Emmanuel Escard de Romanovsky est ancien membre du Conseil de l'Ordre et président de l'Association des Combattants du Palais.

Comment l'engagement des avocats du barreau de Paris pendant la guerre a-t-il marqué l'histoire de la Résistance ?

Emmanuel Escard de Romanovsky : L’engagement des avocats du barreau de Paris pendant la Seconde Guerre mondiale a marqué l’histoire de la Résistance, tant par leur action clandestine que par leur rôle intellectuel et moral dans la lutte contre l’occupant nazi et le régime de Vichy. Voici les principales dimensions de cet engagement :

Fidèles défenseurs des traditions humanistes, attachés aux libertés publiques et profondément patriotes, les avocats parisiens, sont rentrés en résistance dès 1940 notamment dans le réseau du musée de l’Homme.  Cette tradition a naturellement conduit certains d'entre eux à entrer en résistance dès les débuts de l’Occupation, refusant l’armistice et la collaboration, et les atteintes portées aux droits fondamentaux, en particulier par les lois antisémites de Vichy.

Ainsi, de nombreux avocats ont rejoint les réseaux de la Résistance :

  • René Cassin, juriste et avocat, réfugié à Londres, devint l’un des piliers de la France libre auprès du général de Gaulle.
  • Jacques Charpentier, avocat et membre du réseau « Combat », participa à la rédaction de tracts et à l'organisation de la presse clandestine.
  • Léon-Maurice Nordmann, du groupe de résistance du musée de l’Homme, formé en juillet 1940.

Sans oublier les avocats au barreau de Paris qui ont été faits compagnons de la Libération : Pierre Arrighi, Jacques Renouvin, René Cassin et Emile Laffon.

Le barreau de Paris comptait ainsi plusieurs dizaines de membres impliqués dans des réseaux comme Combat, Libération-Nord, Défense de la France, ou dans des actions spécifiques de sabotage, d’exfiltration de personnes recherchées ou de renseignement. Je vous invite à consulter leur biographie sur le site Mémoire 39-45 du barreau de Paris.

Aux côtés d’une résistance « armée », il ne faut pas oublier que certains avocats ont aussi utilisé leur statut pour fournir des conseils juridiques clandestins, aider à falsifier des papiers d’identité, sauver des Juifs ou organiser des fuites. Ils servaient de relais entre la Résistance civile et les réseaux judiciaires ou administratifs, profitant de leur connaissance du système. Tout cela n’était bien évidemment pas sans risques. 99 confrères sont morts pour la France lors de la Seconde Guerre mondiale : au combat, en déportation, fusillés… Leur mémoire est honorée par une plaque dans la salle haute de notre bibliothèque au Palais de Justice de Paris, et par le monument aux morts de la salle des Pas Perdus, rappelant le sacrifice des avocats morts pour la France.

Le Bulletin du Barreau : Quel impact ont eu les avocats devenus Compagnons de la Libération, et en quoi leur héritage vit-il encore au sein du barreau ?

Emmanuel Escard de Romanovsky : Ils ont incarné l’avocat comme défenseur de la liberté au sens propre du terme, en s’engageant au risque de leur vie pour la France et ses valeurs. Leur action a influencé la reconstruction du droit français après 1945, en particulier dans le domaine des droits humains. René Cassin, par exemple, a participé à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Ces avocats ont contribué à affirmer que le droit devait servir l’émancipation et non la domination. L’héritage des avocats Compagnons de la Libération vit toujours au barreau de Paris, non seulement dans la mémoire institutionnelle, mais aussi dans l’exigence morale qui fonde encore aujourd’hui l’identité de la profession d’avocat

Le Bulletin du Barreau : Quel rôle joue l'exposition, le site Mémoire 39-45 et ce type d’évènements dans la préservation de la mémoire des avocats résistants et leur contribution à l’histoire judiciaire de la France ?

Emmanuel Escard de Romanovsky : Depuis 80 ans, le barreau et la famille judiciaire commémorent leurs morts pour la France auprès du monument aux morts du Palais de Justice. Chaque année, nous lisons les noms des 99 avocats morts pour la France. Mais il y a quinze ans, nous avons voulu savoir qui étaient les hommes et les femmes derrière ces noms. Quels avaient été leurs parcours, leurs vies… Nous avons constitué un groupe de travail pour reconstituer leur vie, établir leurs biographies et les mettre en ligne, afin de les faire vivre pour toujours. Notre journée du 13 mai est là pour rappeler leur mémoire et surtout la rendre vivante.

 

 

 

Service Communication - Maxime Rouilly-Bailly-mai 2025.

 

13 mai Emmanuel portrait
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 

 

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