Jean-François Bokanowski est né le 22 février 1910, dans l’appartement familial, à Paris dans le 8ème arrondissement. La famille demeure 85, boulevard Malesherbes. Jean-François est le premier enfant de Moïse Bokanowski, dit Maurice Bokanowski, et de son épouse, Marguerite Wolff. Marguerite a 23 ans. Son père, Alfred Wolff, est également domiciliée 85, boulevard Malesherbes. Il est commissionnaire exportateur. Marguerite a un frère, Robert, qui est ingénieur des Ponts et Chaussées.
Le père de Jean-François, Moïse dit Maurice, est né au Havre en 1879, a fait ses études de droit à Paris et a été admis au barreau de Paris le 11 mars 1904. La famille Bokanowski est d’origine polonaise et juive. Le grand-père de Maurice, Marcus Bokanowski, avait quitté la Pologne avec femme et enfants pour rejoindre la France.
Son fils Léon, le père de Maurice, était journalier à Paris. Son projet était de s’installer en Amérique. A Paris, Léon avait épousé Julie Rasskowska, née dans le même village de Pologne que lui, et le couple avait poussé jusqu’au Havre pour essayer d’embarquer vers leur terre promise. La famille, déjà forte de plusieurs enfants à l’arrivée au Havre – il y en aura sept et le petit Moïse est le sixième – n’eut pas les moyens de s’offrir cette traversée. Elle partit s’installer à Toulon, où Moïse-Maurice fit ses études secondaires et son service militaire.
Moïse ne dissimulait pas que son prénom n’était pas propice à la carrière publique qu’il envisageait. Il adopta le prénom de Maurice en 1903. Le 1er janvier 1907, il avait renouvelé, dans une lettre écrite au bâtonnier, son souhait que le conseil de l’Ordre accepte qu’il soit dorénavant appelé Boka et que figure, dans les documents administratifs, le nom de Bokanowski dit Boka. La semaine suivante, dans une lettre du 7 janvier 1907, il demandait au bâtonnier de ne pas donner suite à cette demande.
Maurice Bokanowski a connu une carrière extraordinaire, à la mesure de l’homme travailleur, ambitieux et brillant qu’il était. Ancien élève de l’école de commerce de Marseille, ancien élève de l’école libre des Sciences politiques, il a même suivi des cours de chinois à l’école nationale des langues orientales modernes. Il a poursuivi ses études de droit jusqu’à l’obtention du titre de docteur en droit avec pour sujet de thèse Les commissions internationales d’enquête. Précurseur, il plaide, dans sa thèse, pour la création d’une Société des Nations.
Maurice s’est présenté à la députation en avril 1910 sous la bannière socialiste radicale. Il a échoué, mais est élu quatre ans plus tard dans la quatrième circonscription de Saint-Denis après avoir fait campagne pendant ses trois années de service militaire. Lorsque la première guerre mondiale éclate, il pourrait être exempté, mais choisit de servir. Là encore, il va montrer des qualités militaires exemplaires, un dévouement et un patriotisme, qui lui vaudront quatre citations, la Croix de Guerre et la Légion d’honneur à titre militaire.
En 1919, Maurice Bokanowski est réélu député de la Seine. Le 29 mars 1924, Raymond Poincaré le nomme ministre de la Marine. En 1926, il lui confie le portefeuille du Commerce et de l’Industrie ainsi que la responsabilité des Postes et Télégraphes et de l’Aviation. Maurice Bokanowski meurt dans un accident d’avion, le 2 septembre 1928, dans l’exercice de ses fonctions.
Le choc est rude. Jean-François accompagnait parfois son père dans ses déplacements politiques. En avril 1928, il conduisait la voiture de son père, alors ministre, mais aussi à nouveau candidat à la députation.
Les années suivantes, Jean-François participe, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de son père, à des manifestations publiques d’hommage avec dépôt de gerbes de fleurs. Pendant des années, il sera invité, en sa qualité de fils de Maurice Bokanowski, à assister à différents évènements politiques, inaugurations et autres. Ainsi, le 1er décembre 1929, le bâtonnier Payen est-il convié à l’inauguration d’un buste de Maurice Bokanowski dans le vestibule d’honneur de la mairie d’Asnières-sur-Seine, dont Michel, le deuxième fils de Maurice, sera le député et le maire pendant des décennies.
Jean-François a 18 ans lors du décès de son père. Il est l’ainé d’une fratrie de quatre enfants. Son frère Michel est né en 1912. Anne, son unique sœur, est née en 1917. Puis Olivier, le dernier, a vu le jour en 1919.
