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KOWNER Elie (1901-1942), avocat, déporté (matricule Auschwitz 38684)
 Elie (Ilya sur le registre juif lituanien) Kowner naît le 30 septembre 1901 à Vilnius qui faisait alors partie de l’empire russe et était un haut lieu du judaïsme qui lui valait le nom de « Jérusalem du Nord ».
Il est le fils de Sulka Halperin et d’Abel (Abelis) Kowner et le frère ainé d’Anne (Anna), née à peine un an après lui, le 11 octobre 1902.
Aucun élément ne permet de retracer la vie de la famille Kowner ni de connaître les raisons exactes de leur départ de Vilnius autour des années 20 mais dans ces années de crise économique sévère, de très nombreux habitants quittent la ville. A cette époque également, de nombreux habitants de la Lituanie émigrent vers les Etats-Unis et vers d’autres pays d’Europe dont l’Angleterre. En 1922, la famille Kowner choisit la France et s’installe à Paris au 2, rue Casablanca dans le XVème arrondissement avant d’emménager dans l’immeuble du 73, rue Boursault dans le XVIIème arrondissement dont le père fait l’acquisition grâce à sa situation économique prospère. Monsieur Kowner est homme d’affaires et banquier.
A Paris, Elie Kowner et sa sœur Anna rejoignent les bancs de la Faculté de Droit. Si Elie Kowner obtient sa licence en droit le 25 octobre 1928 avec pour matières optionnelles, le droit industriel et le droit maritime, sa sœur convole en justes noces, le 18 octobre 1928, avec Alexandre Flitman dont elle divorcera deux ans plus tard.
L’année 1929 est marquée par le décès, à l’âge de 54 ans de Sulka, la mère d’Elie.
L’année suivante, Elie Kowner est naturalisé français par décret du 22 avril 1930, par application de l’article 6 § 1er de la loi du 10 août 1927 : il a justifié de sa résidence ininterrompue en France depuis plus de 3 années. Sitôt naturalisé, il se fait recenser auprès du bureau de recrutement dont relève son domicile. En raison de son âge, 29 ans révolus, il est incorporé dans la réserve du service militaire, sur appel individuel pour de courtes périodes.
Clerc d’avoué chez Maître Thielland puis avoué près le Tribunal civil de la Seine depuis le 5 mai 1930, Elie Kowner demande son admission au Barreau de Paris en novembre 1931. Sur le rapport du Bâtonnier Payen et accompagné des recommandations favorables de Maître Thielland, il est admis au stage le 26 janvier 1932 et au tableau le 26 janvier 1937.
En 1932, Elie Kowner embrasse la profession d’avocat et rejoint un barreau dont certains de ses membres stigmatisent de plus en plus l’« invasion » des confrères naturalisés ou issus d’immigrés, stigmatisation relayée par de nombreux membres des professions libérales craignant pour leur métier. Une certaine presse de l’époque en fait l’écho, s’insurgeant contre l’admission en nombre d’avocats étrangers au barreau de Paris en citant leurs noms pour lesquels « Il ne faut pas être grand clerc pour deviner les noms sémites ». Le nom de Kowner est invariablement cité par la presse qui dénoncera par la suite sa qualité d’avocat communiste. Elie Kowner a le défaut d’être communiste, étranger et juif de surcroit.
Lorsque la guerre éclate en septembre 1939, il est mobilisé et affecté comme simple soldat au 224e régiment régional, 2ème bataillon, 9ème compagnie avant de passer à la 8ème compagnie. Le 224e régiment régional est un régiment francilien affecté aux travaux de défense de la Ligne Chauvineau (ensemble de fortifications destinées à la défense de Paris et sa région). La compagnie à laquelle appartient le soldat Kowner creuse des tranchées et des casemates notamment à Chantilly autour d’un camp d’aviation. Le 25 mai 1940, le soldat Kowner est rappelé dans l’unité de gestion du 224e. Deux jours plus tard, le 27 mai 1940, il se trouve au 219e dépôt d’infanterie coloniale basé à Paris où il a attendu une nouvelle affectation.
Le 13 juin 1940, alors que Paris, vidée de ses habitants, est déclarée ouverte et que tout combat y est interdit, tous les soldats se trouvant casernés au 219e dépôt quittent Paris en direction de Rambouillet, après s’être dispersés en petits groupes, selon les ordres reçus. Elie Kowner avec un groupe de soldats se retrouve le 14 juin à Saclay à 20 km Paris. En chemin vers Rambouillet, il rapportera devant le Conseil de l’Ordre, avoir été fait prisonnier puis relâché immédiatement et au lieu de rejoindre la Kommandantur indiquée, il s’est dirigé vers le sud pour se trouver à la date de l’entrée en vigueur de l’armistice, le 25 juin 1940 en zone non occupée.
A l’été 1940, Elie Kowner retrouve l’immeuble de la rue Boursault, à la fois son domicile professionnel et personnel, qu’il partage avec sa sœur Anna et dont il a hérité à la suite du décès de son père en novembre 1939 à Londres, où ce dernier avait pris sa retraite.
En octobre 1940, le Barreau de Paris applique la loi du 10 septembre règlementant l’accès au Barreau : seules les personnes justifiant d’une nationalité française, à tire originaire, comme étant né d’un père français peuvent rester inscrit au Tableau. Elie Kowner, sauf à justifier qu’il a servi dans une unité combattante de l’armée française durant la guerre de 1939, ne pourra y rester inscrit.
Le Conseil de l’Ordre en sa séance du 12 novembre 1940, après avoir entendu Henri Durandy dans son rapport et Elie Kowner en ses explications, n’a en effet pas retenu qu’il avait servi dans une unité combattante et a arrêté en son article 1er : « M. Elie KOWNER ne pourra être maintenu au Tableau des Avocats lors de sa réfection ».
Elie Kowner est arrêté à Paris au cours de la vague d’arrestations du mois d’août 1941 qui s’étend depuis le 21 août aux intellectuels Juifs dont les avocats. Le 12 septembre 1941, le SS Heinrichsohn, adjoint du chef de la Gestapo, Theodor Dannecker fait procéder à un appel général dans la Cour du Camp de Drancy. Il fait photographier et filmer les avocats les plus éminents dont la presse se faisait le relais au titre pour le Paris-Soir : « Je les ai vus, ces juifs millionnaires, ex-célébrités du barreau parisien internés dans un camp proche de notre capitale »
Interné à Drancy, sous le matricule d’internement n°4821, Elie Kowner comme tous les autres internés du camp est alors coupé des siens, aucune visite n’étant octroyée. Il endure les conditions d’hygiène déplorables et de faim et subit la terreur des représailles qui s’amplifient du fait des actions de la Résistance. Le 29 avril 1942, Elie Kowner avec 783 autres hommes est transféré au camp de Royallieu à Compiègne devenu un camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs, constituant une réserve d'otages : résistants, militants syndicaux et politiques, juifs, civils pris dans des rafles, ressortissants étrangers.
Le 5 juin 1942, il fait partie des 1000 hommes Juifs retenus pour le convoi n°2 qui quitte Compiègne à 9h30 pour d’Auschwitz-Birkenau. C’est ce même jour que par courrier, le bâtonnier Charpentier lui faisait connaître que l’arrêté du Conseil de l’Ordre du 12 novembre 1940 devait maintenant entrer en application.
Arrivé au camp d’Auschwitz-Birkenau le 7 juin, Elie Kowner y meurt deux semaines plus tard, le 23 juin 1942, il a 41 ans.
Restée en France, sa sœur Anna décède le 14 juillet 1944 à Meudon, aux portes de Paris où elle avait semble-t-il trouvé refuge, ne pouvant plus habiter l’immeuble de la rue Boursault, mis sous administration judiciaire sur décision du Commissariat général aux questions juives du 12 février 1943.
Aline Hamel-Martinet.
 

