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Pseudonyme : « Cher Maître ».

On sait peu de choses sur l’enfance de Jean Séjournant si ce n’est qu’il est né le 10 février 1891 à Flavigny sur Ozerain en Côte-d’Or dans une famille implantée de longue date en Bourgogne.

Son père, Pierre Séjournant, est un fonctionnaire du ministère des Finances très exactement Percepteur des Contributions Directes.Il a deux frères aînés, Joseph Séjournant, vétérinaire à l’Institut Pasteur, tué à l’âge de 29 ans, le 1er janvier 1915 ; ce dernier a suivi de peu son cadet Emmanuel Séjournant, mort également pour la France, à 26 ans, le 31 août 1914.

Docteur en droit, parlant l’anglais, Jean Séjournant s’inscrit dans un premier temps, le 8 novembre 1911, à l’âge de 20 ans, au barreau de Poitiers où il exercera jusqu’en novembre 1914.

Lorsque la guerre de 14 éclate, alors que ces deux frères sont mobilisés, il tente en vain de s’engager volontairement mais sans que l’on en connaisse la raison, il est réformé.

Le 8 novembre 1914, il quitte alors le barreau de Poitiers et la profession d’avocat pour entrer au ministère de l’Intérieur comme Rédacteur Principal de 1ère classe. Il y restera durant toute la première guerre mondiale et jusqu’en 1925 au ministère de l’Intérieur où il assume des missions de premier plan. En effet, Jean Séjournant est nommé chef de cabinet du Commissaire général à la Sûreté Nationale. À ce titre il prit une part importante dans les missions de centralisation des renseignements du contre-espionnage.

Au regard de l’efficacité de ses actions au sein de la Sûreté Nationale et de ses états de service, il est fait Chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire le 2 août 1919. Jean Séjournant sera également promu Chevalier de l’Ordre de la Couronne de Belgique et Chevalier de la Couronne d’Italie.

De 1919 à 1925, il assumera les fonctions de Contrôleur Général des régions libérées, l’Alsace et la Lorraine. À l’automne 1925, il demande sa mise en disponibilité pour intégrer le barreau de Paris. Après avoir pris des renseignements approfondis auprès des services du ministère de l’Intérieur, son rapporteur, Pierre Masse, donnera un avis favorable à son intégration le 21 octobre 1925.

Marié depuis juin 1918 avec Marie Thérèse Chauveau, père de deux enfants, il semble développer très vite une clientèle d’institutionnels. En effet, le nom de Jean Séjournant est très régulièrement cité dans des affaires où il occupe pour le Trésor, l’Administration des Douanes, l’Office des Pupilles de la nation ou encore le ministère du Travail. De même on verra son nom apparaître comme avocat de la Compagnie du Métropolitain ou encore de l’Agence Havas.

Mais à côté de cette vie professionnelle, Jean Séjournant est très impliqué dans la vie politique. Homme de gauche, probablement radical socialiste, il écrit très régulièrement, durant toutes les années 30, des articles pour le journal l’Ere Nouvelle. Confidentiel, ce journal, créé en décembre 1919 par deux socialistes à savoir Yvon Delbos et Gaston Vidal, se veut un organe d’entente des Gauches et, à ce titre, exerce une influence certaine au sein du parti radical.

Sa contribution journalistique est variée puisqu’il va produire des chroniques judiciaires et des articles à la fois sur la législation fiscale et sur les relations internationales.

Dans le même temps, Jean Séjournant semble avoir eu un rôle certain au sein de la franc-maçonnerie, le Grand Orient, puisque dès 1926, il est Vénérable de la loge Avant Garde Maçonnique.

En janvier 1935, il est promu Officier de la Légion d’Honneur, à titre civil, sur le rapport du ministre des Finances.

Si l’on ne sait rien des engagements de Jean Séjournant durant la drôle de guerre ou même durant l’exode, on sait qu’il entre en résistance dès 1940.

Effectivement, autour de ce que Germaine Tillon a appelé après la guerre le Réseau du Musée de l’Homme, se sont formés des groupes d’avocats qui participaient à la fois l’activité du renseignement mais aussi à la rédaction de parutions clandestines. Parmi ces avocats il y a bien sûr Léon Nordmann et Albert Jubineau, mais aussi Jean Séjournant.

Simone Martin Chauffier et le frère de cette dernière évoqueront l’activité de Jean Séjournant qui les rejoignait régulièrement dans un appartement de l’avenue Henri Martin où ils se réunissaient pour écrire des articles à paraître dans les deux journaux du Réseau du Musée de l’Homme à savoir Résistance qui paraîtra de décembre 1940 à mars 1941 et Vérité Française dont les 32 numéros paraîtront d’octobre 1940 à novembre 1941.