Jean-François suit les traces de son père. Il obtient sa licence en droit le 5 juillet 1930, suivie de deux diplômes de doctorat. Il s’inscrit à l’école libre des sciences politiques dont il sort diplômé en finances publiques.
Le 12 avril 1931, il a les honneurs de la presse, en l’espèce Le Phare de la Loire, qui rapporte la distribution de récompenses de la Société parisienne de Sauvetage et mentionne la remise de la médaille de bronze à Jean-François Bokanowski pour avoir sauvé un enfant lors d’un accident d’ascenseur.
Jean-François accomplit ses obligations militaires à la suite de ses études. L’excellence est à l’Ecole de cavalerie de Saumur. Après deux ans de préparation militaire supérieure, Jean-François y accède comme élève-officier. Il la quitte classé 8ème et avec le grade de sous-lieutenant au 4ème Hussards.
Toujours dans l’exigence - modèle paternel oblige, il suit les cours de l’école de perfectionnement des officiers de réserve.
Comme il est d’usage, il accomplit également des stages pendant deux ans pour se familiariser avec la procédure. A la rentrée 1931, il travaille d’abord chez Maître Le Sourd, avoué, puis chez Maître Hardy, agréé. Le premier l’initie à la procédure civile, le second à la procédure commerciale.
L’Excelsior du 2 janvier 1933, rend compte, dans sa rubrique « Cercles », de l’admission de Jean-François Bokanowski comme membre du Comité Franco-Amérique. Il est parrainé par André Tardieu, ancien député, ancien Président du conseil et grand admirateur des Etats-Unis, et par le général Henri Gouraud qui est alors Gouverneur militaire de Paris.
D’où provient cette attirance pour les Etats-Unis ?
Jean-François est admis à la prestigieuse université d’Harvard pour l’année universitaire 1934-1935. L’année passée à la Harvard Business School a pour but de lui permettre d’approfondir le droit américain des sociétés.
En l’honneur du père décédé, dont ils sont si fiers, les enfants Bokanowski et leur mère ont entrepris une démarche pour transformer leur nom patronymique de Bokanowski en Maurice-Bokanowski. Une ordonnance du Tribunal de la Seine du 2 juin 1933 a fait droit à leur demande.
Jean-François est admis au stage du barreau de Paris le 26 novembre 1935. Il a prêté serment le 21 novembre.
Il devient le secrétaire de Maître Edmond Laskine. Normalien et agrégé de philosophie, Edmond Laskine est avocat à la cour d'appel de Paris. C'est un collaborateur régulier du quotidien Le Matin. Il est le frère de la célèbre harpiste Lily Laskine.
Questionné par l’Ordre sur les qualités de son stagiaire, Edmond Laskine répond au bâtonnier, le 16 juin 1936 :
« Vous avez bien voulu me demander de vous faire connaître mes observations sur le travail accompli à mon cabinet depuis son admission au stage par Maître Jean-François Maurice-Bokanowski.
Elles sont très favorables. Maître Bokanowski s’est acquitté, avec zèle et intelligence, de recherches et d’études de jurisprudence notamment en matière de propriété industrielle et de droit des sociétés.
Il a directement et très utilement préparé plusieurs dossiers, dont quelques-uns considérables, posant des questions complexes qu’il a exactement aperçues et précisément posées.
Son travail témoigne d’un esprit déjà mûr et d’un vrai désir de formation professionnelle juridique. »
Jean-François poursuit ses études avec l’objectif d’obtenir le titre de docteur en droit. Il participe, à ce titre, aux travaux de la Section économique de l’Institut de Droit comparé de la Faculté de droit de Paris. Il est membre de la troisième commission qui étudie L’évolution de la notion d’entreprise commerciale sous l’influence des circonstances économiques.
En décembre 1936, Jean-François et son confrère, Pierre Lazarus, sont à l’origine de la création du Cercle français des étudiants étrangers. Ils ont obtenu, peut-être grâce au nom de Maurice Bokanowski, le parrainage de l’écrivain Paul Valéry, de l’Académie française, et celui de Sébastien Charléty, recteur de l’Université de Paris. Le Cercle a pour objet d’aider les étudiants et jeunes intellectuels étrangers à faire connaissance avec la pensée et l’art français contemporain. Des réunions, des conférences et des visites des trésors artistiques de la France sont prévues. Cette initiative est saluée dans la presse.
