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Bloch Rene portrait Gallica 1913

Une vie de militantisme de gauche, telle est le résumé de la vie de René Bloch.


Inspiré par le mouvement social du début du 20ème siècle, René Bloch a consacré toute son activité à ses engagements politiques et syndicaux. Ce n’est pas la guerre qui a mis fin à son parcours. Ce sont les lois infâmes de Vichy qui l’ont conduit à être déporté le 2 septembre 1943 et mourir à Auschwitz.

René Bloch n’était pas particulièrement destiné à œuvrer au sein du mouvement ouvrier, laïc par définition, lui qui était issu d’un milieu très religieux. Il est né René, Mechoulam Bloch, le 30 avril 1881 à Oran, en Algérie. Son père, Isaac, est le rabbin d’Oran depuis le 8 janvier 1878. C’est lui qui a posé la première pierre de la synagogue d’Oran. La famille vient d’Alsace. Isaac Bloch est né à Soultz en 1848 et il a épousé Sephora Weinberg en 1879 à Lyon. Le 18 août 1882, Isaac Bloch devient Grand Rabbin d’Alger et d’Algérie. Il termine son sacerdoce comme Grand Rabbin de Nancy.
Du côté de la mère de René, l’origine est également alsacienne. Le père de Sephora était Grand Rabbin de Sélestat. René a 6 frères et sœurs. Il est l’aîné.


Il fait ses études au lycée de Nancy. Et c’est aussi à Nancy qu’il effectue son service militaire. René obtient sa licence en droit le 12 juillet 1901. Son dossier ordinal indique qu’il demande son inscription au tableau du stage le 24 juillet 1901, précisant qu’Il souhaite que son rapporteur soit Maître Julien Busson-Billault, qui sera bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris en 1909. Il prête serment le même jour. Il est alors domicilié 17, rue le Verrier.


Dès le mois de novembre de la même année, il sollicite une suspension de stage d’un an pour effectuer son service militaire. Le Conseil de l’Ordre vote son accord lors de la séance du 26 novembre 1901. Lorsqu’il reprend son activité, il est lieutenant de réserve, comme il l’indique dans une lettre du 24 juin 1924 dans laquelle il retrace son parcours militaire pour le trésorier de la Caisse de retraite de l’Ordre.
Comme tout jeune avocat stagiaire, René se plie à l’exercice de la Conférence du stage. Le journal La Loi du 15 mars 1903 rend compte de sa participation à une réunion tenue sous la présidence du bâtonnier Albert Danet. Il soutient l’affirmative à la question Le mari qui a connu et favorisé l’inconduite de sa femme doit-il être déclaré non recevable à s’en prévaloir comme d’une cause de divorce ? . Il soutient encore l’affirmative lors de la Conférence du 13 mars 1904, sous la présidence du bâtonnier Bourdillon à la question de savoir si la prohibition de l’article 909 du Code civil, qui interdit aux membres des professions médicales de bénéficier de dispositions testamentaires des personnes qu’ils ont soignées, s’applique au mari médecin.
A chaque fois, la Conférence a choisi la négative…


Le 27 janvier 1905, il soutient sa thèse de doctorat en droit sur Le régime parlementaire en France sous la troisième République à l’Université de droit et de sciences économiques de Paris. Elle sera publiée, la même année, par les Editions de Rudeval.
Il participe encore en 1905 aux travaux de la Conférence du stage en plaidant cette fois la négative lors des débats qui se sont tenus le 11 mars, sur la question « L'assurance sur la vie souscrite au bénéfice d'enfants à naître est-elle valable ? ».

Pendant cette période, il effectue son stage chez Maître Louis Deshayes. En effet, le journal Paris du 30 août 1905 rend compte d’une instruction judiciaire en cours dans laquelle le mis en cause était « accompagné de son conseil, Me Louis Deshayes, et du secrétaire de ce dernier, Me René Bloch ». A l’époque, secrétaire est le nom donné à l’avocat stagiaire quand il plaide les dossiers de son « patron ». Louis Deshayes, avocat, est un élu radical-socialiste de l’Oise, conseiller général, puis député à partir de 1914. René Bloch forme sa demande d’inscription au « grand » tableau le 16 octobre 1907. Son cabinet est alors domicilié 62, boulevard Saint-Germain. En 1908, il devient le collaborateur d’Albert Wilm, ce qu’atteste La Dépêche du Berry du 9 janvier 1908, dans le compte-rendu d’une affaire de diffamation intentée par un conseiller municipal de Vierzon-Ville contre le journal L’Emancipateur. René Bloch a donc été stagiaire au cabinet de Maître Albert Willm, membre de la SFIO et député de la Seine-Saint-Denis de 1906 à 1914. Albert Willm se dédiait, en qualité d’avocat, à la défense des ouvriers inculpés, comme on disait alors, et représentait souvent les syndicats. Connu pour son éloquence et sa combativité, il avait présenté un plaidoyer pour l’abolition de la peine de mort lors de la séance de l’Assemblée Nationale du 4 novembre 1908. Un précurseur. C’est cet homme, qui défendait constamment la République, qui a formé René.


