères que je les remercie des honneurs qui ont accompagné ma vie professionnelle. J’en emporte une juste fierté.
Je vous recommande mon fils.
Je finirai en soldat de la France et du Droit que j’ai toujours été.
Bien vôtre en toute amitié et en déférent respect.
Pierre Masse »
Il en écrivit aussi une seconde à son épouse, Marie, extrêmement émouvante car elle révèle la part intime de cet homme, dont on a une image figée par une dignité marmoréenne qu’il a su garder en toute circonstance :
« Ma femme chérie,
Je pars probablement pour toujours. Je t’aime et je te remercie du plus profond de moi. Je bénis mes enfants que j’adore. Je te recommande à eux. J’ai fait mon devoir. Je paie mon attachement à la France. Je ne regrette qu’elle et vous. Ne pleure pas trop. Je mourrai en soldat. Embrasse maman et les nôtres.
Je t’adore. Si j’ai des petits enfants, tu les embrasseras pour moi… Jacques, Marie-Thérèse, Philippe, je vous aimais profondément, mes petits. Portez bien mon nom que je vous transmets intact.
Au revoir, ma Marie que j’aime, en ce dernier moment, comme jamais.
Pierre »
En réalité, comme ses compagnons d’infortune, Pierre Masse fut emmené à Compiègne où étaient déjà internées les victimes des rafles intervenues à Paris les 14 et 15 décembre 1941. Dans le camp de Compiègne Royallieu, Pierre retrouve son frère Roger, polytechnicien, ingénieur, un temps prisonnier de guerre puis libéré en sa qualité d’ancien combattant de la guerre de 14-18 ; il avait été arrêté lors de la « rafle des notables » de décembre 1941. Pierre et son frère occupent l’une des deux seules chambres, l’autre ayant été attribuée à René Blum, le frère de Léon. On dit que ces deux chambres étaient en fait des lieux de réunion où les autres internés venaient chercher du réconfort, des renseignements voire des conseils juridiques.
Le camp de Compiègne Royallieu était totalement sous administration allemande. Les internés maltraités, mal-logés avaient froid et faim, avec pour toute nourriture solide 250 g de pain et 25 g de margarine par jour, ils dépérissaient rapidement ; le fils de Tristan Bernard, interné également, a défini ce lieu comme étant « le camp de la mort lente ». Si les conditions sanitaires étaient désastreuses, les internés mettaient tout en œuvre pour maintenir une vie intellectuelle, ils avaient créé une chorale sous la direction de Maurice Franck, il y avait régulièrement des conférences de haute tenue sur des sujets variés comme « la Danse » dispensée par René Blum ou encore « 1830 » donnée par Jacques Ancel etc. Pierre Masse, quant à lui, met en place un « tribunal juif » composé de neuf avocats pour juger des délits commis par des internés accusés notamment de vol de produits alimentaires ou de détournement de colis ou de linge. Son séjour à Compiègne pris fin le 19 mars 1942 date à laquelle il fut renvoyé pour une deuxième fois à Drancy.
Le départ de Compiègne se déroule dans des conditions humiliantes voire dramatiques, Pierre est enchaîné à son frère, les témoins d’alors dirent que pour la première fois ils le virent flancher.
Conscient de la gravité de la situation, ses proches, un certain nombre de confrères et même le Gouvernement de Vichy tentèrent de le faire libérer. C’est ainsi qu’à plusieurs reprises sa femme, Marie, qui n’était pas juive, s’adresse au Commandant du service Central d’administration du Grand Paris pour demander sa libération, elle escomptait peut-être le faire bénéficier du statut plus protecteur des époux d’aryens. Cette démarche n’eut pas de suite.
Le Directeur du cabinet du Maréchal Du Moulin de Labarthète demande aux autorités allemandes, en mars 1942, au nom du Maréchal, la libération de Pierre Masse. Si nous n’avons plus cette lettre, cette démarche est néanmoins attestée par les services de l’ambassadeur d’Allemagne en France qui, stupéfait de cette demande écrivait : «… on doit dire qu’il est certainement le pire et le plus dangereux juif qui se trouve actuellement dans les camps d’internement, et que seul son âge lui épargnait de n’avoir pas été déporté vers l’est depuis quelques jours ». Cette démarche n’eut pas plus de suite que la précédente.
La dernière tentative, celle qui a failli réussir, c’est son avocat, Maurice Ribet qui en eut l’idée. Il fit déposer une plainte pour abus de blanc-seing dans le cadre d’un dossier qu’il avait monté de toutes pièces afin que Pierre Masse soit soustrait de Drancy. Interné à la prison de la Santé durant une instruction qui, si les complicités avaient été partagées, aurait abouti à la condamnation pénale de Pierre, ce dernier aurait dès lors été interné comme droit commun. Mais pour que ce stratagème réussisse il eut fallu que le Procureur de la République, Maurice Gabolde, accepte d’ouvrir une instruction. Malheureusement, Maurice Gabolde qui était aussi furieusement antisémite que passionnément collaborationniste au point de s’enfuir à Sigmaringen avant d’être condamné à mort par contumace, refuse de sauver la vie du juif Masse. Le 16 septembre 1942, Pierre Masse qui durant les six mois passés à la Santé avaient pu commencer à rédiger ses mémoires, fut reconduit à Drancy. Il ne devait pas y rester très longtemps. En effet, bien que n’étant pas «déportable»-à cette période la déportation des conjoints d’aryen était suspendue- le 30 septembre 1942, sur l’initiative conjointe du commandant Rothke et de l’aspirant Ernest Heinrichsohn, il est appelé pour compléter, alors qu’il ne figurait pas sur la liste des déportés, le convoi numéro 39 dont les Allemands avaient estimé que le contingent d’hommes était insuffisant.