Le 23 septembre 1938, Jean-François épouse Arlette Davids à la mairie du 17e arrondissement. Arlette est née le 16 juin 1902 à Paris. Elle a huit ans de plus que son mari. Arlette est artiste peintre. Comme son père et sa mère. Andrew Davids, dit André David, est né à Bruxelles et il a acquis une certaine notoriété. Son tableau Portrait de Madame Davids lisant appartient, entre autres, aux collections du Musée d’Orsay. La mère d’Arlette, Renée Davids, née en 1877, expose régulièrement des dessins et des miniatures entre 1901 et 1914 au salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Certaines de ses œuvres sont dans les collections du Musée Pompidou.
Les nouveaux époux s’offrent des vacances d’hiver à la montagne. Malheureusement, le 22 décembre 1938, Jean-François fait une très mauvaise chute et se fracture le fémur gauche. Le nerf sciatique est lésé et Jean-François est immobilisé dans le plâtre pour de longues semaines.
Jean-François s’est présenté au concours de la conférence du stage à deux reprises, en 1936 et en 1937 pour appartenir à la promotion élue à l’issue de l’année suivante. Sans succès. Il envisage de se présenter une troisième fois et s’est inscrit dès la rentrée 1938. Toutefois, son état de santé lui interdit tout déplacement. À tel point qu’il sollicite du secrétaire général de l’Ordre un congé de trois mois à dater du 4 janvier 1939. Il est encore stagiaire doit se soumettre aux réunions de colonnes et à toutes les obligations qui incombent aux stagiaires.
Dans une lettre au bâtonnier du 2 mars 1939, il indique que sa guérison se trouve retardée et qu’il ne pourra reprendre son activité avant la fin du mois d’avril. Il demande également que sa troisième inscription au concours de la Conférence du Stage soit reportée à l’année suivante.
L’année suivante… la guerre sera déclarée et Jean-François n’aura jamais l’occasion de postuler la prestigieuse fonction de Secrétaire de la Conférence du Stage.
En attendant, il ne peut marcher qu’avec un appareil orthopédique et le pronostic du médecin est très réservé sur l’absence de séquelles. Un examen par un médecin militaire, en mai 1939, le met en disponibilité pour 3 ans.
Sent-il la situation politique internationale se dégrader ? Toujours est-il qu’il sollicite des autorités militaires une visite de réincorporation, qui a lieu le 16 août.
La déclaration de guerre de la France à l’Allemagne date du 3 septembre 1939.
Dans le questionnaire envoyé par l’Ordre, à partir de septembre 1939, pour connaitre la situation des avocats pris entre leurs obligations professionnelles et militaires, Jean-François indique qu’il pense être appelé dès que les bureaux auront régularisé sa situation.
Il est domicilié 97, rue de Prony, dans l’immeuble ou dans l’appartement des Davids, parents de sa femme. Il mentionne Wissant, dans le Pas-de-Calais, comme adresse de la famille pendant les hostilités. Et c’est Edmond Laskine qui s’occupera de son cabinet dès qu’il sera mobilisé.
Le 23 septembre 1939, il rejoint le 11ème régiment de Dragons portés avec le grade de lieutenant commandant un peloton de canons anti-chars. Maîtrisant la langue anglaise, il est volontaire pour servir de liaison avec l’armée britannique. Le 12 janvier 1940, il est affecté au First Lothians and Border Yeomanry, une unité de reconnaissance motorisée de l’armée territoriale britannique. Le régiment tient des avant-postes devant la ligne Maginot jusqu’au 18 mai 1940, date à laquelle il est envoyé sur la Somme, au sud-est d’Abbeville. Les Allemands, après avoir envahi et pris possession de la Pologne, ont envahi la France le 10 mai.
Lorsque l’Armistice est signé, le régiment de Jean-François a perdu la moitié de ses hommes et plus de la moitié de ses officiers.
Arrivent l’Occupation et son lot de mesures vexatoires et discriminatoires. Les juifs sont les premiers dans le viseur des Nazis. Dès son retour à Paris, Jean-François apprend, comme tout avocat, la promulgation de la loi du 11 septembre 1940. Cette courte loi a uniquement pour objet de réglementer l’accès au barreau en restreignant celui-ci aux personnes possédant la nationalité française « à titre originaire, comme étant né d’un père français ». Une dérogation est prévue pour les anciens combattants de 1914 et 1939.
Aussitôt votée, elle est mise en œuvre par l’Ordre. Le 2 novembre 1940, Jean-François écrit à son confrère rapporteur, chargé des vérifications de pièces attestant de la réalisation des conditions imposées par les Allemands, que malgré ses recherches, il lui est « impossible de mettre la main sur un document établissant la nationalité de mon père ». Il espère que les registres de l’état civil du Havre sont indemnes. Camille Bernard, le rapporteur, le rassure, dans une lettre du 19 novembre, en lui indiquant que la mention de son père comme inscrit au barreau de Paris suffisait.
