Personnage atypique que Kadmi Cohen. Sa vie pourrait faire l’objet d’un livre, d’un roman. Le journaliste de l’Ouest-Eclair du 7 septembre 1929 qui l’interviewe le décrit : « Petit, trapu, la parole facile, l’œil ardent ». Kadmi Cohen est un taureau, puissant et fonceur. Son parcours n’est fait que d’engagements forts, de luttes, de combats. Sa grande cause a été celle du sionisme et du nationalisme juif, mais il a également servi la profession d’avocat par des propositions avant-gardistes. Si l’homme semble fait d’une pièce, il n’est pas dénué de complexité et de contradictions.
Isaac Cohen- il ne s’appelle pas encore Kadmi- est né le 20 août 1892 à Lodz en Pologne, alors sous la domination de l’empire russe. La ville s’est développée autour de l’industrie textile et comprend une très importante population juive.
Ses parents sont Salomon Haïm Cohen et Esther Joséphine Mamlok, tels que leurs noms apparaissent sur les documents administratifs que Kadmi a produit ou rempli. Il a au moins un frère, Elie Eléazar, né le 1er décembre 1899 à Lodz, comme lui. Elie le rejoindra en France, sera ingénieur, résistant et décèdera bien après la 2ème guerre mondiale. Une sœur, Sophie, naitra au début du siècle. Sophie sera architecte en Palestine.
Kadmi, qui s’appelle encore Isaac, passe sa petite enfance à Lodz, mais ses parents sont imprégnés des idéaux sionistes – on dit qu’ils ont travaillé avec Theodor Herzl - et l’envoient à Tel Aviv étudier au lycée Herzliah (qui est à Jaffa). Le lycée Herzliah, dont le nom est inspiré par celui de Théodor Herzl, créé en 1905, a rapidement acquis une renommée pour la qualité de son enseignement et la publication des premiers livres scolaires en hébreu dans les domaines scientifiques.
Les parents d’Isaac souhaitent qu’il apprenne le français. Isaac est un admirateur de la Révolution française. Pour lui et sa famille, et comme de nombreux juifs à cette époque, la France est le pays de la Liberté, du respect des droits de l’Homme.
En 1910, il part étudier le droit à Lausanne.
Août 1914. Isaac est à Genève. Selon certaines sources, il y serait avocat, ce qui est improbable. Le mois qui suit la mobilisation en France, l’amoureux de la Révolution française se rend à Lyon et se présente dans un bureau de la Légion étrangère. Il veut combattre les puissances centrales qui incarnent, pour lui, les adversaires de la Révolution et de l’armée populaire de 1792.
Faut-il aimer la France pour venir s’engager à faire la guerre, à mettre sa vie en danger pour elle !
Isaac est déjà un idéaliste passionné. La France est un pays fantasmé où les Juifs sont des citoyens libres qui ne craignent pas les pogroms.
Concomitamment à son arrivée en France, Isaac devient Kadmi. Il substitue à son prénom Isaac celui de Kadmi qui serait dérivé de la mythologie grecque et signifie « excellence » ou « de province orientale ». Il se réfère peut-être aussi à Cadmos, le fondateur de la ville de Thèbes, qui apporta l’alphabet aux Grecs et reste comme un passeur de savoir entre l’Orient et la Grèce, donc symboliquement l’Occident.
Kadmi est enrôlé le 18 septembre et affecté au 1er régiment étranger qui fournit des troupes à d’autres régiments. Son registre matricule militaire indique qu’il incorpore le 27ème régiment d’infanterie. Il mentionne également l’adresse de ses parents qui sont encore à Lodz, 109 Piotrkowska. Les parents de Kadmi émigreront en Palestine après la guerre.
L’autorité militaire le décrit : brun, petit (1,57m), son visage est ovale, son nez « rectiligne » et ses yeux « verdâtres ». Kadmi apparait « marié à Melle Esther Bliaschka le 29 mai 1920 ». Vérification faite, c’est une erreur. Kadmi ne se mariera qu’en 1934.
Kadmi sort de la guerre avec un certificat de bonne conduite. Il est caporal depuis le 7 avril 1918.
Il reprend les études de droit qu’il avait, semble-t-il, entamées à Lausanne. Il obtient sa licence en droit le 4 mars 1920.
Cet engagement au service de la France lui permet de bénéficier des dispositions de la loi de naturalisation des volontaires étrangers. Il devient français par décret du 2 juin 1920.
Il dépose son dossier de demande d’admission au stage le 23 mars 1921. Celui-ci indique que Kadmi a prêté serment le 14 avril 1920, ce qui est surprenant. La prestation de serment s’inscrit dans le processus d’admission au tableau des avocats stagiaires et est concomitante au dépôt du dossier. La date est d’autant plus curieuse que Kadmi n’avait pas encore la nationalité française lors de ce serment. Rien dans le dossier de l’Ordre ne permet d’éclaircir ce mystère.
Kadmi travaille alors chez Maître J. Bernard, 22 rue de la Clef dans le 5ème arrondissement.
Son dossier contient une attestation d’Albert Wahl, professeur à la faculté de droit, qui écrit, le 21 avril 1921, sur le papier de la Revue Trimestrielle de droit civil, dont il a été l’un des fondateurs en 1902 :
« Monsieur Kadmi Cohen me demande de patroner (sic) auprès de lui sa candidature à l’inscription au stage. Je connais M. Cohen depuis quatre ans environ. J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt ses études de droit, qui ont été très sérieuses. Je puis vous assurer qu’il est d’une parfaite honorabilité et fourni un labeur considérable. J’estime qu’il est tout à fait digne d’obtenir l’inscription qu’il sollicite. Veuillez agréer …»
Lors de la séance du 26 avril 1921, son admission est actée avec effet au 21 mars.
En juin 1922, Kadmi soutient une thèse de doctorat en sciences politiques et économiques dont l’intitulé est Introduction à l’histoire des institutions sociales et politiques chez les Sémites. La thèse est publiée par l’éditeur Marcel Giard la même année.
Kadmi est stagiaire depuis un an. De quoi vit-il ? Les stagiaires ne sont pas rémunérés, les anciens considérant que la contrepartie de leur travail est la formation qu’ils leur donnent.
Outre que cette absence de rémunération génère une sélection sociale rigoureuse, elle choque par le fait qu’elle réduit les stagiaires à de la main-d’œuvre qualifiée corvéable à merci et qui, pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir des parents pour les entretenir, connaît des difficultés matérielles indignes de la profession d’avocat.
Comment le petit groupe qui va être à l’origine de la création de l’Union des Jeunes Avocats se constitue-t-il ? Il y a surtout des jeunes et des moins jeunes, comme Joseph Python, qui a 39 ans. Et Kadmi a « déjà » 30 ans.
Dans deux articles de la Vie Judiciaire des 10 et 20 février 1935, Kadmi raconte la genèse de l’association. En mars 1922, il est destinataire d’une invitation à participer à une réunion dont le thème est la réforme de la Conférence du stage. Kadmi n’est pas intéressé par le sujet. Il considère que la Conférence remplit bien son rôle. En revanche, il répond à l’organisateur qu’il a compris que « le sort des jeunes, des démobilisés, des fils de cette bourgeoisie ruinée par la guerre » le préoccupe et il lui propose une rencontre pour réfléchir. Une première réunion est organisée chez Kadmi. Sont présents « Edouard Tercinet, André Saudemont, Roger Mettetal, [Eugène] Sibon, Mademoiselle [Madeleine] Taupin et [Pierre]Genoux-Prachée ».