René adhère au Parti socialiste en 1902 et entre, avec lui, à la SFIO en 1905. La même source indique qu’il était proche de Jules Uhry et de Pierre Renaudel, deux figures du Parti socialiste. Jules Uhry, avocat, était né en 1877, il était juif et militait depuis 1902 aux côtés de Jean Jaurès. Cette proximité intellectuelle et l’engagement de Jules Uhry ont probablement inspiré et aidé René à trouver une place dans le mouvement.
En février 1912, Jules Uhry défendit avec vigueur le droit pour les socialistes d’appartenir à la Franc-Maçonnerie. Lui-même y occupait un rang élevé : à sa mort, il appartenait à la loge « La Lumière ». René a également été initié à la franc-maçonnerie, affilié à la Loge de la Franche Amitié du Grand Orient de France.
La Libre Parole du 20 mars 1914, journal dirigé par Edouard Drumont, publie la liste des francs-maçons de Paris et de la banlieue. Contrairement à ses homonymes dont le nom de la loge est donné, seule l’adresse du cabinet de René est mentionnée au regard de son nom : « Bloch Joseph avocat à la Cour loge Education coopérative ; Bloch Oscar avocat à la Cour vénérable de la loge Unité Maçonnique ; Bloch René avocat à la Cour. 63 rue de Seine Paris 6e. »

René est aussi membre de la Ligue des Droits de L’Homme et du Citoyen, au sein de laquelle il est très actif, multipliant les conférences dans toute la France. Les Cahiers mensuels de La Ligue regorgent d’articles de René ou d’annonces de ses conférences pendant les deux décennies qui précèdent la 2ème Guerre mondiale.
Déjà engagé politiquement, René oriente son activité vers le droit du travail, et en particulier les accidents du travail. Il va cultiver cette spécialité toute la durée de son exercice professionnel. Ses nombreuses publications attestent de son expertise. Ses engagements et sa connaissance du droit du travail le conduisent à devenir rapidement l’avocat de la CGT, laquelle est très proche du Parti socialiste. René donne de nombreux articles à la revue mensuelle Le Droit ouvrier, organe officiel du Conseil juridique de la confédération générale du Travail. L’Argus du 24 novembre 1907 rend compte d’une affaire judiciaire d’accident du travail dans laquelle il défendait un ouvrier accidenté pour lequel il soutenait que la rente versée par la compagnie d’assurances devait être revue pour être fixée en fonction de l’état du blessé jusqu’à la consolidation. La thèse de la compagnie, soutenue par Me Duroyaume, et donc combattue par René Bloch, était qu’on ne pouvait admettre l’incapacité absolue temporaire et modifier la rente suivant que l’état du blessé s’aggravait ou s’améliorait passagèrement. La Cour fit droit à cette thèse, dans « un arrêt de principe », selon le journal.
A cette époque, le bureau d’Assistance judiciaire, ancêtre du bureau d’aide juridictionnelle, désignait un avocat pour défendre le bénéficiaire de l’Assistance sans que ce dernier puisse choisir. Le dossier ordinal de René contient une lettre du 26 mars 1911 d’une Madame Froment qui s’adresse au bâtonnier pour son fils ouvrier scieur-mécanique victime d’un accident du travail, dans laquelle elle récuse le jeune avocat désigné et demande à pouvoir choisir Maître René Bloch. Il est vraisemblable qu’il s’agissait d’un client envoyé par le Conseil juridique de la CGT. René va avoir l’occasion de s’illustrer dans la défense de 16 membres du Comité Central qui ont signé une affiche mettant en cause l’armée qui a réprimé une manifestation ouvrière à Narbonne, faisant un mort. Cités à comparaitre devant la Cour d’assises de Paris pour injures à l’armée et provocation de miliaires à la désobéissance, les accusés sont défendus par plusieurs avocats, dont Maître Wilm et son ancien (?) Secrétaire, René Bloch. Le Courrier du Soir du 22 février 1908 rend compte de la première audience, mouvementée, au cours de laquelle René soutient des conclusions relatives à la sélection faite parmi les 77 signataires membres du Comité central de la CGT, sélection arbitraire qui ne permet pas d’identifier la responsabilité pénale, par conséquent individuelle, de chacun.
A l’avocat général qui répond : Nous nous sommes attachés à retenir les meneurs, négligeant le menu fretin, l’un des défenseurs, Maître Bonzon rétorque M. L’avocat général a un langage de pécheur à la ligne !, déclenchant des rires et protestations dans la salle. Le procès s’est terminé par un acquittement général.