Jean-François Bokanowski peut reprendre son exercice professionnel interrompu par la guerre. Le 25 mai 1941, il a la joie d’accueillir son premier enfant, François. Cette joie est sans doute tempérée par toutes les incertitudes et angoisses qui doivent l’étreindre au regard du contexte politique.
Le 16 juillet 1941 est promulgué le décret qui règlemente l’accès des juifs à la profession d’avocat. Il institue un numerus clausus de 2%, comprenant les anciens combattants, et autorise le Conseil de l’Ordre à proposer des dérogations.
Jean-François n’apparait pas sur la liste, établie par le Conseil de l’Ordre, des 47 avocats juifs dont les mérites exceptionnels justifient qu’ils soient conservés dans les rangs du barreau de Paris.
Il est « omis », c’est-à-dire désinscrit du tableau, le 12 février 1942.
Jean-François ne renonce pas et exerce un recours. Il considère qu’il appartient à la catégorie des anciens combattants de 1939 et ne peut, à ce titre, être radié.
Le 4 juillet 1942, le Procureur Général du parquet de Paris fait savoir au bâtonnier que Jean-François, qui était « compris dans la liste des avocats juifs devant cesser d’exercice de leur profession, vient de justifier qu’il avait fait l’objet au cours de la campagne 1903 – 1940, d’une citation lui donnant droit au port de la Croix de Guerre. » En conséquence, le nom de Jean-François est ajouté à la liste des avocats juifs du ressort de la cour d’appel de Paris « maintenus par priorité dans l’exercice de leurs fonctions ».
La cour d’appel, convoquée en assemblée générale d’ordre de Monsieur le Premier Président (de la Cour d’appel), entérine, dans un arrêt le 25 juillet 1942, l’adjonction du nom de Maître Maurice-Bokanowski Jean-François à la liste des avocats juifs autorisés à poursuivre leur exercice professionnel.
Cette licence ne vaut pas blanc-seing. Elle ne signifie pas que Jean-François, en sa qualité d’avocat juif, et désormais à l’abri de toute persécution.
En effet, le Commissariat Général aux Questions juives est obsédé par la traque et le repérage des derniers juifs en liberté. Concernant les avocats, il présente régulièrement des demandes de listes nominatives et de statistiques. Le Parquet relaye auprès du bâtonnier.
Le 16 octobre 1942, le bâtonnier répond au Procureur Général qui a transmis une nouvelle demande de « liste nominale des avocats juifs inscrits au barreau de Paris » :
« En réponse à votre communication récente, relative aux avocats juifs, je ne puis que vous demander de vous référer à la liste des avocats juifs maintenus au Barreau par priorité. Je crois qu’un certain nombre de ses avocats sont actuellement en zone libre ou tout au moins ont cessé d’exercer activement leur profession.
Mais je n’ai aucun moyen de vous indiquer avec certitude quels sont ceux qui fréquentent encore les audiences. Vous savez qu’à Paris les juridictions sont nombreuses, souvent éloignées les unes des autres, et que beaucoup d’avocats n’exercent leur activité que d’une façon intermittente. Pour répondre à votre question… il faudrait exercer chacun des intéressés un contrôle individuel qui ne rentre ni dans mes possibilités ni dans les attributions. »
Le Commissariat Général aux Questions juives ne désarme pas. Les demandes de précisions, de nombres, de justificatifs se succèdent encore en 1943. On constate combien les avocats juifs encore autorisés à exercer sont étroitement surveillés et sous contrôle. À la merci du premier ordre d’arrestation et de déportation qui tombera.
Le 22 janvier 1943, Jean-François a présenté une demande de réinscription au tableau.
Jean-François a repris le chemin de son cabinet. Que peut-il faire, dans ce pays occupé, avec un petit enfant à charge et un autre qui s’annonce ? Jean-François figure sur la liste des avocats commis d’office. Son dossier de l’Ordre garde la trace de quelques dossiers. Ainsi en novembre 1942, un certain Simon se plaint que Jean-François lui ait réclamé sa carte de tabac pour honoraires. Jean-François nie et reconnait avoir accepté le principe d’un don de quelques paquets de cigarettes. Le client revient sur ses accusations et s’excuse.