Certains documents du dossier dont :

Eléments biographiques

Diplôme de licence

Décision du Conseil 1940

Lettre du Bâtonnier Charpentier 5 juin 1940

Archives de Caen Mémorial

Elie Kowner : Cote AC P 21 260591

Yad Vaschem

La liste des déportés du convoi n°2 du 5 juin 1942

Elie Kowner

The Jerusalem of Lithuania

Mémorial de la Shoah

Elie Kowner

Memorial and Museum Auschwitz – Birkenau

Elie Kowner

Mémoire des hommes

Base des morts en déportation (1939-1945) : Elie Kowner

Mémorial GenWeb 

Elie Kowner  

Archives de Paris

1928, Acte de Mariage d’Anne Kowner et Alexandre Flitman : 15M 329 (page 16)

1929, Acte de décès de Sulka Halperin : 17D 239 (page 18)

1930, 6e Bureau, Liste principale : Elie Kowner, matricule 2362 : D351 401 (page 2)

1931, Recensement 17, Batignolles : D2M8 437 (page 102)

1936, Recensement 17, Batignolles : D2M8 653 (page 102)

Gallica-BNF

Loi sur la nationalité du 10 août 1927

Décret de naturalisation du 22 avril 1930 JO du 4 mai 1930 (page 5027 Elie Kowner)

L’Action Française « L’invasion » : 27 octobre 1933

Le Petit Oranais « L’invasion » : 30 novembre 1933

Chantecler (Hanoï) « Des noms modernes » : 30 septembre 1934

L’Humanité (Hommage à Paul Vaillant-Couturier signé par les avocats communistes) : 13 octobre 1937

Le Petit Oranais « Bons français » : 23 janvier 1938

Journal Officiel de l’État Français du 12 février 1942, Commissariat général aux questions juives, ADMINISTRATEURS PROVISOIRES : Arrêté

RetroNews

Je suis partout « Le Palais de Sion » : 11 avril 1941 (page 2)

 Cairn : Le camp de Royallieu à Compiègne

Geni.com : Abelis Kowner

Angleterre & Pays de Galles, recensement 1939 : Abelis Kowneris

Angleterre & Pays de Galles, Index de décès, 1837-2005 (page 427) : décès de Abelis Kowner oct nov 1939 à St Marylebone, Londres

Geni.com : Anna Kowner

Bibliographie

Henri Mincezeles, Vilna, Wilno, Vilnius : La Jérusalem de Lituanie, La Découverte, 2000

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