En mars 1913, une certaine Clémentine Weiss saisit le bâtonnier d’une plainte contre Maître René-Bloch. Ce ne sera pas le seul démêlé qu’il aura avec la justice ordinale, toujours pour des fautes, ou supposées telles, vénielles, mais qui témoignent du caractère intemporel des difficultés de l’exercice de la profession d’avocat. Dans une lettre du 11 avril 1913 écrite au bâtonnier, il se justifie à la suite de la plainte de celle-ci qu’il a rencontré à son cabinet pour essayer de résoudre un litige qu’elle avait avec ses employeurs particuliers. René reconnait volontiers qu’il a agi imprudemment, croyant régler rapidement le dossier sans recourir à la justice. La plainte de Madame Weiss est ensuite annotée : « à classer Labori 24/4/13 ». Le bâtonnier Fernand Labori a rejeté la plainte.
Le 6 décembre 1913, c’est le bâtonnier de Versailles qui s’adresse à son homologue de Paris pour se plaindre de la mauvaise habitude des avocats de Paris qui viennent plaider les dossiers pour lesquels les avocats de Versailles ont été commis. Afin de limiter cette pratique, l’Ordre de Versailles exige, avant de remettre les dossiers, un avis conforme du bâtonnier dont dépend l’avocat. Dans cette lettre, le bâtonnier de Versailles s’étonne que Me René Bloch ait demandé « coup sur coup » 3 dossiers d’accidents du travail n’ayant aucun lien entre eux. Le bâtonnier de Paris répond le 9 décembre qu’il a reçu son confrère René-Bloch, que celui-ci lui a exposé pourquoi il avait souhaité être commis dans ces 3 dossiers et que, ne voulant pas priver deux jeunes confrères de Versailles de commissions, il renonçait à sa demande.
L’année 1913 voit aussi René plaider dans l’Affaire du Sou du soldat dans laquelle 18 membres de la CGT sont accusés de provocations de militaires à la désobéissance. Le Matin du 27 décembre 1913 rapporte que « Me Pierre Laval, André Berthon, Oustry, René Bloch et Antoine se sont présentés pour les prévenus devant la cour d’assises ». Pierre Laval … avocat de la CGT comme son confrère René Bloch, qu’il côtoie au barreau de Paris et à la SFIO et qu’il enverra vers l’extermination 30 ans plus tard.
René publie ses premiers travaux en 1912 : son Traité théorique et pratique des Conseils des prud’hommes, co-écrit avec Henry Chaumel, docteur en droit, vice-président du Tribunal de la Seine, sera réédité en 1925, revu et complété. En janvier 1914, il devient rédacteur en chef de La Revue des conseils de prud’hommes, revue créée en 1897 par un avocat, Charles Strauss. Présentée comme un recueil périodique de législation ouvrière, la revue est publiée par la Librairie Adrien Muzard, située Place Dauphine.
Défenseur des syndicats et des ouvriers, « le citoyen René Bloch, avocat du Conseil judiciaire de l’Union des syndicats ouvriers de la Seine », tel que le qualifie le quotidien L’Humanité dans son édition du 16 janvier 1914, a présenté au Conseil fédéral de la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen un rapport sur la question des accidents du travail. Dans celui-ci, René dénonce la surreprésentation des avocats des compagnies d’assurance dans les bureaux d’assistance et demande qu’ils soient écartés. Il reproche également aux juges de se contenter, plutôt que d’ordonner une expertise, des rapports médicaux fournis par les compagnies d’assurance et recommande une meilleure rémunération pour les avocats commis. Il conclut sur la nécessité d’une intervention de la Ligue auprès des ministres concernés.


Survient la mobilisation du 2 août 1914. René est affecté au 79ème Régiment d’infanterie basé à Nancy où habite sa famille. Il participe à la bataille de Morhange, qui a lieu les 19 et 20 août 1914 et est l’une des premières grandes batailles de la première guerre mondiale, appelée la Bataille des Frontières. Les troupes ont progressé difficilement en Lorraine, alors terre allemande. Elles attaquent l’armée allemande le 20 août à Morhange et sont arrêtées au cours d’une bataille très meurtrière.
Le journal Le Petit Troyen du 13 mars 1915 rapporte « Un épisode de la Bataille de Morhange » et présente le témoignage de « M. René Bloch, avocat à la cour de Paris, lieutenant au …*, prisonnier en Allemagne, (qui) raconte ainsi sa capture » : Nous avions cantonné le 19 août à Conthil. Le lendemain, au réveil, nous étions attaqués par un fort parti adverse. Etant section d’arrière-garde, j’ai protégé par mon feu le repli du reste de la compagnie. Lorsque j’ai voulu démarrer, il était trop tard, j’étais accroché. J’ai donc résisté jusqu’à deux heures de l’après-midi, dans une maison isolée, qui a été rendue intenable par la pluie d’obus qu’on a déversé sur elle. Je résistai encore alors que les lignes françaises étaient déjà à 8 ou 10 kilomètres en arrière. A la fin, cerné de tous côtés par un bataillon de chasseurs à pied que j’avais arrêté toute la journée, j’ai été littéralement pris au collet avec ce qui restait de ma section (25 sur 60).  La publication précise que Monsieur René Bloch est le fils aîné du grand rabbin de Nancy, aumônier du camp retranché de Toul, lequel a encore deux autres fils sous les drapeaux : le cadet, Henri, également lieutenant au …*, a été blessé dans les parages d’Ypres. Le plus jeune, Paul, sergent au …*, a été grièvement blessé à Vitrimont le 19 août et est retourné sur le front en Belgique.

La Bataille de Morhange a donné lieu à une controverse sur l’attitude du général Foch qui n’aurait pas attendu les ordres de son supérieur, le général de Castelnau, ce qui aurait conduit les Français à essuyer une défaite sévère. Paul Bloch sera décoré de la Légion d’Honneur en 1920 pour ses faits d’armes au 26ème Régiment d’Infanterie. Le père, Isaac Bloch, était, lui, médaillé de 1870.

René est fait prisonnier par les Allemands et va rester en captivité du 20 août 1914 au 27 février 1918. Il est d’abord conduit au Fort de Königstein, près de Dresde, puis à la forteresse de Custrin, à l’est de Berlin. Il débute l’année 1916 au Fort de Zorndorf, toujours à Custrin, puis à partir du 11 mai 1916 il est interné à Bischofswerda. Dans le cadre des accords de guerre sur la libération des prisonniers, il est ensuite interné en Suisse du 18 juin 1917 au 27 février 1918, date à laquelle il est libéré. Le 14 avril 1918, il est dirigé sur Alger pour rejoindre le 4ème régiment de Zouaves, puis le 15ème Bataillon Territorial de Zouaves. Le 10 mars 1919, il est démobilisé. Le 24 juin 1924, dans la lettre qu’il écrit au trésorier de la caisse de retraite de l’Ordre des avocats, il insiste sur le fait que les unités auxquelles il était affecté étaient des unités combattantes.