Le projet de créer une association qui défendrait les intérêts des jeunes avocats, avec l’objectif de leur obtenir un statut, de créer une solidarité entre eux et de favoriser leur intégration dans la profession est arrêté. Kadmi est chargé de rédiger les statuts. Ceux-ci seront adoptés dès la réunion suivante qui a encore lieu chez Kadmi.
« La grosse difficulté », écrit Kadmi, « qui longtemps nous avait paru insurmontable, résidait dans une sorte de cercle vicieux. Pour faire de la propagande et accroître le nombre de nos adhérents, il fallait que notre groupement fût autorisé par le Bâtonnier, mais pour nous présenter au Bâtonnier, il fallait tout de même que nous soyons un peu plus nombreux que nous l’étions. Cette autorisation du Chef de l’Ordre était d’ailleurs indispensable, comme on nous l’a clairement signifié au Secrétariat de la présidence, pour pouvoir tenir une réunion dans les locaux du Palais – car où les avocats peuvent-ils se réunir professionnellement sinon au Palais ? »
Le petit groupe a dû s’adresser au Secrétariat de la Présidence de la Cour d’appel pour avoir un local et le Secrétariat les a renvoyés vers l’Ordre.
Kadmi et Pierre Genoux-Prachée ont l’idée d’aller voir leur confrère Joseph Python pour lui demander son soutien. « Quand nous eûmes exposés à Python l’objet de notre association, il y adhéra avec cette simplicité et cette cordialité qui sont dans sa nature ». Un pas décisif est franchi avec cette adhésion. Python va conduire la délégation, à laquelle participe Kadmi, qui se présente devant le Bâtonnier Albert Salle pour obtenir son aval. L’entretien se déroule dans les meilleures conditions. Kadmi rend hommage à Albert Salle : « Son accueil fût plus que courtois : il fût cordial et plein de cette humaine compréhension qui est le propre de grands esprits et de grands cœurs. J’ai vu qu’il avait le plus vif souci des jeunes et portait à leur sort un intérêt certain et constant. Nous sommes sortis de son cabinet rassurés, réconfortés, encouragés ».
L’UJA est créée avec la bénédiction de l’Ordre qui lui concède même un local : un minuscule cagibi à l’entresol de l’escalier de la Buvette.
Le 22 décembre 1922, la salle d’audience des référés du Palais de justice de Paris se prête à la première assemblée de la nouvelle association. Les jeunes avocats sont présents pour assister à l’événement et marquer leur soutien aux confrères qui veulent défendre leurs intérêts. Ils sont également là pour rencontrer d’autres stagiaires et partager leurs préoccupations. Cette réunion est en soi extraordinaire, puisque pour la première fois, les jeunes avocats s’organisent et revendiquent une place qui leur était déniée jusqu’à ce jour.
Les statuts de l’association sont votés et un bureau élu. Joseph Python, le soutien tutélaire du projet, est président-fondateur, Édouard Tercenet occupe le poste de président. Le vice-président est Roger Mettetal. Kadmi Cohen, lui aussi membre fondateur, est secrétaire général. Il a décliné le poste de président malgré son rôle essentiel. Enfin, une femme, Mademoiselle Madeleine Taupain, gérera la trésorerie.
Déjà, l’Union des Jeunes Avocats est pragmatique et efficace : elle annonce qu’elle entend collaborer avec d’autres associations professionnelles existantes, notamment le Cercle d’Etudes Professionnelles du Barreau et l’Association Nationale des Avocats inscrits en France, ancêtre de l’actuelle CNA, la Confédération Nationale des Avocats. Lors de cette première séance, dont l’ordre du jour est déjà bien rempli, une commission est élue afin de formaliser les revendications des jeunes avocats.
Kadmi va se révéler un secrétaire général industrieux et efficace. Il organise, il propose, il réalise.
Quelques mois après la création de l’UJA, il expose un programme ambitieux et moderne pour la profession dans Les Echos Parisiens des 30 mai, 30 juin et 10 juillet 1923. S’engageant dans un débat qui agite la profession, il se prononce pour la création d’un examen d’aptitude à la profession d’avocat étendu à tous les barreaux susceptibles de donner des garanties aux justiciables. Autre proposition innovante : il suggère la création d’un « Institut Technique qui donnerait précisément cet enseignement pratique qui manque tant ». Il développe sur la nécessité de réorganiser le stage, de le rendre effectif, pratique et rémunéré. Et sur l’inutilité d’un examen de sortie de stage si les obligations qu’il décrit sont remplies. Ces propositions, précises et cohérentes, verront le jour … plusieurs décennies plus tard.
En 1925, il propose la création d’un « repas complet à prix fixé au buffet du Palais », qui facilitera « la tâche quotidienne des Magistrats et des Avocats dans l’intérêt même du justiciable ». Trois ans plus tard, il positionne l’UJA en faveur du « Panonceau », ancêtre de la plaque professionnelle, « d’un modèle réglementaire » et assorti du sceau de l’Ordre pour authentifier les vrais professionnels que sont les avocats.
Kadmi contribue à développer l’UJA, la rendre visible, utile. Les adhérents se multiplient. Tradition qui perdure aujourd’hui, le fameux dîner de l’UJA lors des élections au Conseil de l’Ordre prend ses marques. Maurice Garçon, candidat malheureux à l’élection de juin 1935, rapporte, dans son journal : « L’Union des Jeunes avocats donnait ce soir son dîner. Demain, on élit le Bâtonnier et jeudi je serai en ligne et concurrent. Un dîner où nous étions je ne sais combien de centaines, tous en habits, crevant de chaud, pleins de sueurs et de sarcasmes. Les jeunes ont réalisé ce prodige de forcer les vieux, chaque année, à venir banqueter pour chercher des suffrages. »
Kadmi Cohen est un politique au meilleur sens du terme. L’intérêt de la Cité prime. Il est visionnaire et constructif. Il mettra bientôt ces qualités au service du sionisme.
Lors de la séance du Conseil de l’Ordre du 23 février 1926, son admission au Tableau à la date du 23 mars est votée. Le rapporteur est Félix Liouville alors qu’il a demandé Monsieur Hild, membre du Conseil de l’Ordre, comme rapporteur.
Kadmi est alors domicilié professionnellement 30, Avenue de la Grande Armée.
A partir de 1928, Le Mercure de France lui ouvre régulièrement ses colonnes. Il y traite essentiellement du mouvement sioniste et de politique moyenne-orientale.
La fin des années 20 voit Kadmi Cohen orienter résolument son action vers le sionisme. Lui qui a revêtu l’uniforme de la Légion étrangère dès septembre 1914 pour défendre la France, qui y a fait ses études et s’est investi dans la profession d’avocat semble se détourner de sa patrie d’adoption. Un évènement particulier explique-t-il ce tournant ? La France, et donc les Français, l’ont-ils profondément déçu ?
Dorénavant, ses combats seront réservés à la lutte contre l’antisémitisme et en faveur du sionisme.
