Couvrat portrait
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Couvrat faire part deces
 
Couvrat temoignage camarades
René Couvrat-Desvergnes est né le 30 janvier 1912 à Angoulême, dans la Charente. Son père, Louis, avocat agréé, exerce auprès du tribunal de commerce. Louis Couvrat-Desvergnes a alors 33 ans et est né, lui, à Cahors, au gré d’une résidence de son père, Antoine, ingénieur qui faisait carrière au sein de la compagnie d’Orléans. En effet, les Couvrat-Desvergnes sont de purs périgourdins. Leurs racines plongent dans le Périgord vert, entre Nontron et Excideuil.
Leur ancêtre en ligne directe, Mathurin Couvrat, dit de La Tannerie, était tanneur à Nontron au XVIIe siècle. Son fils, Pierre, ajoute le nom du lieu où la famille habite, Les Vergnes, à son patronyme. Le deuxième Mathurin, fils de Pierre, est maître de forges. Son fils, Guy, se déclare propriétaire, toujours à Nontron. La famille se notabilise, donnant des élus à la commune de Nontron. Dès le XIXe siècle, elle se nomme Couvrat-Desvergnes.
La figure emblématique de cette ascension sociale est Antoine, le grand-père de René, polytechnicien (X1875), ingénieur en chef de la Compagnie d’Orléans et l’un de ses dirigeants, officier de la Légion d’honneur.
Lors de la naissance de René, son père, Louis, est président, depuis février 1911, de la section angoumoise de l’Action Française. Il donne des conférences sur la nécessaire restauration royaliste au regard du dégoût suscité par les échecs de la République.
René a un frère aîné, Roger, né en 1910, une sœur, Germaine, née en 1913, et un frère cadet, Maurice, né en 1916. Maurice sera prêtre. Roger se révélera un contributeur assidu du Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord.
La mère de René, Paule Julie Marguerite Longevialle, est une Corrézienne de Tulle où son père est notaire.
Portée par une ambition légitime, le père, Louis, est « monté », avec sa famille, à Paris où il exerce sa fonction d’agréé auprès du Tribunal de commerce de la Seine. En mai 1938, il est élu Président de la Chambre des agréés près le Tribunal de commerce.
La famille est très catholique.
René fréquente l’Externat de la rue de Madrid pendant ses études secondaires, puis il s’inscrit à la Faculté Libre de Paris. Il prépare sa licence en droit puis un diplôme de sciences politiques.
Concomitamment, il est très engagé dans les œuvres sociales et le patronage de la paroisse Saint-Roger-des-Malassis à Vitry-sur-Seine. Il encadre également des jeunes en colonie de vacances à Pierre-Aigüe. Il vit ces expériences comme un apostolat.
Lors de la manifestation du 6 février 1934, son jeune frère Maurice, membre des Jeunesses Patriotiques, est arrêté par la police.
René obtient sa licence en droit le 7 juillet 1934.
Ayant été reçu à la PMS (préparation militaire supérieure), il suit, dès octobre 1934, sa formation à Saumur. Toutefois, il reçoit un coup de sabot de sa monture qui le blesse et l’empêche de passer une partie des épreuves de fin d’année. Il ne sera « que » maréchal des logis.
Il est admis au stage le 14 novembre 1935. Son rapporteur est le bâtonnier Guillaumin.
Il débute aussitôt un premier stage chez un avoué de première instance, Maître Aimé Bonnin, 20 rue d’Anjou. Il était d’usage, à l’époque, d’apprendre la procédure civile chez un avoué de première instance ou la procédure commerciale chez un agréé.
René est extrêmement assidu aux réunions de colonnes, aux conférences préparatoires et au cours pratiques organisés par l’Ordre toutes les semaines pour les stagiaires. Il faut dire que c’est une obligation et que toute absence doit être justifiée.
Comme il est d’usage, le bâtonnier questionne le maître de stage sur son stagiaire.
Dans une lettre du 13 juillet 1936, Maître Bonnin répond :
« Vous me demandez de vous donner des renseignements sur les conditions dans lesquelles Monsieur Couvrat-Desvergnes s’est comportée comme clerc à mon étude.
Monsieur Couvrat-Desvergnes qui est intelligent et laborieux s’est montré également assidu, consacrant à l’étude tout le temps qui lui restait disponible en dehors des conférences et de certains cours qu’il suivait.
Je lui ai donné à suivre un certain nombre d’affaires, à étudier certaines questions délicates, à établir des projets. Il a témoigné par les efforts faits de l’intérêt qu’il prenait aux études qui lui étaient confiées et je ne peux que dire la satisfaction pour ses efforts et leurs résultats. »