Dès la reprise de son activité, il est plongé dans l’affaire du Bonnet Rouge, qui alimente la chronique judiciaire depuis 1917. Les fondateurs de ce journal anarchiste ont été accusés d’intelligence avec l’ennemi et un procès très médiatisé s’ensuit. L’affaire provoquera la démission, puis l’arrestation du ministre de l’Intérieur, Louis Malvy. Bien que n’assistant pas les principaux accusés, René-Bloch va s’illustrer dans la défense de Jacques Landau, un journaliste, fondateur en 1914, avec Jacques Goldski, du journal pacifiste La Tranchée Républicaine, destiné aux soldats du front. Jacques Landau a commis quelques articles pour Le Bonnet Rouge, dont Jacques Goldski est l’ancien rédacteur en chef. Deux motifs – outre leur pacifisme - qui expliquent qu’ils vont être également poursuivis pour trahison et intelligence avec l’ennemi allemand. Dans Les Cahiers des Droits de l’homme du 10 février 1921, René Bloch donne un aperçu de sa plaidoirie en exposant l’affaire Jacques Landau. Dans le cadre de la Ligue des Droits de l’Homme, il publie également une brochure plus consistante qui argumente pour la révision du procès.Landau est condamné à huit ans de « travaux publics », la période n’est pas à l’indulgence pour les supposés « traitres ». La Ligue, et en particulier, René-Bloch, font campagne pour la révision. Un procès en révision aura lieu en 1928. Jacques Landau sera défendu par Henri Torrès, un des ténors du barreau, qui s’est fait remarquer par son engagement à gauche, d’abord communiste dès 1920, puis à la SFIO.


Côté droit du travail, René ne chôme pas. C’est certainement grâce à sa collaboration avec la Revue des conseils des prud’hommes qu’il publie, en 1921, à la Librairie Muzard, un Code du travail et de la prévoyance sociale, suivi d’un appendice contenant les lois relatives aux accidents du travail, aux conseils des prud’hommes et aux syndicats professionnels « mis à jour et au courant de la législation la plus récente ». En 1923, chez le même éditeur, sort un Code des habitations à bon marché et de la petite propriété, commentaire théorique et pratique de la loi du 5 décembre 1922, portant sur le sujet.
Sa désignation par le Conseil judiciaire de la CGT auprès des personnes qui réclame l’assistance d’un avocat à cet organisme rencontre toujours des difficultés lorsqu’un autre avocat a été commis par le Bureau d’assistance judiciaire. Un justiciable, Monsieur Lapie, envoie copie à l’Ordre de la lettre adressée au Ministre de la Justice le 16 juin 1922 dans laquelle il se plaint que le bâtonnier s’est opposé à ce que Me René-Bloch « habitué à plaider les questions ouvrières » soit son défenseur, au motif de la désignation par le Bureau d’un autre avocat.


René se marie le 29 mars 1920 avec Mademoiselle Odette Cahen, étudiante en droit. L’Univers Israélite du 26 mars 1920 annonce le mariage en précisant les qualités du marié « docteur en droit, décoré de la croix de guerre » et de son père « chevalier de la Légion d’Honneur ». Les René-Bloch, tel est le nom d’usage qu’ils emploient, ont trois enfants : Roger, Félix, René, né le 27 janvier 1921, puis Geneviève, Sephora, Renée, le 8 mars 1923. Enfin, Olivier, René nait le 1er mai 1930, jour de la fête du travail, date symbolique pour René. Chaque enfant porte le prénom de leur père, prénom que celui-ci accole systématiquement à son nom de famille avec un tiret. Sa femme, Odette, devenue avocate, utilise et exerce sous le nom de « René-Bloch ». Pourquoi cet attachement à ce prénom ? René, en l’ajoutant systématiquement à son nom de famille, veut-il « latiniser » ce dernier ? Cette pratique ne perdurera pas. Ses deux enfants survivants porteront simplement le nom de famille Bloch.
Les René-Bloch habitent 69, avenue de Villiers dans le 17ème arrondissement. Il semble que tant Odette, l’épouse de René, que ce dernier, exercent également à cette adresse. Outre la famille, le recensement de 1931 montre que deux domestiques venues d’Alsace, Sophie et Marthe, sont employées chez les René-Bloch.
En 1927, il semble que René a été malade. Le Populaire, organe du Parti socialiste, du 26 juin 1927 annonce : « Paris 18è – Groupe de la Goutte d’Or – Nous apprenons avec un réel plaisir la guérison de notre camarade René Bloch, qui avait été éloigné de nous par suite d’une longue et douloureuse maladie. Il se tiendra comme par le passé à la disposition des habitants de la Goutte d’Or et de la Chapelle qui auront besoin de ses conseils soit pour les accidents du travail, soit pour la question des loyers, etc.. La permanence sera ouverte les 2e et 4e lundi de chaque mois au 35 de la rue Doudeauville, de 21 heures à 22h30 ». On apprend ainsi que René Bloch consacre beaucoup de soirées aux consultations gratuites.