Dans le même temps, poursuivant son activité d’avocat, il semblerait que Jean Séjournant ait fondé, au sein du Palais, un groupe dit anti allemand qui poursuivra son activité après le démantèlement, en 1941 puis en 1942 du « Réseau du Musée de l’Homme ».

Est-ce à cause de ses positions politiques d’avant-guerre, est-ce parce que l’on sait qu’il appartient à la franc-maçonnerie que Jean Séjournant sera remarqué par les collaborateurs zélés et opportunistes du journal le Pilori ?

Quoi qu’il en soit, le 22 novembre 1940, le Pilori publiera un article insultant sur Jean Séjournant mettant en avant son appartenance à la franc-maçonnerie, insistant également sur le fait qu’il n’a pas participé à la première guerre mondiale, le traitant de « planqué » et laissant entendre, enfin, que pour obtenir des résultats favorables, il soudoyait les magistrats. Avec un certain courage, Jean Séjournant assignera le Pilori en diffamation et obtiendra, par un jugement du 18 mars 1941, la condamnation de ce journal et de son gérant non seulement à une amende de 1000 Fr. mais à 30 000 Fr. de dommages et intérêts qu’il remettra à la caisse de secours de l’Ordre des Avocats. Cet acte de courage et ce don lui vaudront de recevoir, le 3 juillet 1941, une lettre du Bâtonnier Charpentier le félicitant pour la réussite de son action judiciaire.

Dans cette période, alors même que le « Réseau du Musée de l’Homme » était décimé, Jean Séjournant, à titre individuel mais également avec un groupe probablement de confrères, continuait à faire du renseignement et à diffuser des tracts comme en atteste Léonce Bernheim qui relate leur rencontre à Nice, l’été 1941. Au cours de cet échange, il apparaît que Jean Séjournant souhaitait joindre ses efforts à ceux de Léonce Bernheim qui malheureusement fut arrêté en 1943 et périt, en décembre 1944, à Auschwitz.

Si l’on perd la trace de Jean Séjournant en 1942, il semblerait qu’au début de l’année 1943, il est proche du Front National des Juristes, réseau créé par Joë Nordmann et présidé par Pierre de Chauveron, assurant la liaison avec les avocats emprisonnés.

Il est également en contact avec le Comité des Juristes de la Résistance qui, notamment, recueille des informations sur les faits de répression de la collaboration. Le Professeur Julliot de la Morandière et l’avocat général Mornet appartiendront à ce Comité des Juristes de la Résistance affilié au C.G.E soit Comité Générale d’Études.

En octobre 1943, Jean Séjournant rejoindra le réseau Samson implanté dans l’Aube depuis mars 1943, son confrère Jean Kreher fera de même. Le réseau Samson, créé par Robert Masson qui sera fait Compagnon de la Libération, a pour mission de collecter des renseignements militaires sur l’armée d’occupation et de rendre compte au BCRA de la France Libre en vue de leur exploitation aérienne. Pour ce faire ce réseau assurera des liaisons radio et organisera un service de reproduction de courrier. Jean Séjournant assurera des fonctions de sous-chef de réseau et il lui sera reconnu, après-guerre, le grade de lieutenant des F.F.C soit de la Force Française Combattante. Sous le pseudonyme de « Chermaître » avec l’indicatif RRB 300, il collectera des renseignements jusqu’au 27 avril 1944.

À cette date, parce qu’il avait fourni des faux papiers à un jeune homme réfractaire au S.T.O, Jean est arrêté par la Milice rue de Châteaudun et torturé : il est de ceux qui n’ont pas parlé. Son épouse, Marie Thérèse, arrêtée et incarcérée en même temps que lui, sera libérée quelques jours plus tard. Il sera interné à Fresnes jusqu’au 15 août 1944 ; deux jours plus tard, Jean montera en gare de Pantin, dans un wagon du dernier convoi de déportés, le 79, que le Consul de Suède essaiera vainement d’arrêter. Il fera partie de ces 2400 malheureux, dont son confrère Jean Kréher, arrêté lui aussi en avril, son client, Marcel Dassault, des beaux-parents du bâtonnier Granrut et du père de la bâtonnière La Garanderie qui subirent, durant ce transport, de terribles épreuves : ils ont dû charger dans un train de marchandises, enchaînés, sous le soleil, sans eau, le butin des occupants qui fuyaient Paris alors que l’on entendait tonner les canons de la libération. Arrivé cinq jours plus tard à Weimar puis à Buchenwald, il fut doté du matricule 77671.

Envoyé au sous camp d’Ellrich ouvert en mai 44, pour travailler dans les « Sonderstab Kammler » Jean est affecté à des travaux harassants dans des conditions de détention épouvantables. En effet, les déportés de ce sous camp devaient creuser des galeries souterraines pour permettre aux Allemands d’enterrer leurs usines aéronautiques. À demi nus, nourris principalement d’une soupe à la pulpe de betterave, épuisés par une dysenterie chronique, sous les coups des gardiens, les prisonniers de ce camp mourraient chaque jour par centaines ; la durée moyenne de vie dans cet enfer était de 4 semaines.