René poursuit sa formation d’avocat chez Maître Lehagé. Il est ensuite Secrétaire de Maître Tastevin.
Lorsque la guerre éclate, il est encore stagiaire.
Mobilisé le 28 août 1939, René est affecté au 20e escadron du Train des équipages militaires. Plus communément appelé le Train, cette arme a en charge la logistique militaire, le transport du matériel, des munitions et du ravitaillement et le support aux mouvements de l’armée de terre. René commande une section.
Il est fait prisonnier le 26 juin 1940 avec la majorité des soldats du 20e corps. Les soldats prisonniers sont acheminés à pied, en colonne, vers Strasbourg qui est à 120 km. Pendant les quatre jours du trajet, aucune nourriture n’est remise aux prisonniers.
Arrivé à la garnison de Strasbourg, René se distingue par sa force de caractère. Avec d’autres prisonniers, il constitue une chorale, puis un orchestre et une troupe théâtrale. Il établit également un cycle de conférences instructives, dont il donne la première sur Les Tragédies de Racine.
Malgré le manque de nouvelles et surtout le manque de nourriture, il garde intacts « son courage, sa bonne humeur et sa foi absolue dans les destinées de la patrie », comme le rapportent des camarades à son père.
Fin septembre 1940, René est transféré au stalag XII B, en Poméranie, près du village d’Hammerstein. Lors de l’arrivée au stalag, René est rasé et reçoit, comme tous les prisonniers, une plaque accrochée à une ficelle indiquant le numéro de son matricule stalag. Les prisonniers sont triés par profession et affectés à une baraque et à un arbeitkommando. Les kommandos sont envoyés dans des fermes, des usines ou tout lieu où la main-d’œuvre manque.
René est d’abord affecté à un commando chargé de terrassement sur l’ancienne ligne Siegfried, puis il subit différents changements d’affectation. Il est ensuite orienté vers le Stalag XII A. Malgré le travail exténuant de la journée, il organise un foyer spirituel pour pallier l’absence totale de vie religieuse, dont il souffre. L’habitude est prise de prier en commun le soir et de réciter les offices religieux le dimanche. Comme à Strasbourg, il ressuscite un orchestre et une troupe théâtrale et programme des conférences.
A Paris, son père tente par tous les moyens de le faire libérer ou, au moins, de changer son lieu de détention. Il écrit, le 31 juillet 1941, au bâtonnier pour lui demander une attestation de stage pour René afin que celui-ci puisse faire valoir qu’il doit poursuivre sa formation juridique par un doctorat.
3 semaines plus tard, le 18 août 1941, Louis Couvrat-Desvergnes s’adresse de nouveau au bâtonnier : il pense avoir trouvé un « filon » pour obtenir le rapatriement de René et il lui demande de renouveler sa demande de libération qu’il joindra au dossier qu’il est en train de constituer.
Les démarches entreprises par le père de René n’auront manifestement aucun succès.
René apprend l’allemand, ce qui lui permet de défendre, en avocat qu’il est, les intérêts de ses camarades, qui le désignent « homme de confiance » du kommando. Son action auprès des prisonniers, sa fermeté vis-à-vis des gardiens allemands suscitent le respect et l’admiration de ses camarades et attirent l’attention des autorités du camp. Il est bientôt sanctionné.
On le change de kommando et on disperse les membres du groupe spirituel qu’il a constitué.
A chaque fois, il remet l’ouvrage sur le métier. Sa réputation grandit auprès des prisonniers.
Fort des témoignages qu’il a reçus, son père relate :
« Mais partout où il passe, il entreprend la même œuvre et le (illisible) apostolat avec succès.
Les sanctions se font plus graves.
Il est mis en cellule pour « mauvais esprit ».
Puis, il est accusé de « menées communistes ». Cette accusation ridicule s’effondre après une enquête menée à Paris.
Mais il ne peut plus représenter ses camarades et il est l’objet d’incessantes et mesquines brimades et de mutations fréquentes.
Au cours de l’hiver 1942 – 1943, pour des motifs inconnus, il est soumis pendant quatre mois à un régime de « représailles » particulièrement dur. »
Les lettres sont extrêmement rares, mais dans l’une d’elles, adressée à son père, René écrit :
« Maintenant que c’est fini, …, je viens de passer quatre mois affreux… je sors véritablement de l’enfer. N’insistez pas pour que je vous dise ce que j’ai souffert… chaque minute qui passait, je ne songeais qu’à oublier la minute précédente. »
L’isolement, le manque d’hygiène, les coups arbitraires, les humiliations, la famine …Il y a de quoi briser une âme moins solide.