Le 12 juillet 1932, le Parquet de la Cour d’appel de Paris demande au bâtonnier de lui fournir les renseignements d’usage sur le mérite de la Candidature de René à la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur. Bien que le nom de René Bloch n’appartienne pas aux propositions qu’il a eu « l’honneur de soumettre à M. le Garde des Sceaux », le bâtonnier, à cette date, Claude Léouzon- Le Duc, s’ « empresse de (vous) faire savoir que rien ne fait obstacle au point de vue professionnel, à la proposition émanant d’une autre source » et qu’il émet un avis favorable. Le 29 juillet 1938, soit exactement six ans plus tard, période minimale pour briguer le rang supérieur, la même lettre arrive sur le bureau du bâtonnier pour l’obtention de la Croix d’officier de la Légion d’Honneur. La lettre de réponse de l’Ordre n’est pas au dossier, mais la lettre du Parquet est annotée – par le bâtonnier en exercice, Jacques Charpentier ? - donnant pour instruction de répondre « dans le même sens que pour la Croix de Chevalier ».
René poursuit plus visiblement son engagement politique. Il est candidat aux élections législatives dans la circonscription de La Goutte d’Or, dans le 18ème arrondissement de Paris, sous les couleurs de la SFIO en 1928 et en 1932. L’Humanité, du 23 mars 1928 s’élève contre cette candidature dans une circonscription communiste : « Le citoyen René Bloch, avocat, est en effet candidat du parti socialiste dans la troisième circonscription du 18ème arrondissement. Contre Marcel Cachin emprisonné pour avoir lutté contre la guerre du Maroc, contre Marcel Cachin emprisonné en vertu de lois scélérates que le Cartel avait promis de supprimer, le Parti socialiste n’hésite pas à présenter un candidat. » Et l’article ne craint pas de raconter comment des militants communistes sont venus perturber la réunion de campagne tenue la veille par René, en huant le moindre propos. René est contraint de sortir entouré par un service de sécurité tant sa réunion électorale a été agressivement empêchée par les concurrents communistes.
Marcel Cachin est, à l’époque, directeur de l’Humanité et député de la circonscription sous l’étiquette communiste. Il sera réélu.
Une lettre de René publiée par le Populaire du 14 octobre 1928 donne la tonalité de la campagne et une idée des sentiments de René à l’égard des « Bolchéviks » : Le tovaritch Marcel Cachin me convoque, par voie d’affiches, à un compte-rendu de mandat qu’il donne ce soir samedi dans un préau d’école du quartier de la Goutte-d’Or. Voulez-vous bien faire savoir à nos camarades que je ne défèrerai pas à cette injonction ? J’aurais pu invoquer des engagements antérieurs. Mais, d’accord avec nos camarades de la Goutte-d’Or et de la Chapelle, je ne me dérangerai pas. Je vais chez les Bolchéviks quand et où il me plait ; je n’attends pas pour cela leur invitation, et pour une fois où ils pensent que ma présence ne les gêne pas, je ne leur donnerai pas cette satisfaction. …
Lors de la législature suivante, René est de nouveau candidat. L’Œuvre du 8 mai 1932 rend compte, après le premier tour des élections législatives dans le quartier de la Goutte d’Or, du désistement du candidat socialiste René Bloch en faveur de Louis Sellier. René est arrivé troisième, Marcel Cachin étant en tête des suffrages.
Dans le cadre de la SFIO, il fait également des conférences sur la politique générale. En 1936, le Centre confédéral d’éducation ouvrière publie, par exemple, une conférence que René a donnée à Institut Supérieur Ouvrier sur Le Droit syndical.
A l’occasion, il touche aussi au droit de la diffamation. Il est le défenseur du Peuple, le journal officiel du Parti socialiste. Une plainte auprès du bâtonnier, en date du 15 juin 1936, illustre son intervention en la matière. Son auteur, Paul Lévy, anime un journal intitulé Aux Ecoutes, positionné dans un conservatisme libéral expressément anti-allemand. A l’occasion de sa plaidoirie en défense du Peuple et du journaliste rédacteur de l’article incriminé, René Bloch lit au Tribunal un article du Canard Enchaîné qui reprend une déclaration de Marcel Déat, alors ministre de l’Air, lequel s’en prend violemment à Paul Lévy et l’accuse de chantage. Paul Lévy proteste devant le bâtonnier contre le procédé et accuse René Bloch d’intention de nuire et surtout, de violation du secret de l’instruction puisqu’il a déposé plainte contre Marcel Déat. Le rapport d’enquête déontologique ne constate aucun dépassement « de la mesure de ce que Me René Bloch pouvait estimer opportun pour la défense des intérêts de ses clients », il lave René de toute accusation de haine ou mauvaise foi et conclue au classement sans suite de la plainte. Paul Lévy était le père de l’avocat Thierry Lévy.
En 1938, sa qualité d’avocat de la CGT l’amène à plaider, à Bordeaux, dans un dossier de crime passionnel qui implique Paul Jouhaux, fils de Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT. Comme l’écrit le journaliste dans Le Journal du 1er juillet 1938, à propos de l’accusé, « La carrière de militant syndicaliste ne l’a pas tenté, en dépit des avantages qu’y a trouvés son père. Il a préféré celle des affaires et il s’y est lancé avec une hardiesse telle que les difficultés d’ordre pénitentiaire et pénal ne lui ont pas été épargnées. » Le journal précise : « Me René Bloch, avocat de la CGT, est venu de Paris apporter le concours de son éloquence à M. Paul Jouhaux. ». Et plus loin : « C’est la relaxe que plaide habilement Me René Bloch. »

René publie beaucoup. Des conférences, des articles, des livres. Preuve de son expertise en matière de droit du travail, Il traite des 40 heures dans le Populaire du 4 septembre 1937. Et il rédige pour la collection Manuel Dalloz de droit usuel le Manuel des conseils de Prud’hommes que les Editions Dalloz publient en mai 1939.