En 1929, Kadmi Cohen publie Nomades, essai sur l’âme juive. La préface est signée Anatole de Monzie. Pour Kadmi, le sémitisme est commun aux Juifs et aux Arabes. Aussi revendique-t-il une réflexion autant sur l'âme arabe que sur l'âme juive. Elles se confondent pour lui dans le « pansémitisme » qu'il érige en concept. Déjà, il semble conclure que les sémites, peuple nomade qui reste isolé au fil de ses implantations, ne peuvent s’assimiler et doivent préserver leur pureté ethnique comme l’ont toujours recommandé les textes fondateurs. C’est une reprise érudite, historique et philosophique, des thèses de Théodore Herzl. Le plus choquant, aujourd’hui, est l’utilisation systématique de la notion de race.
L’année 1929 voit également Kadmi s’engager dans un nouveau projet : le vote du parlement pour l’érection d’un monument. Au nom d’un Comité du Monument aux Volontaires Juifs morts pour la France, association dont il est le secrétaire général, il lance un appel à tous les parlementaires. « Les survivants de ces 10 000 volontaires juifs ont pensé que le rappel permanent d’un monument servirait à la fois d’enseignement de tolérance pour les uns – les Français de France –, et d’exemples de patriotisme agissant pour les autres – les victimes des conditions politiques différentes de l’Europe de l’Est. »
Le 7 septembre 1929, il accorde une interview à l’Ouest-Eclair, dans laquelle il expose les idées qu’il développera les années suivantes. Il déclare que les vrais responsables des troubles qui ensanglantent la Palestine sont, d’une part, la politique anglaise dans la région, et d’autre part, les chefs sionistes. Il ne fait que reprendre les arguments qu’il a développés dans ses articles. Cette prise de position lui vaut la haine de certains sionistes, qui l’accusent de trahison. S’il fustige l’Angleterre, qui mène une politique double empêchant en réalité l’immigration juive en Palestine et dont le but est de faire du pays un maillon de la chaîne destiné à défendre son empire des Indes, il dénonce la complicité de l’Organisation Sioniste Mondiale qui concourt à la politique anglaise. Il vise précisément le docteur Chaïm Weizmann, un pionnier du sionisme, proche de Theodor Herzl, né russe et ayant acquis la nationalité britannique, qui préside l’Organisation. Chaïm Weizmann est l’une des légendes du sionisme et sera le premier président de l’Etat d’Israël.
« Le chef de l’organisation sioniste, le Docteur Weizmann, élu par le plus grand nombre, s’appuyant sur les couches les moins cultivées, a été agréé par l’Angleterre comme le représentant unique, suprême, des intérêts d’Israël. Flatté par cette reconnaissance, M. Weizmann a donné son approbation à toutes les manifestations d’une politique qui visait clairement à rendre impossible à nos coreligionnaires la poursuite du but pour lequel ils étaient accourus, en si grand nombre, en Palestine ; tandis que, de l’autre côté, il a laissé les dirigeants des communautés juives – destinées à constituer notre « foyer » – se fourvoyer sur des chemins qui n’ont rien à voir avec notre idéal national, asservissant les juifs palestiniens à des groupes d’aventuriers et de spéculateurs qui ont contribué à la ruine de notre prestige en Terre sainte aux yeux des populations non juives. »
Kadmi n’a peur de rien. Il est convaincu de la pertinence de ses analyses. Ce n’est pas quelqu’un qui cherche les honneurs ou les postes. Il est avant tout un militant de la cause juive.
Pourtant, ChaÏm Weizmann l’a appelé à ses côtés pour le conseiller. Le développement du Foyer national juif en Palestine et la réaction des populations arabes en termes d’échauffourées et de leurs dirigeants sur le plan diplomatique montrent les lacunes de la politique sioniste envers les Arabes. Le président de l’Organisation Sioniste Mondiale ne peut manquer de s’adjoindre un avocat érudit et spécialiste de ces questions. Leur première collaboration dure peu. Kadmi y met fin en termes insultants. Quelques mois plus tard, la relation reprend. Combien de temps dure-t-elle ? Le désaccord est tel sur la politique à mener qu’elle ne peut être pérenne.
Début octobre 1930, le jour du Grand Pardon (aujourd’hui, on dirait Yom Kippour), Kadmi réunit des anciens combattants juifs pour déposer une gerbe au monument aux morts de la mairie du 3ème arrondissement. Kadmi a créé l’Association des anciens combattants engagés volontaires juifs 1914-1918. Il en est le président. A ce titre, il participe à de nombreuses commémorations. Son objectif est toujours le même : valoriser l’apport des juifs dans la société, et en particulier leur engagement pendant la Grande guerre. La trace qu’a laissé la guerre est encore profonde, les familles ont toutes été endeuillées et le culte des combattants reste fort. La cérémonie est perturbée par de jeunes manifestants antisémites. L’association, sous la plume de son président, envoie immédiatement un communiqué à la presse. L’Intransigeant du 19 octobre 1930 reprend intégralement le communiqué dans sa rubrique « Les anciens combattants » :
« L’association des anciens combattants engagés volontaires juifs, présidé par Monsieur Kadmi-Cohen, invité par M. le maire, vint donc cette année, comme les précédentes, déposer une gerbe de fleurs au pied du monument. Attendant leur tour de passer, les membres de la délégation, venus avec leurs drapeaux, demeuraient dans la cour de la mairie. À ce moment précis, un groupe de jeunes gens, armés de matraques et criant un journal antisémite, passèrent devant la mairie en proférant des cris hostiles aux juifs.
On imagine l’émotion qui s’est emparée du groupe des anciens combattants, presque tous grands mutilés de guerre, devant cette manifestation regrettable. À leurs protestations véhémentes répondit l’indignation de la foule. Les agents appréhendèrent en douceur les jeunes gens et les conduisirent au poste de police tout proche. Piteux et repentants, ils exprimèrent leurs regrets et leurs excuses ; sévèrement admonestés par le commissaire de police, les jeunes « antisémites » promirent de ne plus jamais recommencer et, sur l’intervention des anciens combattants juifs eux-mêmes, on les relâcha.
Pour qui se souvient de l’attitude de la foule parisienne en présence de manifestations pareilles, il y a 30 ans, le profond changement qui s’y est opéré depuis la guerre a apparu significatif. »
Le communiqué est révélateur de son inlassable travail pour faire bouger les mentalités et lutter contre l’antisémitisme.
Infatigablement, il publie. Beaucoup. Des articles et des livres. Il fait des communications à l’Académie des sciences morales et politiques sur la politique internationale de la France sous l’angle de la lutte d’influence contre l’empire britannique. Ses arrière-pensées sont claires.
En 1930, il donne L’Etat d’Israël aux Editions Kra. Il y développe ses thèses sur la nécessité de voir le sionisme s’imposer comme un facteur-maitre de la nouvelle question d’Orient posée devant l’Occident. Il insiste sur l’harmonisation indispensable entre la « mobilité juive » et la « somnolence des Arabes », leurs communes aspirations nationales devant réconcilier et réunir ces frères ennemis. Le pan sémitisme est une idée force de son ouvrage, abreuvé par une érudition hors du commun. Selon lui, les peuples sémites partagent des caractéristiques historiques, culturelles et religieuses communes qui légitiment une structure politique commune. Kadmi dresse les vastes frontières du futur Etat hébréo-arabe, rédige sa constitution et anticipe les objections. Comme dans la plupart de ses écrits, il manifeste son esprit visionnaire, original et audacieux.
