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Alias Pasquier.

René Gouttenoire est né le 27 septembre 1904 dans la Loire, à Lay (anciennement St Symphorien le Lay). Sa famille paternelle est l’une de ces dynasties d’entreprises textiles roannaises qui firent la prospérité de cette région encore jusqu’à nos jours. Son père, Jean, né à Lay en 1874, est industriel ; son grand père, Antoine, également né à Lay, fabriquait tissus et peignes à tisser ; à la fin du XVIIe siècle, son arrière-grand-père, Thomas Claude (lui aussi né à Lay) était tisserand et avait épousé une brodeuse.

La branche maternelle n’est pas en reste. Jean Gouttenoire épouse en avril 1892 Louise Buzon. Son père, Joseph Charles Buzon, est également négociant, plus précisément fabricant de mousseline. L’industrie du textile est florissante à Roanne ; elle l’était également à Metz d’où venait M. Buzon. Sans doute son installation dans la Loire n’est-elle pas étrangère à une expérience dans ce domaine. Marié en 1866 à la mairie de Lay, c’est aussi devant le maire de cette commune qu’il opte officiellement en 1872 pour la nationalité française. En effet, à la suite du rattachement de l’Alsace et de la Moselle à l’Allemagne en 1871, cette démarche prévue par le Traité de Francfort était nécessaire pour ne pas être considéré comme un citoyen allemand.

Le 12 septembre 1907 naitra la petite sœur de René, Marie Amélie.

René est scolarisé au Lycée Jean-Puy à Roanne puis part à Paris faire ses études de droit. Il est licencié en 1926. Il prépare ensuite un doctorat et soutiendra sa thèse Le silence de l’Administration qui sera publiée en 1933.

La décennie 1920-1930 marque l’apogée des tensions entre les mouvements des jeunesses d’extrême-droite et ceux des étudiants socialistes. René a choisi son camp. Il est un militant socialiste très actif.

Secrétaire des Étudiants socialistes, il intervient notamment en avril 1929 à l’occasion d’un meeting organisé à Paris par la Ligue des Droits de l’Homme et la Ligue d’action universitaire républicaine et socialiste en soutien aux étudiants espagnols victimes du fascisme. Il est aux cotés de Paul Langevin, professeur au Collège de France et de Maître de Moro Giafferri, avocat et ancien ministre. À cette occasion, il est pris à parti par un membre des Jeunesses Patriotes, ligue d’extrême droite, qui invite ses amis à faire taire l’orateur. Ces propos n’ont visiblement pas plu : « La dictature, affirme-t-il, c’est la dernière arme du capitalisme contre l’offensive du prolétariat ». De quoi provoquer une centaine de « phalangeards » (ainsi dénommés par l’Ère nouvelle, organe de l’Entente des gauches) qui prennent alors d’assaut la tribune, matraques à la main. La salle doit être évacuée en raison des fumigènes et gaz lacrymogènes et les intervenants durent poursuivre leurs interventions dans le hall de l’Hôtel des Sociétés savantes.

Ce jeune homme qui s’engage, qui affronte l’adversaire, le regard clair et les cheveux blonds coiffé à la Tintin comme le montre sa photo, ce jeune homme mesure seulement 1,62 m et a connu dans sa jeunesse des problèmes de croissance constatés à plusieurs reprises par le conseil de révision.

Classe 1924, son registre matricule porte la mention « faiblesse » ; en 1926, il est exempté par le conseil de révision de la Loire pour « arrêt de développement » et maintenu exempté par la commission de réforme de Roanne pour « faiblesse irrémédiable » en 1928. Pour l’instant l’Armée n’en veut pas. Elle changera d’avis quelques années plus tard.

Après ses études, il assiste un temps son père dans son négoce à Roanne. Puis ce dernier « ayant quitté ses affaires », il s’est installé à Paris avec son épouse, rue Quatrefages. René habite avec eux.  

Il souhaite devenir avocat, et est admis au stage le 15 novembre 1928. Il va alors effectuer son stage chez Me Villot, presque sans interruption jusqu’au 30 octobre 1933. Il demandera au bâtonnier une suspension en avril 1930 pour raison de santé. Il quitte Paris pour y revenir en juin.

À temps pour son mariage. René épouse Marie Louise Richard le 3 juillet 1930 à la mairie du 5e arrondissement. Elle a 33 ans et enseigne comme professeur de Lettres et de Philosophie. Ses deux parents sont instituteurs.