Lors du début de la guerre, en 1939, afin d’aider les confrères mobilisés, l’Ordre adresse à tous les avocats un questionnaire dans lequel chacun doit préciser sa situation au regard de ses obligations militaires et indiquer, s’il n’est pas appelé sous les drapeaux, s’il accepte « de suivre bénévolement les affaires d’un confrère mobilisé en remettant à sa famille l’intégralité des honoraires et en s’efforçant de lui conserver sa clientèle ». René répond qu’il a été mobilisé dans les cadres de la justice militaire, qu’il occupe le grade d’« officier assimilé de J. M. adjoint » et qu’il est rattaché au 1er Tribunal Militaire de Paris. Suivent des questions qui se rapportent à la vie privée de l’avocat. Il renseigne le nombre et l’âge de ses trois enfants et surtout, il indique l’adresse de la famille pendant les hostilités : La Métairie à Saint-Ay dans le Loiret. Quand on sait l’usage qui pourra être fait d’une telle adresse de famille juive par la suite, on frémit rétrospectivement à la simple idée des conséquences qu’aurait pu avoir une telle information. René la livre à son Ordre, une institution dans laquelle il a confiance et à un moment ou rien ne peut lui permettre de soupçonner le risque qu’il prend. Il est probable que ses enfants ont d’ailleurs passé « les hostilités » dans cette maison du Loiret.


René a été en « congé » du barreau pour la durée de la mobilisation, soit du 2 septembre 1939 au 30 juin 1940. Dès son retour à son cabinet, il apprend, comme tout avocat, la promulgation de la loi du 11 septembre 1940. Cette courte loi a uniquement pour objet de réglementer l’accès au barreau en restreignant celui-ci aux personnes possédant la nationalité française « à titre originaire, comme étant né d’un père français ». Une dérogation est prévue pour les anciens combattants de 1914 et 1939. Aussitôt votée, elle est mise en œuvre par l’Ordre. René écrit à son confrère Nolleau, sans doute chargé des vérifications de pièces, le 8 octobre 1940 pour justifier de sa nationalité française. Il fournit sa carte d’ancien combattant, qui a elle seule, comme il le mentionne, suffirait pour ne pas tomber sous le coup de cette loi, son livret militaire et un « petit calendrier-annuaire à l’usage des israélites » édité en 1925 qui contient une notice nécrologique de son père « fonctionnaire français jusqu’en 1901, date de la séparation des églises et de l’Etat, médaillé de 1870 ». Il joint une attestation de 1783 selon laquelle son arrière-grand-père était accueilli à Soultz (Haut-Rhin) en la protection du Cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg. Sur un formulaire imprimé par l’Ordre, le rapporteur détaille, dès le lendemain, les pièces fournies et conclut : « M. René Bloch est incontestablement né d’un père français ».Comme chacun sait aujourd’hui, ce n’est que le début de la spirale fatale qui conduit à l’élimination des juifs. Le 16 juillet 1941 est promulgué le décret qui règlement l’accès des juifs à la profession d’avocat. Il institue un numerus clausus de 2%, comprenant les anciens combattants, et autorise le Conseil de l’Ordre à proposer des dérogations.


Le 22 juin, le pacte germano-soviétique a été brisé. Les communistes ne sont plus à l’abri. Ils sont même devenus une cible prioritaire. René poursuit son exercice professionnel. Dans quelles conditions ? Ses clients habituels que sont les organisations dans lesquelles il militait et qui lui envoyaient des dossiers ont été dissoutes et sont interdites.
René a, semble-t-il, été arrêté en août 1941, avec d’autres confrères parisiens. Sa détention dure quelques jours seulement. Il a été inexplicablement libéré au grand dam du conseiller juridique de l’ambassade d’Allemagne, Von Bose, qui va rédiger des notes à l’attention de Théodor Danneker, chef du Service des affaires juives au sein de la Police de sécurité et du Service de sécurité, pour s’en offusquer et réclamer qu’il soit de nouveau arrêté.


Dans une lettre du 6 octobre 1941, adressée à Danneker, et qui s’appuie sur une note de Von Bose datée du 5 octobre, le conseiller de la légation, Carltheo Zeitschel relate avoir reçu trois avocats, Félix Aulois, O. Vallier et René Mettetal, qui lui ont demandé de faire libérer, « dans l’intérêt du mouvement antisémite », certains avocats juifs dont ils ont donné les noms car leur arrestation a « soit causé de la pitié chez une partie de leurs confrères antisémites, soit élevé des doutes sur la conviction d’un nettoiement radical ». Les mêmes ont signalé l’existence d’un grand nombre « d’éléments indésirables » parmi les avocats juifs et se sont étonnés que le « juif René Bloch » ait obtenu sa libération quelques jours après son arrestation alors que sa femme est une agitatrice communiste. Ils ont promis de fournir une liste complète des avocats juifs du barreau de Paris.
Von Bose, dans une note du 15 octobre 1941, s’étonne de la libération de certains avocats juifs « qui ont donné lieu à de grands surprises auprès des avocats antisémites » et il se focalise à nouveau sur le cas de René : « Il me semble, en même temps, l’occasion venue pour attirer l’attention de fait comment l’indésirable juif René Bloch est arrivé, de se libérer tout de suite. Je fais remarquer de nouveau que son épouse, se trouvant également en liberté est connue comme militante communiste ». Le 17 novembre 1941, le Conseiller de la Légation reprend la note de Von Bose du 15 octobre 1941 et écrit à Danneker pour l’enjoindre « encore une fois comme urgent, de faire libérer le juif Edmond Bloch en tenant compte des causes qui résultent des deux notes, mais de faire arrêter immédiatement à nouveau le juif René Bloch, désigné par M. Von Bose comme particulièrement désagréable, et ceci sans tenir compte de son état de santé ni des mesures de la Kommandantur du Grand Paris ». Curieusement, ces injonctions ne sont pas suivies d’effet. René ne sera pas arrêté. Pas tout de suite.
Décembre 1941 est un nouveau terrible coup de semonce. Une ordonnance préfectorale du 10 décembre exige l’imposition du mot « Juif » à l’encre rouge sur les papiers d’identité et la carte d’alimentation. Le 16 décembre a lieu la « Rafle des notables », l’arrestation de centaines de bourgeois juifs, avocats, magistrats, chefs d’entreprise, médecins, etc., tous Français et sans histoires.
Comment René a-t-il réagi ?