La carte géographique du grand Etat qu’il a dessinée sera utilisée en 1941, dans l’exposition Le Juif et la France, pour illustrer « l’empire que convoitent les fils d’Israël ».
La même année, les Editions Flammarion publient L’Abomination américaine, essai politique dans lequel Kadmi Cohen dénonce le matérialisme des Etats-Unis
En 1932, il publie un nouveau livre, Esquisse d’un sionisme nouveau, dans lequel il analyse la crise du sionisme. L’épigraphe annonce le contenu : « Les idées reçues en 1897 ne suffisent plus en 1932 ». 1897, c’est l’année du premier congrès sioniste organisé par Herzl. Kadmi plaide pour la création d’un État juif au Proche-Orient, création favorisée par la France et l’Allemagne, qui permettrait de fixer les Anglais et les Russes dans la région, de limiter l’expansion et de résoudre « le problème juif ». Quant aux Arabes, qu’il évoque peu (on s’éloigne de ses grands élans de pansémitisme de 1930), ils se réjouiraient du développement économique.
À la suite de la critique, pourtant favorable, de L’Univers israélite, Kadmi, qui ne lâche rien, adresse un droit de réponse à la revue. Cette lettre permet de comprendre l’un des moteurs du sionisme de Kadmi Cohen : l’existence de l’antisémitisme et la conviction qu’il perdurera. « Dans un article, par ailleurs finement nuancé, M. Jules Meyer ne m’accuse rien de moins que d’être « belliciste »… Je suis convaincu que ce mot a dépassé sa pensée, car il sait qu’il n’y a rien d’aussi pacifiste qu’un soldat ayant fait la guerre et – M. Jules Meyer ne l’ignore pas – c’est bien mon cas. Mais si l’on considère que la guerre a été jusqu’à présent une sorte de loi de la nature, j’avoue préférer la faire pour notre propre bénéfice que pour celui des pays où nous sommes persécutés et massacrés… Je m’incline devant le noble idéalisme de ceux qui croient à la fin, dans un proche avenir, de toutes les guerres et à la cessation imminente de l’antisémitisme, mais je ne partage pas leur foi. C’est pour cela que je suis sioniste. »
Le 9 juin 1932, Kadmi Cohen se rend à un débat du Club du Faubourg, salle des sociétés savantes, pour un débat sur « Les Israélites et la violence. Y a-t-il un chauvinisme juif ? Les Israélites peuvent-ils glorifier la guerre, la violence et le sang ? ». Parmi les débatteurs figure Zeev Jabotinsky, qui s’oppose à la ligne politique de l’Organisation Sioniste Mondiale. Fondateur d’un courant révisionniste du sionisme, Wladimir « Zeev » Jabotinsky est le représentant de la droite dure au sein du mouvement sioniste international. Il est partisan de la lutte armée et de la conquête par la force de la Palestine. Contrairement à Kadmi, il ne croit pas un instant que les Palestiniens accepteront, en échange de l’égalité et d’une amélioration de leur niveau de vie, l’installation d’une population juive sur leur territoire. La conception du sionisme de Kadmi, son analyse sur le rôle de l’organisation sioniste mondiale et ses dirigeants sont très proches de celles de Jabotinsky et c’est sans doute sous l’influence de Jabotinsky que Kadmi va abandonner ses thèses sur le pan sémitisme.
Pendant toutes ces années, Kadmi Cohen multiplie les conférences et la participation à des débats. Les sujets abordés tournent toujours autour du sionisme : « le sionisme est-il mort ? », « Le sionisme et ses perspectives d’avenir » ou encore « Question juive et cuisine juive ». Il publie de longs articles dans Le Mercure de France qui reste sa tribune.
Les critiques de Kadmi à l’encontre du sionisme institutionnel, ses références répétées au « problème juif » et son mépris profond pour les « assimilés » font, hélas, le jeu de l’extrême droite. Kadmi Cohen n’en a cure.
Malheureusement, ses écrits sont utilisés pour justifier un certain antisémitisme. Déjà, l’Action Française du 6 juin 1928 le citait pour montrer les limites et les échecs du sionisme. Par ses positions brutales et sans concession contre les institutions juives françaises, qui personnalisent pour lui ce qu’il appelle avec mépris « l’Assimilationnisme », il est accusé de faire le jeu de l’extrême droite antisémite.
Alors qu’il défend la non-assimilation du peuple juif et une forme de pureté ethnique, il épouse, le 24 février 1934, Emilienne Jeanne Bodart, 29 ans et de confession catholique. Il a 42 ans. Emilienne est la fille d’un accordeur de pianos belge, Charles Bodart, et de Véronique Wallaeys qui est giletière. Trois enfants vont naître : Olivier le 22 janvier 1937, Jean-François le 12 février 1938, puis José Céline le 9 mars 1939. Les mauvaises langues diront qu’il a nommé sa fille José comme la fille de Pierre Laval.
Néanmoins, Emilienne va se convertir au judaïsme et adoptera le prénom de Ruth.
Bien que son engagement politique soit intense, Kadmi poursuit sa carrière d’avocat. Il participe à la vie de la profession et à ses grands évènements. En juin 1936, Xavier Vallat est élu au conseil de l’ordre. À une voix près. Comme l’écrit Maurice garçon, « il est passé de justesse ». C’est Vallat qui a interpellé Léon Blum à la Chambre des députés en le haranguant : « Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain sera gouverné par un juif ». Pour le siège du Conseil de l’Ordre, Vallat était opposé à Étienne Caen, simple avocat et dont Maurice Garçon écrit : « homme parfait à tout point de vue, qui ne s’occupe d’ailleurs pas de politique, mais qui a le tort d’être juif ». La lutte a été ardente.
Ce qui frappe Maurice Garçon, écrit-il dans son journal, c’est la pâleur de certains. « Il est évident que l’émotion qui les agitait était peu commune. Les juifs sont en fureur. L’un d’eux que j’aime bien, Kadmi Cohen, est dans un état d’indignation qui me fait de la peine. Il me dit : le Palais nous a rejeté en faisant cette élection… on nous signifie notre congé comme par un soufflet… j’étais modéré, je deviens communiste. Seul ce parti évitera le pogrom. »
L’hypersensibilité de Kadmi à l’antisémitisme guide ses pas. Il devient lui-même plus intransigeant, plus extrémiste.
Son activité éditoriale ne connait pas de pause. A croire qu’il est plus écrivain qu’avocat. Quoi qu’il ne cesse de défendre inlassablement ses convictions. Il publie encore « Apologie pour Israël, par un juif » en 1937.
Cette « graphomanie » s’exerce vraisemblablement au détriment de ses dossiers d’avocat. Certains clients se plaignent de son absence d’implication. Il ne paye plus ses cotisations à l’Ordre, qui le poursuit et le menace de radiation. C’est la deuxième fois.