Le 30 septembre 1942 à 8h55, Pierre Masse prend place dans ce convoi qui allait acheminer vers Auschwitz 210 malheureux. On ne sait si Pierre Masse mourut au cours du transport ou s’il fut gazé à l’arrivée, le 2 octobre 1942. Il est cependant une certitude : il ne fit pas partie des 34 hommes sélectionnés pour entrer dans le camp. En tout état de cause, en 1945, il ne restait aucun survivant de ce convoi.
Au-delà de la disparition de Pierre Masse, ce conflit fut dévastateur pour toute sa famille. En effet, durant la campagne de France en 1940, ont été tués son neveu Jean-Pierre Masse, son gendre Pierre May, furent assassinés à Auschwitz, en 1942 son frère Roger Masse, en 1943 son neveu François Lyon-Caen dont les deux frères Charles et Georges furent tués, en août 1944, dans les combats la Libération et ses neveux Etienne et Michel Akar, résistants, furent déportés à ce titre.
Sa femme Marie dont il disait, dans ses souvenirs de la Santé, avec fierté et amour qu’« elle était distinguée sans en avoir l’air » lui survécut pendant 27 ans. Son fils Jacques, Secrétaire de la Conférence et Membre du Conseil de l’Ordre, reprit, un temps, le flambeau au Conseil General de l’Hérault. Sa fille Marie-Thérèse ne s’est jamais remariée et son fils Philippe se dédia à la médecine.
Ses confrères, dès 1946, lui rendirent un vibrant hommage, le bâtonnier Poignard dans un discours, exprimait, d’une certaine façon, des regrets sur le vote du barreau en 1933, car il indiquait :
« … Il avait honoré notre Conseil de l’Ordre et un grand nombre d’entre nous lui reconnaissaient toutes les qualités qu’on peut attendre d’un Bâtonnier : dans cette charge, il n’aurait manqué ni d’autorité ni de largeur de vues… »
Jusqu’à ce jour, au-delà de l’avenue qui porte son nom à Paris, au sein du Barreau de Paris, il est un symbole et il n’est pas rare que, lors des prestations de serment, on lise aux jeunes confrères entrant dans la profession, le courrier que Pierre Masse a adressé, en décembre 1941, à son bâtonnier. Cette lecture qui se perpétue plus de quatre-vingts ans après la mort de Pierre Masse, est hommage aussi rare que mérité.
Marie-Alice Jourde.
Ordre du régiment le 3 novembre 1914 pour avoir « dirigé avec beaucoup d’énergie et de sang-froid une patrouille qui s’est portée à 400 mètres en avant des tranchées, malgré une nuit très claire et un terrain très difficile dans lequel une embuscade ennemie pouvait être très facilement préparée. A pu de ce fait donner des renseignements précis sur les positions ennemies ».
Ordre de la division n°1408 du 31 août 1919 : « Appartenant de par sa classe à une unité territoriale, a été sur sa demande affecté à un régiment actif et envoyé au front avant son tour dès le début de septembre 1914. S’est porté spontanément le 27 septembre 1914 en avant des lignes occupées par sa section pour secourir un blessé français. Malgré la vive fusillade a pu recueillir le blessé, le charger sur son dos et le ramener dans nos lignes, le sauvant ainsi d’une mort certaine ».
Croix de guerre 1914-1918
Chevalier de la Légion d’honneur, 9 juillet 1915.
Officier de la Légion d’honneur, 2 janvier 1935.
Dossier administratif de Pierre Masse.
Lettre de Pierre Masse au bâtonnier, 14 décembre 1941.
Hommage à Pierre Masse, livret de présentation, 19 mai 2009.
Maurice Ribet, Marcel Poignard, Marcel Roger et Marcel Héraud, Pierre Masse, Paris, Calmann-Lévy, 1947.
Discours du Bâtonnier Poignard à la Mémoire des avocats à la Cour de Paris morts pour la France (1939-1945), 11 juillet 1946, Paris, Imprimerie du Palais, 1946.
Mario Stasi, Éloge de Pierre Masse, discours prononcé à la rentrée de la conférence du stage des avocats à la cour d'appel de Paris, 30 novembre 1963, Paris, Imprimerie du Palais.
Musée du Barreau de Paris, Cindy Geraci : Pierre Masse, combattant 1914-1918.
Base Léonore :
Mémorial de la Shoah :
Archives familiales :
• Annette Lyon-Caen, Pierre Masse : l’avocat et l’homme politique (1879-1942), mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paris I Panthéon Sorbonne, 1997.
• Souvenirs de Pierre Masse, juin 1942.
Bibliographie :
Robert Badinter, Un antisémitisme ordinaire, Vichy et les avocats juifs, 1940-1944, Fayard, 1997.
Robert Badinter, « Mort d’un israélite français, hommage à Maître Pierre Masse », Le Débat, n°158, 2010.
Jean Jacques Bernard, Le camp de la mort lente, Editions Arc-en-ciel, 1945.
Yves Jouffa, « La bonne mémoire de Drancy », Hommes & Libertés n°183, septembre 2018.
Anne Sinclair, La rafle des notables, Grasset, 2020.