Le Petit Parisien du 7 janvier 1942, sous le titre « 47 avocats juifs pourraient continuer à plaider », annonce que le Conseil de l’Ordre qui s’est réuni la veille, sous la présidence du bâtonnier Jacques Charpentier, a établi une liste de confrères à maintenir au tableau, bien que non combattants ou victimes de guerre, « en raison du caractère éminent de leur mérite professionnel ». René Bloch est dans la liste. Avec Pierre Masse, Jacques Franck, Nordmann, Teboul, Marcel Uhry, Jules Moch, …
Le 15 janvier 1942, René écrit au bâtonnier pour lui faire connaitre les circonstances dans lesquelles il a été convoqué par la police : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que, par la voie du téléphone, j’ai été convié à me présenter aux bureaux de police judiciaire pour prendre connaissance d’une communication de Monsieur le Procureur Général. Je n’ai pas jusqu’ici devoir déférer à cette invitation : je pensais, en effet, que les communications des Parquets aux avocats se faisaient par l’intermédiaire du Secrétariat de l’Ordre». Et il demande s’il doit donner suite…
La dérogation est accordée à René. Il est vrai qu’il est ancien combattant, mais il est également notoire qu’il est socialiste et franc-maçon. Et juif.


Le 11 juin 1942, reflet de son quotidien professionnel, il écrit au bâtonnier pour lui faire part d’une difficulté de respect du contradictoire qu’il a eu avec un confrère contre lequel il a plaidé la semaine précédente devant la 9ème chambre du tribunal. Il a découvert dans le dossier du tribunal une « note pour la SNCF » que son contradicteur avait remise au tribunal sans l’en informer et il s’insurge contre le procédé. Une enquête déontologique est diligentée qui donnera un rapport en date du 16 juillet 1942, concluant à l’absence d’incidence de la note et notant les excuses présentées par l’avocat défaillant, rapport sur lequel est annoté « à classer Jacques Charpentier ».

En zone occupée, une ordonnance allemande, la huitième, impose l’obligation du port de l’étoile à compter du 7 juin 1942. Le port de l’étoile jaune a été institué par un décret du 1er septembre 1941, signé Heydrich, pour tous les juifs de plus de six ans. Il exprime la volonté de distinguer les juifs du reste de la population, d’en faire une catégorie honteuse, à part, avec laquelle la solidarité deviendra moins évidente. Une action collective de protestation est envisagée par les notaires et les avocats juifs. Le 15 juillet 1942, Heinz Röthke, responsable du service juif à la SS de Paris, demande une enquête qui n'aboutira pas en raison des vacances judiciaires. En outre, le bâtonnier Jacques Charpentier refuse de faire appliquer la 8e ordonnance. Dans ses mémoires, publiées en 1949, intitulée Au service de la Liberté, il écrit : « On me fit savoir qu’ils devraient porter l’étoile jaune sur la robe. Je refusais d’appliquer la prescription. » Le décret ne sera pas affiché dans l’entrée des locaux de l’Ordre. René peut se sentir rassuré, protégé par son statut d’avocat. A tort.

Le 16 juillet 1942, c’est la rafle du Vel d’hiv. Est-ce à cette occasion que son fils Roger est arrêté ? C’est au détour d’une recherche d’actes d’état civil que la mention du décès du fils aîné de René, en marge de son acte de naissance, donne un coup à l’estomac. « Mort pour la France » à Drancy (Seine) le 23 septembre 1942, en toutes lettres. La mention a été corrigée 50 ans plus tard : « Décédé à Auschwitz le 28 septembre 1942 et non le 23 septembre 1942 à Drancy ». Roger avait 21 ans.
Le pire, si l’on peut dire, est que la famille va rester dans l’ignorance du sort de Roger. Dans le Figaro des 8 et 9 juillet 1945, dans la rubrique « Prisonniers et déportés », parait un avis de recherche pour « René Bloch, avocat ; Odette René-Bloch, avocate, arr. Auschwitz 5-9-43. Et Roger Bloch Saintay, dep. Drancy 23-9-42. Ecr. G. Bloch, 69, avenue de Villiers (17e). Wag 50 13 ». G. Bloch, c’est Geneviève.
L’annonce révèle qu’elle a su que Roger était parti de Drancy le 23 septembre 1942. Ses parents l’ont-ils également appris ? Saintay, emprunté au village du Loiret où la famille résidait et accolé au nom de Roger, était-il un nom de résistance de ce dernier ?