Son cabinet est alors 25, rue Decamps. Le domicile familial est situé avenue Georges Clémenceau à Chatou. Kadmi a du mal à payer les loyers de son local professionnel. Tant et si bien que le propriétaire va finir par le poursuivre devant l’Ordre pour loyers impayés depuis 2 ans en 1940. Kadmi argumentera, opposera l’insalubrité des locaux.
Dans Le Mercure de France du 1er décembre 1938, Kadmi publie un nouvel article intitulé « Tempête sur le sionisme ». Il développe à nouveau son argumentation contre le sionisme institutionnel qui échoue à faire avancer l’idée d’un Etat juif.
L’article fait l’objet d’une brève dans l’Univers Israélite du 3 février 1939 : « On aurait aimé discuter objectivement les vues, parfois bien suggestives, de l’auteur. Mais certains passages nous en enlèvent totalement l’envie. » L’auteur de la note cite quelques exemples, et en particulier sous la plume de Kadmi : « il y a dans l’inhumain racisme allemand, quand on néglige ses bredouillements primaires, une idée-force, viril à la fois et équitable… ». « On a peine à croire que c’est un Juif qui parle ainsi. » conclut le journaliste.
Après avoir tant écrit sur la supériorité du peuple juif, Kadmi Cohen ne peut s’empêcher de comprendre le point de vue allemand et de ressentir une proximité dans leur pensée respective. Encore une fois, les conceptions de Jabotinski ne sont pas étrangères à cette évolution de la pensée de Kadmi. Le journaliste de l’Univers Israélite du 21 septembre 1934 qui commentait son article dans le Mercure intitulé « Révisionnisme juif » écrivait : « Comme Hitler, M. Kadmi-Cohen fonde sa doctrine politique sur la race et la « solidarité nationale », ainsi que sur la discipline. Par bonheur pour l’humanité et pour le judaïsme, son chef et son maître, M. Jabotinsky, n’aura jamais sur les foules ignorantes l’ascendant du Fûhrer. »
Le 31 mars 1939, Kadmi publie, dans le Mercure de France, un article intitulé « Sionisme et Judaïsme » dans lequel il exprime notamment son désir de voir la France « prendre l’initiative de la convocation d’une Conférence internationale consacrée à ce problème (le problème juif) qui empoisonne l’humanité depuis un millénaire et demi ». Problème juif ? Voilà qui plait toujours à l’extrême droite. Et voilà qui choque les juifs assimilés et les institutions juives.
Les écrits de Kadmi l’ont définitivement coupé des institutions juives françaises.
La ligne éditoriale du Mercure penche dangereusement vers le nouveau régime allemand.
Paradoxalement, Kadmi s’en émeut. Maurice Garçon raconte, dans son journal, à la date du 20 avril 1939 avoir reçu « une curieuse visite » :
« Kadmi Cohen, un de mes confrères qui est en même temps l'un des grands propagandistes du sionisme et dont j'estime beaucoup l'intelligence et l'honnêteté, vient me voir pour m'exposer des scrupules qu’il éprouve. Le Mercure de France lui paraît subir une ténébreuse évolution. Des articles signés Sylvestre Forestier (…) lui paraissent conçus dans un sens favorable à l'hitlérisme. La dissimulation est grande, mais la tendance lointaine peut être sensible. »
Même s'il convient qu'il y a « quelque chose », Maurice Garçon tempère Kadmi : « J'ai conseillé à Kadmi Cohen de modérer son indignation et d'attendre en surveillant. Cet honnête garçon se préparait à faire un scandale qui, s'il doit être fait, serait prématuré. »
L'année suivante, le 18 novembre 1940, Maurice Garçon évoque encore Kadmi dans son journal. Il relate sa rencontre, au Mercure de France, avec Edmond Pilon, chargé de rééditer les classiques avec un appareil de notes et il en fait un portrait saisissant. L'homme « fulmine rageusement contre tout ce qui n'est pas dans la ligne d'une obéissance assez plate aux idées allemandes ». Il hait les juifs. Il se trouve que Kadmi Cohen est présent. Garçon poursuit : « Entre eux, pas de commune mesure. Le juif est intelligent, il a l'esprit ouvert, profère des idées générales. »
Kadmi est persuadé de la victoire allemande et l’on peut même écrire que, d’une certaine manière, il admire les Allemands. Ses écrits témoignent sans ambiguïté en ce sens. Il rêve pour son peuple d’une pareille force, d’une pareille mobilisation. Ne dit-il pas que les juifs du Consistoire, parce qu’assimilés, ont perdu cette « sève hébraïque vivante et féconde » ? Il ne veut pas d’eux dans son projet.
Où cet homme intelligent et cultivé a-t-il bâti un discours qu’il croit audible par les Allemands et susceptible de les convaincre ?
On aimerait le croire. Pourtant, sa rhétorique, ses prises de position et la terminologie qu’il emploie ne datent pas de 1940.
Le 7 décembre 1940, Kadmi Cohen se rend chez Maurice Garçon « pour lui raconter confidentiellement une assez curieuse aventure qui vient de lui arriver », rapporte ce dernier. La Kommandantur section SS antijuive l’a convoqué pour lui offrir un pont d'or pour organiser le mouvement sioniste en France. Garçon conclut : « il a décliné l'offre. »
Adam Rayski, dans son ouvrage Le Choix des Juifs sous Vichy mentionne, tout en doutant de l’information, que figure sur la fiche des Renseignements Généraux relative à Kadmi Cohen, l’indication suivante : « En novembre 1940, les Allemands ont essayé de l’acheter et, en septembre 1941, ils l’ont puni par un internement à Drancy et Compiègne ». Il semble bien que les Allemands aient effectué une démarche auprès de Kadmi.
Quel est le contexte de cette supposée proposition ?
En juillet 1940, 3000 juifs alsaciens ont été expulsés de chez eux par les Allemands dans des conditions atroces. Le 8 août, les Allemands ont encore expulsé 1400 juifs allemands réfugiés à Bordeaux. Le 22 octobre 1940, un peu plus de 6 500 Juifs du Pays de Bade et de Sarre-Palatinat sont convoyés en train, de nuit, vers Lyon, franchissant la ligne de démarcation à Chalon-sur-Saône. On sait que Hitler a annoncé son intention « d’évacuer tous les Juifs hors d’Europe après la guerre ».
Le militantisme de Kadmi et sa propagande incessante ont-ils un instant persuadé les autorités allemandes à Paris de faire appel à lui pour mettre en œuvre cette « évacuation » ?
Si la démarche auprès de Kadmi semble avérée, il est difficile de croire que son objet soit de proposer une collaboration entre les sionistes et les autorités d’occupation nazies. Sans connaitre la teneur de la discussion qui a eu lieu, on peut supposer que si Kadmi l’a refusée, c’est qu’elle n’était qu’une grossière instrumentalisation.
Dans une note intitulée Etude sur la situation en zone occupée qu’il rédige et diffuse dans les mois qui suivent l’entrée des troupes allemandes à Paris et qu’il remet au grand rabbin Julien Weil, il expose encore une fois que la victoire allemande peut être une opportunité pour les juifs et permettre la création d’un Etat juif en Palestine. Il y croit.