Il est inscrit au Tableau le 14 novembre 1933. Pensant s’inscrire au barreau de Melun, il avait remis sa démission au bâtonnier le 30 octobre pour finalement se rétracter et solliciter sa réinscription, des contingences personnelles l’empêchant de réaliser son projet.

À cette époque, il est domicilié rue de Charenton avec son épouse. En 1936, d’après le recensement de Paris, il est toujours à cette adresse, et il héberge sa belle-mère. Il n’y a pas trace d’un enfant.

Il quitte par la suite le 11e arrondissement pour demeurer au Carrefour de l’Odéon où il installe également son cabinet.

Il écrit pour diverses revues dont l’Almanach du Chariot, une revue d’occultisme, dans laquelle il publie en 1930 « Cartomanciennes et magnétiseurs au point de vue légal ». En 1935, on le retrouve dans le Répertoire Commaille où il disserte sur « La représentation en justice du propriétaire d’immeuble par son gérant ».

Franc maçon, il appartient à la loge Fraternité Paris.

Lorsque la guerre éclate, bien qu’ayant été réformé, Il est néanmoins classé « service armé » en février 1940 par la Commission de réforme de la Seine et affecté au dépôt de Chars de combat n° 504 à Valence qu’il rejoint le 17 avril 1940.

Après la démobilisation, il reprend ses activités d’avocat et doit se plier comme ses confrères aux obligations de la Loi du 11 septembre 1940 en justifiant de sa généalogie paternelle française. Parallèlement et dès juin 1940 il rejoint avec son épouse le premier groupe de Résistance qui se constitue à Roanne, au Faubourg Mulsant sous l’impulsion d’Elie Vieux, résistant de la première heure.

Il s’agira tout d’abord d’un groupe de propagande et d’opposition à Vichy qui édite et diffuse des tracts. En juin 1941, le groupe rejoint le mouvement Franc-Tireur. René Gouttenoire travaille alors pour le service de renseignement créé avec Elie Vieux. Son nom de code est Pasquier.

En février 1943, il entre au service de la Délégation Générale du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) pour laquelle il sera actif jusqu’à son arrestation en juin 1944. Il tient alors un service de renseignement pour le réseau Vélite-Thermopyles, qui dépendait du Bureau central de renseignements et d’action de la France Libre. Il s’occupe de liaisons et d’hébergements. Son domicile parisien est à la fois point de chute et lieu de réunion. Il héberge des clandestins, notamment Jean Moulin, des officiers des pays alliés, recrute pour différents réseaux. Surtout, il organise un important service de renseignement visant l’activité de l’aviation allemande.

Il est arrêté une 1ère fois par la police allemande puis relâché. Début juin 1944 la Gestapo a entre les mains les dossiers de nombreux résistants, dont le sien. Il est arrêté de nouveau.

La Gestapo fait irruption à son domicile, Carrefour de l’Odéon, à 7 heure du matin le 10 juin 1944 et l’emmène sous les yeux de son épouse. Après un passage rue des Saussaies, au siège de la Gestapo, il est incarcéré à Compiègne. Il est déporté par le convoi I. 229 du 18/06/1944 à destination de Dachau (Allemagne) où il arrive le 20 juin. Ce sera le plus important convoi au départ de Compiègne : il compte 2139 hommes.

Dans un premier temps, il séjourne au camp. Selon un témoin, il était au bloc 19 début août 44. « La sympathie qu’il inspirait, un certain nombre d’idées communes, ont fait que nous sommes entrés en bonnes relations et que je me suis toujours intéressé à lui depuis. Je l’ai vu partir pour un Kommando dans le Tyrol en août. Il devait en revenir quelques semaines après, amaigri et faible, atteint de furonculose. »

En novembre 44 il est entré à l’infirmerie au block 5 (où se déroulaient les expériences que pratiquaient des médecins allemands sur les prisonniers) où, en échange de prises de sang, il était un peu mieux nourri.

En janvier 45, il est encore en bonne santé, son moral est bon et il réconforte ses camarades. Le Dr Gilles, un ami de longue date se trouvant également à Dachau en témoigne : il était « très gai dans l’attente de la libération ». En effet, tous les prisonniers savent désormais que les Alliés et les Russes avancent et libèrent peu à peu camps et territoires.