Les René-Bloch vont encore vivre « libres », dans les conditions que l’on sait, avec l’interdiction de fréquenter les lieux publics, à Paris. René a-t-il continué à travailler puisqu’il était toujours inscrit au tableau ? Aucun document ne subsiste sur la dernière année des René-Bloch. Elle a dû être terrible, atroce, une année d’épouvante et de douleur. D’avocats reconnus, ils sont devenus des « citoyens de seconde zone», selon l’expression de Pierre Masse. Sont-ils même encore des citoyens ?

Ils sont arrêtés le 12 août 1943. La police française, aux ordres des autorités allemandes, se présente à 7 heures du matin au domicile de la famille. Geneviève est présente et assiste à l’arrestation de ses parents., comme certains voisins de l’immeuble qui croisent les époux Bloch dans l’escalier, encadrés par des policiers. Concomitamment à son arrestation, les autorités allemandes ont apposé des scellés sur son cabinet. Une note du 4 octobre 1943, rédigée par Maître Fernand Mouquin à l’attention du bâtonnier, informe celui-ci que les scellés apposés par les services allemands « ont été ce matin enlevés à la demande de M. Mouquin et en présence de Me Félix Bertrand. « Non seulement tous les dossiers, mais encore toute la bibliothèque professionnelle, ont pu être enlevés. M. Félix Bertrand, chargé par M. Le Bâtonnier de suivre les affaires de l’intéressé pendant son absence, a pris le tout en charge. »


René Bloch a cru que sa robe d’avocat, celle que l’on revêt comme une armure pour aller au combat pour la défense, allait le protéger. Fort de son histoire familiale de Français ayant défendus la patrie, fort de sa qualité d’ancien combattant, de décoré de la Légion d’honneur, fort de son appartenance au barreau de Paris, a-t-il sous-estimé le risque ? Il est probable que la plupart aurait fait comme lui. Et où aller ?


Sa vie, ses engagements politiques et associatifs montrent qu’il était, avant tout, avocat. Et fier de l’être, fier de la mission que cela impliquait. Il a peut-être cru qu’il appartenait à une catégorie intouchable. Cela lui a peut-être donné la force d’espérer.

Michèle Brault.

 Aucune citation connue.

 Dossier Aux Ecoutes de juin 1936.

Lettre du Parquet de la Cour d’appel de Paris au bâtonnier, 29 juillet 1938 (LH).

Questionnaire non daté sur la situation de l’avocat mobilisé ou non.

Réponse de René Bloch à Me Nolleau, 8 octobre 1940.

Questionnaire rempli par le rapporteur de l’Ordre en application de la loi du 11 septembre 1940.

Lettre de René-Bloch au bâtonnier, 15 janvier 1942.

Lettre de René Bloch au bâtonnier, 11 juin 1942.

Note de Me Fernand Mouquin au bâtonnier, 4 octobre 1943 (scellés du cabinet).

 Service historique de la Défense – Caen :

 Bloch René : AC 21 P 426 905.

Archives historiques de la défense :

Mémoire des hommes

Archives de Paris :

Recensement de 1931 

Mémorial de la Shoah :

VI-138 : Lettre, datée du 06/10/1941, de Carltheo Zeitschel, Legationsrat (conseiller de légation) à l'ambassade d'Allemagne à Paris, adressée à Theodor Dannecker de la Sipo-SD France à Paris, concernant la mise en liberté de six avocats juifs, avec une lettre comme pièce jointe, datée du 05/10/1941, émanant de Monsieur von Bose, conseiller juridique à l'ambassade d'Allemagne à Paris.

 VI-139 : Note, datée du 14/11/1941, de Monsieur von Bose, conseiller juridique à l'ambassade d'Allemagne à Paris, à propos de la remise en liberté de certains avocats juifs internés, et lettre, datée du 17/11/1941, de Carltheo Zeitschel, Legationsrat (conseiller de légation) à l'ambassade d'Allemagne à Paris, adressée à Theodor Dannecker de la Sipo-SD France à Paris, concernant la même affaire.

Dictionnaire biographique du Maîtron :

René Bloch

Geneanet :

René Bloch

Gallica-Retronews :

Paris, 30 août 1905.

L’Argus, 24 novembre 1907.

Le Courrier du Soir, 22 février 1908 (affiche antimilitariste de la CGT).

Le Matin, 27 décembre 1913 (Affaire du Sou du Soldat).

René Bloch, avocat : [photographie de presse] / Agence Meurisse, 1913. 

L’Humanité, 16 janvier 1914.

Revue des conseils de prud’hommes, janvier 1914.

La Libre Parole, 20 mars 1914.

Le Petit Troyen, 13 mars 1915.

L’Univers Israélite, 26 mars 1920 (mariage de René Bloch et Odette Cahen).

Œuvres textuelles publiées.

Les cahiers des droits de l’Homme, 10 février 1921 : L’affaire Jacques Landau rapportée par René Bloch. 

Le Populaire, 26 juin 1927.

L’Humanité, 23 mars 1928 (campagne électorale pour les élections législatives dans le 18ème arrondissement).

Le Populaire, 4 octobre 1928.

L’Œuvre du 8 mai 1932 (élections législatives).

Le Journal, 1er juillet 1938. Affaire Paul Jouhaux.

Le Petit Parisien, 7 janvier 1942 (47 avocats juifs pourraient continuer à plaider).

Le Figaro, 8 et 9 juillet 1945 (avis de recherche).

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