Le 16 octobre 1941, Kadmi est arrêté par la police française. On lui reproche d’avoir rédigé et diffusé une brochure sioniste. Est-ce son Etude sur la situation en zone occupée ? Il est interné à Drancy où il reste jusqu’au 14 décembre, date à laquelle il est remis, avec 7 autres internés, dont Pierre Masse, aux autorités allemandes qui transfèrent les prisonniers au camp de Royallieu, près de Compiègne.
Malgré les conditions de détention très dures en matière d’hygiène et de famine organisée, Kadmi va déployer son énergie coutumière au service de sa cause. Il donne une douzaine de conférences sur le sionisme. Au cours de la dernière conférence, il annonce la création du mouvement Massada qui a eu lieu le 28 décembre 1941. La Déclaration qu’il a rédigée explique : « Le mouvement prend la désignation de Massada, du nom de la dernière forteresse au bord de la Mer Morte où a succombé, après la chute de Jérusalem, l’indépendance nationale juive. Ce nom qui a signifié une fin doit signifier un commencement. »
La déclaration décrit l’organisation future du mouvement, en unités organisées verticalement jusqu’à l’unité suprême, et des groupements financiers, économiques, de propagande, … qui constituent l’organisation horizontale. « Le but final du Mouvement Massada est la résurrection de la nation juive sous la forme d’un état (sic) souverain, indépendant et neutre par convention internationale, dans des frontières adaptées à la mesure des besoins vitaux impérieux du peuple juif », précise la Déclaration en employant la rhétorique choquante des nazis sur l’espace vital.
En janvier 1942, est-il informé des débats du Conseil de l’Ordre qui a établi la liste des avocats juifs autorisés à poursuivre leur exercice professionnel malgré le numerus clausus ? Son nom figure parmi ceux des 47 avocats que le Conseil de l’Ordre a souhaité maintenir au tableau du barreau de Paris.
Kadmi quitte le camp de Royallieu, libre, le 13 mars 1942. Pourquoi est-il libéré alors que tant d’autres avocats juifs restent détenus ? Il semble que ce soit son état de santé qui ait motivé sa libération.
Kadmi est déterminé à reprendre son activisme auprès des autorités françaises. Il va s’installer à Puy-Guillaume où habite son frère Elie. Il n’est pas loin de Vichy où il peut tenter d’agir.
Le 4 juillet 1942, il envoie une carte postale au bâtonnier Charpentier : « Monsieur le bâtonnier, je crois de mon devoir de vous indiquer mon adresse actuelle ici. Puy- Guillaume est à qqs 20 kms de Vichy et j’ai souvent l’occasion d’aller dans la capitale provisoire de la France. J’ai rencontré au cours de mes voyages ici quelques-uns de nos confrères, notamment Jacques Fourcade, Léon Netter, (illisible). J’utilise mes loisirs pour des travaux littéraires. J’espère qu’un premier volume pourra paraître à l’automne. Je vous prie de m’excuser de ne pas pouvoir assister aux réunions de colonnes. »
Pendant cette période, il écrit beaucoup, comme toujours. Il produit des notes : Notes sur l’attitude possible de la France vis-à-vis d’un Etat hébreu, Notes sur le rôle et l’importance des Arabes dans l’islam, MNH (Mouvement National Hébreu) et France, le MNH et l’Allemagne …
Les notes montrent une grande culture historique au service d’une analyse politique monomaniaque. Elles sont dactylographiées.
Les feuillets manuscrits relatifs au MNH, Mouvement National Hébreu, préfigurent des sortes de position politique d’un futur Etat juif. Le document de 4 pages intitulé « MNH et France » développe tous les avantages qu’aurait la France de prendre « la paternité du MNH ».
Le document « Le MNH et l’Allemagne », nettement plus concis, est stupéfiant. Manifestement de la main de Kadmi Cohen, il exprime une position de représentation nationale, voire étatique, qui n’a aucun sens : « La position du MNH dans le conflit actuel est une position de neutralité dans le sens le plus complet du terme. Le MNH ne fait pas partie, ne peut faire partie d’aucune des deux coalitions en présence. Il n’a aucune force à mettre à la disposition des combattants. (…) L’Allemagne a affirmé qu’il est impossible d’intégrer les juifs aux nations et que l’existence des juifs est un mal. Là, le MNH est d’accord. Mais l’Allemagne prétend résoudre le problème posé par l’existence des juifs par une politique de spoliation et d’extermination. Là, le MNH ne peut pas être d’accord. La raison de ce désaccord n’est pas d’ordre humanitaire. Elle réside dans le fait que la solution allemande est purement négative. Le MNH la considère comme impraticable parce que négative. Le MNH veut une solution positive parce que seule une solution positive est réalisable. (…)»
On a le sentiment qu’il n’a pas pris la mesure de la situation.
Selon son interlocuteur, Kadmi s’adapte. Il joue au billard à 3 bandes. Il vend aux Français l’idée d’une solution plus humaine, plus conforme aux intérêts de l’Etat français en matière de politique publique, lui faisant miroiter l’appui d’un Etat juif ami, en Palestine, qui limiterait l’influence anglaise. Il délivre aux Allemands la même solution mais avec des arguments différents : l’existence d’un Etat juif dissuaderait de l’assimilation, résoudrait le problème juif et immobiliserait l’Angleterre et la Russie dans la région.
Henri Hertz, poète, écrivain et journaliste, un temps Secrétaire général du Congrès juif mondial, qui a semble-t-il bien connu Kadmi, brosse son portrait dans Informations Juives du 16 mai 1954. Il le décrit après un dîner avec Chaïm Weizman : « Nous nous attardâmes, ensuite, dans la rue, Kadmi et moi. Je ne pouvais m’empêcher d’épier l’air froncé qui lui était coutumier. J’y aperçus un certain épanouissement secret, la satisfaction de quelque beau rôle qu’il se félicitait, en son for intérieur, d’avoir obtenu et tenu. Je devinais que sa stratégie, mélange d’emportement et de recul, impliquait pour le succès qu’il en rêvait, des simulacres de soudaines défaites, avant l’ostentation brutale de la victoire regagnée comme par surprise. Dans le labyrinthe des procédures, des débats, il devait trouver à ces alternatives la jouissance d’un pari téméraire. »
Quels sont les destinataires des notes qu’il rédige ? Est-ce Pétain à travers André Lavagne et l’abbé Catry ? Un officiel allemand ? Le docteur Klassen de l’ambassade d’Allemagne à qui il écrit en janvier 1943 ?
En 1942, Kadmi est entré en contact avec l’abbé Joseph Catry, un ancien jésuite, pourtant l’auteur d’une brochure violemment antisémite, l’Eglise et les Juifs. L’abbé se fait fort de faire passer les idées de Kadmi auprès de Pétain. Il se fait présenter à André Lavagne, chef du cabinet civil de Pétain, et lui remet une lettre de Kadmi exposant l’intérêt d’une solution « humaine » du « problème juif » : régler la question en instaurant un État juif en Palestine pour « débarrasser » l’Europe de ses juifs comme le veulent les Allemands.
André Lavagne reçoit Kadmi Cohen, convaincu que la participation française à la persécution contre les juifs est mal vécue par l’opinion et dessert l’image du Maréchal. Pour mettre en œuvre son plan, Kadmi demande à être nommé officiellement Attaché auprès du gouvernement pour la question nationale juive et il réclame un certain nombre d’autorisations pour sa famille et des membres de son mouvement.