René avait envisagé de s’évader lors de son arrivée au Stalag XII A, mais il avait renoncé, les Allemands faisant savoir aux prisonniers que toute tentative d’évasion entrainerait des représailles sur leur famille.
René comprend qu’il ne pourra plus être utile auprès de ses compagnons et qu’il a trop attiré l’attention. S’ouvre devant lui un long chemin de misère et de persécutions maintenant que les Allemands l’ont repéré.
Il décide de mettre à exécution son projet d’évasion.
Le 14 juin 1943, jour de la Pentecôte, date pleine de sens pour lui, il prend la clé des champs pendant sa journée de travail.
Une patrouille est lancée à sa recherche dès sa disparition connue. Vers 23 heures, elle le trouve près d’Alsheim. Il est caché dans un bosquet. Les gardiens n’ont aucun respect pour la vie des prisonniers. Ceux-ci sont à peine mieux traités que des animaux. Tant qu’ils sont une main d’œuvre corvéable et utile. Pour ceux qui tentent de s’évader, pas de sommation. Les gardiens tirent sans sommation. Pour tuer.
Un feu nourri s’abat sur le bosquet. René est tué net.
Ses camarades sont autorisés à rapporter son corps au camp et dans un dernier hommage, ils célèbrent pour lui des funérailles religieuses.
Le Palais Libre, l’organe clandestin du Front National des juristes animé par l’avocat Joë Nordmann, dans son numéro 5 de février 1944, évoque « Les prisonniers de guerre du barreau de Paris » :
« Ils sont encore 112, dans les stalags et les oflags, rongeant leur frein et ne vivant plus, après 43 mois d’exil et de souffrance que pour et par la libération, celle de la France d’abord, et la leur qui en sera la conséquence.
Parlons seulement de deux d’entre eux, des très jeunes, des stagiaires, demeurés pour toujours sur la terre d’exil.
L’un, Couvrat-Desvignes (sic), avait tenté l’évasion de son Stalag. C’était son droit, c’est le droit imprescriptible de tout prisonnier. Il était découvert, cerné et abattu dans un fourré comme un lapin au gîte.
(…) Pensons à nos morts, à tous nos morts. »
Dans l’hommage qu’il rend, en 1946, aux avocats morts pendant le second conflit mondial, le bâtonnier Marcel Poignard évoque la captivité de René et particulièrement, son action auprès de ses camarades.
Le desservant de Saint-Roger-des-Malassis le décrit : « René a été le « type parfait » (ce mot pris dans son sens original) et irremplaçable. Il était d’une activité gaie, une patience avec une initiative disciplinée hors de pair. Ceux qui l’ont connu ne l’oublierons jamais. »
Nombreux sont ses camarades de captivité qui écrivent à son père pour louer sa gentillesse, son dévouement :
« Il a été notre soutien moral de tous les instants. Sans lui, nous aurions sombré dans le désespoir »
« De nombreuses messes sont prévues pour le repos de l’âme de René qui laisse un vide parmi nous que rien ni personne ne fera oublier, car il avait par sa haute tenue morale, son allant, sa gentillesse, sa bonté de tous les instants pris un ascendant considérable sur nous tous… »
Le 18 septembre 1943, les parents de René reçoivent une photographie prise le matin même de sa mort. René a terriblement maigri et son visage est émacié. Son père, étreint par une émotion poignante à la vue de son fils, portant « les traces visibles du long martyr qu’il a souffert », ressent toute la souffrance de son enfant. Dévasté par la douleur de l’absence définitive, il ne peut s’empêcher d’écrire au bâtonnier : « Que maudits soient ses bourreaux ».
Michèle Brault.
 

Médaille militaire

Croix de guerre 39-45

Médaille des évadés

Mort Pour la France

Dossier administratif

Lettre de Maître Aimé Bonnin au bâtonnier du 13 juillet 1936

Lettre de Louis Couvrat-Desvergnes au bâtonnier du 31 juillet 1941

Lettre de Louis Couvrat-Desvergnes au bâtonnier du 18 août 1941

Notice biographique rédigée par Louis Couvrat-Desvergnes envoyée avec lettre au bâtonnier le 18 septembre 1943

Archives familiales :

- portrait de René Couvrat-Desvergnes

- faire-part de décès

- témoignages de camarades.

Arbre généalogique : Geneanet

Mémoire des hommes : René Couvrat-Desvergnes

Gallica :

Almanach de l’Action Française, 1er janvier 1912

L’Action Française, 5 avril 1912

Bulletins de la Société Historique et Archéologique du Périgord

Rapport général fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes et les origines de la crise du 6 février 1934.

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