Mais c’était sans compter l’épidémie de typhus qui se déclare en décembre 44 dans un camp surpeuplé où s’entassent désormais plus de 30 000 prisonniers dans des conditions de vie catastrophiques. La maladie se répand comme une trainée de poudre.

Pierre Berthaud, un de ses amis, journaliste, déporté politique, est arrivé à Dachau le 12 septembre 1944. Il a constaté de visu la présence de René à l’infirmerie, block 17, le 28 janvier 45. D’après les médecins, il était atteint d’un typhus exanthématique (i.e. transmis par les poux).

Il a constaté sa mort le 4 février 1945. C’est la date que l’on retrouve dans les archives d’Arolsen sur les fiches du camp de Dachau.

Son épouse, Marie-Louise, a prévenu très rapidement le bâtonnier de son arrestation. Par la suite elle cherche désespérément des nouvelles de son mari dont elle ne sait dans quel camp il pourrait se trouver, ni même s’il est mort ou vivant. En février 1946, elle adresse au bâtonnier les maigres renseignements qu’elle a pu obtenir. Mais s’il est exact qu’il était interné à Dachau, les témoignages recueillis s’avèrent en réalité contradictoires avec la date de son décès.

« L’horrible angoisse qui me torture depuis si longtemps me fait me jeter sur la moindre occasion d’avoir des nouvelles … /… J’ai appris que l’UNRRA s’offre à rechercher les « hommes perdus » … Le bâtonnier Poignard, frappé par cette image de désespoir, la reprendra dans son éloge : « L’imagination la plus hardie aurait-elle jamais osé placer ces mots sur nos lèvres : « À la recherche des hommes perdus ? ... »

L’identification des personnes décédées dans les camps prendra des mois voire des années. Pour nombre d’entre eux, comme René Gouttenoire, ils seront considérés comme disparus.

Il recevra la médaille de la Résistance à titre posthume en 1947.

Elie Vieux, compagnon des premiers jours de la résistance, a témoigné dans ses Mémoires Oppression et résistance de l’amitié et du respect qu’il lui vouait en le citant en tout premier dans sa dédicace :

« A mon ami René Gouttenoire, Docteur en droit, Avocat à la CA de Paris, pionnier Roannais de la Résistance, non revenu de Dachau ».

Frédérique Lubeigt.


 

Homologué F.F.C. (Forces Françaises Combattantes) et D.I.R. (Déportés et internés de la résistance).

Homologué à titre posthume - Réseau Vélites Thermopyles – avec le grade de Lieutenant pour prendre rang du 1er février 1943 - Décret du 2 avril 1954 - J.O. 14/04/1954.

Titre de Déporté résistant du 10.06.1944 au 3.02.1945.

Médaille de la Résistance – Décret du 31 mars 1947 - JO du 26/07/1947

« Résistant courageux et dévoué, qui a repris dès 1941 la lutte contre l’ennemi. En février 1943 entre au service de la Délégation Générale du C.P.R.F. à Paris. Effectue de nombreuses liaisons et s’occupe de l’hébergement des agents. Son domicile sert de point de chute et de lieu de réunions. Organise un service de renseignements de première importance. Arrêté eu cours de son activité le 10 juin 1944 à Paris par la Gestapo, a été déporté quelques jours plus tard. Disparu en déportation. »

 

Dossier administratif de René Gouttenoire.

 

Archives Historiques de la Défense :

Vincennes :

René Gouttenoire : GR 16 P 266134 / GR 28 P 4 186 164

Caen :

René Gouttenoire : AC 21 P 457 909 / AC 21 P 198790

 

Ordre de la Libération :

Mémoire de proposition pour la médaille de la Résistance : René Gouttenoire. 

 

Archives Arolsen :

René Antoine Gouttenoire

DocID: 10074146

 

Archives départementales de la Loire : 

Registre matricule de René Gouttenoire, 1R1824 - Matricules numéros 501 à 1000, 1924. 

 

Gallica :

L'Oeuvre, 30 avril 1929. 

L'Ere nouvelle, 2 mai 1929 : "les fascistes inaugurent la guerre des gaz au quartier Latin". 

 

Memorial Genweb :

René Gouttenoire.

 

Amis de la Fondation pour la mémoire de la Déportation :

Camp de de Dachau.

 

Bibliographie :

Noemí Pizarroso López, La carrière de Marinette Dambuyant, professeure de philosophie, psychologue et indianiste dans l’ombre d’Ignace Meyerso

Site biographique sur Elie Vieux. 

 

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