Lavagne confirme son intérêt dans une lettre à Kadmi Cohen et il répercute auprès de Henri Cado, l’adjoint de Bousquet, les demandes de privilèges et d’autorisations formulées par Kadmi. Il semble que Kadmi ait également demandé que sa brochure Massada soit diffusée dans les camps et lieux de résidence surveillée.
Mais Kadmi s’est fait beaucoup d’ennemis dans le camp juif, en particulier le Consistoire qu’il méprise, le considérant comme acteur et complice de l’assimilation honnie. Il appelle ses membres les « ploutocrates juifs ». Jacques Helbronner, le président du Consistoire, ayant refusé de le recevoir en juillet 1943, il lui écrit une lettre insultante. Ces faits lui font du tort. Le président du Consistoire n’est pas sans relations, notamment chez ses homologues chrétiens.
Les grandes manœuvres de Kadmi Cohen à Vichy restent sans suite.
Evidemment, toute la stratégie qu’il peut développer auprès des autorités françaises est vaine sans un intérêt allemand. Qui n’existe pas. Et n’a jamais existé. En 1943, la Solution finale est déjà rodée et elle engloutit des centaines de milliers de juifs. Pour les Nazis, la solution efficace du « problème juif » est trouvée et elle se situe à Auschwitz, pas en Palestine.
Kadmi Cohen est arrêté le 6 juillet 1943 à l’hôtel de Puy-Guillaume où il séjournait. Monsieur et Madame Larivaut, les hôteliers, sont témoins de l’arrestation par la Gestapo de Vichy. Cette dernière agit sur ordre de la Gestapo de Paris qui le recherchait à la suite de la publication clandestine d’une brochure sioniste. Il semble que ce soit l’édition de ses conférences Massada de Royallieu.
Il est interné à la prison de Moulins jusqu’au 6 novembre 1943. Le 30 novembre 1943, il est interné à Drancy venant de Vichy sous le matricule 9545.
Le 27 mars 1944, il monte dans le convoi n°70 à destination d’Auschwitz. Il va être affecté au camp annexe de Gleiwitz où il décède le mois suivant, épuisé. D’après un témoin, c’est à l’hôpital que ce combattant a enfin rendu les armes.
Sa femme tentera sans succès de lui faire obtenir le statut de membre de la Résistance Intérieure Française en 1952. Elle ne fera pas appel de la décision de refus motivée par l’absence de tout fait de résistance.
Aujourd’hui, les livres de Kadmi Cohen, en particulier Nomades, sont toujours en vente. Certains ont été réédités. Les champs historiques et politiques qu’il a explorés au Moyen-Orient alimentent toujours la réflexion. Sa pensée reste d’actualité.
Au sein de la profession d’avocat, il a laissé une trace durable et combien utile ! avec la création de l’Union des Jeunes Avocats. Peut-être ses propositions avant-gardistes de 1923 ont-elles trouvé un écho chez le législateur de 1991 ?
Reste cette tâche sur sa mémoire : était-il d’extrême droite ? Il est certain que ses propos sont violents mais « collent » à l’époque lorsqu’il disserte en termes de races et de nécessité d’espace vital. Le cataloguer à l’extrême-droite n’a pas de sens dans la mesure où il ne pouvait appartenir à cette mouvance dont le caractère principal était la xénophobie et l’antisémitisme. Même s’il ne développait plus ses thèses pan sémitiques, celles-ci restent au cœur de ses démonstrations et il n’a jamais évoqué une élimination des Arables de la terre « promise ».
Le contexte politique poussait aussi à l’extrémisme. Laissons les historiens trancher la question.
Certains lui reprochent plusieurs propos dignes des antisémites. Adam Rayski cite la phrase suivante comme preuve de l’égarement intellectuel de Kadmi : « Vous ne voulez pas de nous, nous avons été des destructeurs et des parasites. Nous partirons nous-mêmes. Laissez-moi faire. Je vous débarrasserai des Juifs ! ».
Mais comment peut-on la prendre au premier degré ? Il suffit de lire Kadmi Cohen pour savoir que les Juifs sont, au contraire, des bâtisseurs et des contributeurs pour lui. Avec cette phrase, il prend les contempteurs des Juifs au mot et les met au défi de les laisser partir pour la Palestine.
Il a été récupéré par l’extrême droite quand il dénigrait les « assimilés » ou dévoilait des ambitions géopolitiques impérialistes pour l’Etat juif de ses rêves.
En 1947, Xavier Vallat, lors de son procès, lui rend hommage. Paul Rassinier, le père des négationnistes des années 1990, récupère certains de ses écrits, les tronque et les utilise pour mettre en garde contre la volonté hégémonique malveillante des Juifs.
Idéaliste passionné, qui avait besoin de s’engager, de faire progresser ses idées, Kadmi avait trouvé dans le sionisme sa cause « juste », celle des juifs persécutés.
Et la vérité sur Kadmi Cohen apparait au fil de certains écrits qui révèlent sa sensibilité.
Dans sa note « MNH et France », il rappelle la « Contradiction entre esprit libéral officiel et esprit xénophobe réel » : « L’étranger est accueilli, mais il sent qu’il reste un étranger. Il est donc tout naturellement conduit à profiter de la liberté qui est accordée pour préparer son émancipation nationale et non pas pour s’assimiler au peuple français. Ainsi un certain nombre de juifs cherche leur émancipation nationale en voulant créer l’État hébreu… »
N'est-ce pas lui l’étranger qui parle ?
Oui, il a pu découvrir et vivre la dualité de ce pays qu’il a fantasmé, jeune homme, et qu’il a tant aimé, la France des Lumières, celle de 1789, celle pour laquelle il s’est engagé pour aller combattre et risquer sa vie en 1914, celle qui lui a permis de devenir avocat.
Y a-t-il un pays qui ait été plus paradoxal avec les juifs ?
Y a-t-il un pays où les juifs ont autant pu bénéficier de droits à l’instar des autres citoyens, se développer, construire et participer activement à la vie politique et culturelle ?
Y a un pays où le sort d’un anonyme capitaine juif a déchaîné autant de passions et causé une véritable fracture dans la nation, un traumatisme politique et social qui a durablement marqué l’histoire nationale ?
N’est-ce pas le même pays où l’antisémitisme s’est exprimé aussi violemment tant dans la vie politique que dans la presse ?
N’est-ce pas le gouvernement du même pays qui a livré ses citoyens juifs, collaborant volontairement à leur élimination ?
Oui, il est exact que l’état d’esprit xénophobe réel était en contradiction avec l’esprit libéral officiel. Oui, Kadmi a dû être renvoyé à de nombreuses reprises à sa condition d’étranger, de juif.
Il en a sans doute fallu des déceptions, des désillusions, des humiliations même, pour qu’il se détourne de la France. Il avait grandi dans le terreau du sionisme – le sionisme salvateur – pendant ses jeunes années en Palestine. Là était le recours, la consolation.
Dans sa Lettre à un ami français, écrite vraisemblablement en 1942, il confie les sentiments éprouvés pendant toutes ces années en tant que juif en France. Kadmi révèle à cet ami, qui doit être un avocat, le fond de son malaise, de sa souffrance, avec une sincérité poignante. La lettre mériterait d’être citée intégralement.