Devant l’avance des Russes et la désorganisation complète du camp d’Ellrich, les déportés affectés à ce lieu sinistre furent rapatriés à la fin de l’année 1944 à Buchenwald. Au sein du camp, comme l’a raconté un de ses compagnons d’infortune, il était estimé au point qu’il avait été choisi comme chef de table soit responsable de la répartition du pain entre tous ces affamés. Atteint d’une dysenterie chronique, martyrisé et battu régulièrement par un kapo russe, épuisé et dénutri, veillé par ses camarades, Jean Séjournant mourut au Revier, le 11 février 1945, au lendemain de ses 54 ans.

Il laissait une veuve et deux enfants dont un fils Pierre. Le parcours de ce dernier doit être évoqué car si, Jean Séjournant était revenu de Buchenwald, il en aurait été très fier. En effet, Jean ayant procuré des faux papiers à son fils Pierre, ce dernier rejoignit l’Afrique du Nord en passant par l’Espagne. Avec le même courage que celui de son père, Pierre s’est engagé dans la 1ère armée française et a débarqué en Provence, deux jours avant celui où le dernier convoi de Pantin, emmenait Jean vers Buchenwald.

Remontant la vallée du Rhône pour libérer l’Alsace et pénétrer en Allemagne, Pierre Séjournant rencontra, au printemps 45, à Strasbourg, Marcel Dassault de retour en France après la libération de Buchenwald. Marcel Dassault, qui avait été affecté dans le même block que Jean, le block 61, lui apprit la nouvelle de la mort de son père et les circonstances affreuses de cette dernière. De son vivant, Pierre Séjournant reçut la Croix de Guerre 39-45 et la Croix du Combattant volontaire de la Résistance. En revanche c’est à titre posthume que son père, Jean Séjournant, reçut le 17 mai 1946, la Médaille de la Résistance avec Rosette puis la Croix de Guerre et fut enfin cité à l’Ordre de la Nation, le 26 novembre 1946.

Sans sépulture, les enfants de Jean Séjournant ramenèrent un peu de terre du Revier de Buchenwald pour la joindre, le moment venu, aux cendres de son épouse Marie Thérèse.

Marie-Alice Jourde.

Diplôme d’honneur 1914-1918 du Ministre de l’Intérieur « en reconnaissance de son concours dévoué aux populations victimes de la guerre refugiées et rapatriées ».

Chevalier de l’Ordre de la Couronne, 1919.

Commandeur de l’Ordre du Nicham Iftikar, 1920.

Officier de la légion d’honneur.

Médaille de la Résistance : J.O. 22 mai 1946 

Citation à l’Ordre de la Nation, J.O. 8 juillet 1948 

Croix de guerre avec palmes, citation à l’Ordre de l’Armée, à titre posthume, décision n°900, 30 mars 1954 : « Séjournant Jean Baptiste, lieutenant. Membre des F.F.C. arrêté le 25 avril 1944 interné jusqu’au 14 août 1944. Déporté le 15 août 1944 est décédé le 11 février 1945 ».

Dossier administratif de Jean Séjournant.

Dossier administratif de Léonce Bernheim.

Archives nationales

Dossier de la Légion d’honneur : Jean Séjournant

Archives de Vincennes

Jean Séjournant : GR 16P543891.

Archives Arolsen

Jean Séjournant

Généanet :

Pierre Antoine Séjournant, son père.

Louise Madelaine Marie Testu, sa mère.

Joseph Pierre Emmanuel Séjournant, son frère.

Archives familiales

Lettre et discours de Pierre Séjournant.

Lettre de Jean Puissant à Marie Thérèse Séjournant.

Article de Jean Kréher dans La Voix de la Résistance.

Portrait non daté de Jean Séjournant.

Croquis à Buchenwald dessiné par un condisciple.

Courrier de la Croix Rouge adressé à la mère de Jean Séjournant.

Gallica / Retronews

L’Ere Nouvelle, 13 janvier 1935.

Le Populaire, 16 septembre 1936.

Avocat des sociétés cinématographiques :

Excelsior, 19 mars 1938.

Le Figaro, 19 mars 1938.

Avocat du Trésor :

Le Jour, 31 mars 1939.

La France socialiste, 10 décembre 1941.

La France socialiste, 16 février 1943.

Bibliographie

 Le réseau du Musée de l’Homme -Une épopée tragique – Collection Mémoire et Citoyenneté.

Jacques Bernardeau, Le Kommando de Ellrich (extrait du Mémorial).

Les nuits de la Résistance, France Culture (1964/2022).

Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France, Tome 1, Famot, Paris, 1982.

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