« Je me résous à vous écrire parce qu’il me serait trop difficile d’exprimer oralement toute ma pensée. Il existe entre nous une certaine gêne, qui ne date pas d’hier et qui vous fait esquiver un sujet d’entretien que vous croyez devoir m’être pénible. Vous savez la condition qui m’est faite et vous la déplorez. S’il vous était possible de le faire, j’en suis sûr, vous plaideriez pour moi, vous diriez que j’ai été votre camarade d’études, votre compagnon d’armes, je suis un des vôtres, que ma place doit demeurer à vos côtés. (…) Mais cette protection et cette sollicitude, vous les circonscrivez à ma personne ; je ne saurais raisonnablement demander à votre amitié de se charger de 15 millions de mes pareils et c’est déjà beaucoup de porter, pour ainsi dire, à bras tendu le sort d’un homme qui se trouve être Juif par-dessus le marché. (…) Vous voulez garder à toute force une chance de me sauver, de me cacher chez vous, comme vous l’avez fait déjà pendant les périodes de rafles. »
Il continue en imaginant le sort de chaque juif, s’isolant des autres, continuant une vie « normale », vivant en apparence comme tout le monde. « Nous jouerions aux hommes libres, mais qui nous libérerait de ce fonds d’angoisse, de cette prémonition quasi physique quand le mot juif va être prononcé dans les 30 secondes, de ce malaise que nous éprouvons en entendant parler du ministère Blum, de la faillite Citroën, de l’affaire Dreyfus ? Nous voulons vivre sans peur et sans faire peur, sans besoin d’orgueil pour voiler notre complexe d’infériorité, sans être forcé de croire que nous ne sommes traités sur un pied d’égalité qu’à la condition de taire quelque chose, d’éviter certains sujets, d’ignorer certains mots. On nous prête toutes les qualités, souvent trop généreusement ; mais il en est une que nous n’arrivons pas à obtenir, et c’est le naturel. Le Juif est toujours dans une position fausse, toujours assis sur le bord de sa chaise. Il a beau occuper sa place depuis des générations, il n’est pas sûr de ne pas être forcé à la minute suivante de se lever et de repartir pour errer encore et échouer là ou ailleurs, n’importe où il y a une petite place dont personne ne veut encore. »
Pleine de sensibilité, cette confession révèle la blessure de l’amant éconduit sans égard. Pire, de l’amoureux dont on n’accepte la présence que s’il renonce à être ce qu’il est.
Kadmi ne veut pas que lui et les siens continuent à être des Juifs errants. Il veut faire de son peuple – à l’exclusion des assimilés- non pas des juifs, mais des Hébreux. Il veut, par la création d’un Etat juif, les dépouiller « de cette tunique de l’exil qui leur colle aux épaules ».
Cet esprit puissant et érudit, habitué à convaincre – c’était son métier- a surestimé ses capacités face à l’adversaire. Il a cru pouvoir continuer son combat à visage découvert.
Pour Henri Hertz, la capacité à la dualité, le sens de la tragicomédie, de la rhétorique assortis à une confiance à toute épreuve dans ses qualités oratoires et intellectuelles expliquent l’échec de Kadmi.
« Encore libre, convaincu qu’il le resterait, convaincu que son ardente séduction dialectique vaudrait à tous les Juifs une détente de liberté dans les lois, dans les instructions de la police, Kadmi-Cohen jeta, d’abord, le gant aux Français. (…) Kadmi fut arrêté. À leur merci, qu’inspira aux Allemands son opiniâtre entreprise de persuasion, tantôt plaidoyer, tantôt réquisitoire, jamais marchandage, jamais imploration ? Furent-ils, un instant, sincèrement touchés de sa bravoure et voulurent-t-il voir, le laissant parler et écrire, jusqu’où il pousserait sa confiance en eux ? À moins que, dès l’abord, ils aient savouré l’aubaine du piège à tendre à sa crédulité ? »
On veut croire que Kadmi Cohen, l’amoureux de la France des droits de l’homme, le créateur de l’UJA, le sioniste idéaliste, s’il s’est parfois égaré par la souffrance née du rejet, était resté fidèle à ses premiers engagements.
Il s’était engagé en 1914 au risque de mourir pour la France. 30 ans plus tard, le même ennemi a pris sa vie. Il a été déclaré Mort pour la France. Aurait-il accepté cette mention ? S’il est une cause pour laquelle il aurait donné sa vie, une cause dont il a été l’avocat ardent, c’est celle du sionisme. Jusqu’à mourir pour elle.
Les enfants de Kadmi ont été protégés pendant la guerre. Emilienne-Ruth s’est remariée avec le docteur Ozias Steiner, un juif polonais, résistant communiste, qui a adopté ses enfants. Aujourd’hui, 3 petits-fils de Kadmi Cohen sont avocats au barreau de Paris : Rafaël Schneider, le fils de Josée, Nicolas et Vincent Cohen-Steiner, fils d’Olivier. Vincent Cohen-Steiner a été élu président de l’UJA en 1994 et il a découvert, à cette occasion, que son grand-père en était l’un des fondateurs. Kadmi aurait aimé. Vincent, dont le deuxième prénom est Kadmi, a été élu membre du Conseil de l’Ordre pour la mandature 2000-2002. Quoi qu’il ait pu en dire, Kadmi aurait été heureux et fier.
Michèle Brault
Dossier administratif de l’Ordre :
Lettre d’Albert Wahl, professeur à la faculté de droit, du 21 avril 1921.
Lettre du 28 juin 1938 de Kadmi Cohen au bâtonnier.
Carte postale du 4 juillet 1942 de Kadmi Cohen au bâtonnier.
Les Echos Parisiens du 30 mai, 30 juin et 10 juillet 1923.
La Lettre de l’UJA n°128, décembre 1997 (article de Ch. Thevenet).
Service historique de la Défense :
Vincennes : GR 16 P 135723
Caen : AC 21 P 437 392
Mémorial de la Shoah :
DLX-3 : Liste des internés juifs du camp de Drancy remis aux autorités allemandes le 14.12.1941 à 16 heures / liste du 17 décembre 1941.
Informations juives, 16 janvier 1942.
Gallica-Retronews :
L’Intransigeant, 30 mai 1929 (critique de Nomades).
L’Ouest-Eclair, 7 septembre 1929
L’Intransigeant, 19 octobre 1930.
L’Univers Israélite, 9 janvier 1931.
La Tribune Juive, 29 janvier 1932.
L’Univers israélite, 26 février 1932.
L’Univers israélite, 21 septembre 1934.
L’Univers israélite, 3 février 1939.
Ce Soir, 12 avril 1947.
Autres sources :
Site PHDN, Pratique de l’histoire et dévoiements négationnistes, anti-révisionnistes
Information Juive, 16 mai 1954 (portrait par Henri Hertz)
Bibliographie :
Vichy et les juifs, Michaël Marrus et Robert Paxton, Editions Calmann-Lévy, Paris 1981.
Le Choix des juifs sous Vichy, entre soumission et résistance, Adam Rayski, Editions La Découverte, Paris 1992
Journal, tome 1 et tome 2, Maurice Garçon, Editions Les Belles Lettres / Fayard, 2015.