Le 1er juillet 1943, c’est le dossier du divorce des époux Boudevillain dont Jean-François prend la charge. Difficile d’avoir des dossiers. Jean-François sous-traite également pour d’autres confrères.
Le 14 juin, une petite Catherine est née au foyer de Jean-François et Arlette.
Le 3 octobre 1943, Jean-François est arrêté et transféré à Drancy. L’arrestation a dû se dérouler chez lui, 97, rue de Prony, où il exerce. Arlette et les deux enfants étaient-ils présents ? Ils n’ont pas été arrêtés ce jour-là.
Son confrère, Pierre Véron, s’inquiète, dans une lettre du 19 octobre, de sa disparition auprès du bâtonnier :
« J’ai le profond regret de vous faire part de l’arrestation, par les autorités allemandes, de mon confrère et ami, Me Bokanowski, qui voulait bien collaborer avec moi.
Il a été arrêté il y a une quinzaine de jours et j’ai appris qu’il était déjà déporté vers l’Est …
En même temps que lui ont été arrêtés : sa femme et ses deux enfants, dont le plus jeune avait environ deux mois, son beau-père, Monsieur Davids, et sa belle-mère, ces deux derniers âgés d’environ 75 ans.
J’ai tenu à porter cette situation à votre connaissance, pour le cas où quelque chose pourrait être tenté en leur faveur. »
Jean-François passe peu de temps à Drancy. Le 7 octobre 1943, il est conduit à la gare, avec 999 autres personnes, dont une centaine d’enfants, pour constituer le convoi n°60. Pendant 3 jours, les déportés se tassent dans les wagons à bestiaux, sans nourriture, sans eau. A l’arrivée, Jean-François, qui est un homme encore jeune et en état de travailler, est dirigé vers Birkenau. Il y meurt le 7 janvier 1944.
Contrairement à ce qu’écrit Pierre Véron, il semble qu’Arlette n’ait été arrêtée que le 11 novembre et conduite, avec les enfants, à Drancy. Un reçu pour les 710 francs qu’elle avait sur elle date son jour d’arrivée. Fin 1943, il faut remplir les convois. Les Allemands, dont la conquête a connu de sérieux revers, se hâtent dans leur œuvre d’extermination. Arlette embarque avec ses deux petits dans le convoi n°62 qui part le 20 novembre 1943 de Drancy. François est un petit garçon de deux ans et demi. Catherine est un bébé de 5 mois. Il n’est pas difficile d’imaginer l’enfer que vit une mère dans ces conditions. Ni Arlette ni les enfants, évidemment …, ne reviendront. Ils sont sans doute morts avant Jean-François et on espère que celui-ci a pu penser qu’ils avaient été épargnés.
Les frères de Jean-François n’ont pas choisi le même chemin que lui.
Michel a tenté de joindre l’Angleterre après l’Armistice. Vainement. Il a alors gagné l’Afrique du nord où il s’est engagé dans le Corps franc. Il participe à de nombreuses actions. Il rejoint à partir de mai 1943 les Forces françaises libres et il prend part à la campagne d’Italie, puis à celle de France où il s’illustre. Il sort de la guerre avec 7 citations et le titre de Compagnon de la Libération. C’est lui qui reprendra le flambeau du destin familial. Il sera député de la Seine, ministre des PTT, puis ministre de l’Industrie, comme l’avait été son père. Michel sera sénateur des Hauts-de-Seine et Maire d’Asnières-sur-Seine.
Olivier, le benjamin de la fratrie, s’est également engagé dans le Corps franc d’Afrique le 5 décembre 1942. Il a été versé dans le détachement spécial de Guelma le 16 janvier 1943. A l’occasion d’une mission, le 22 février 1943, il est tué et son corps n’est pas retrouvé. Il avait 23 ans. Son engagement sera reconnu et homologué FFL. Olivier se verra décerner la mention Mort pour la France.
Maurice Bokanowski avait été cité à l’ordre de la Nation. Deux de ses fils sont Morts pour la France. Le 3ème a été Compagnon de la Libération. Une famille juive française au XXème siècle.
Michèle Brault
Aucune citation connue.
Dossier administratif :
Lettre de Maurice Bokanowski au bâtonnier du 1er janvier 1907.
Lettre de Maurice Bokanowski au bâtonnier du 7 janvier 1907.
Lettre de Maître Edmond Laskine au bâtonnier du 16 juin 1936.
Lettre de Jean-François Bokanowski au bâtonnier du 2 mars 1939.
Questionnaire de l’Ordre de septembre 1939.
Lettre de Jean-François Bokanowski à Me Camille Bernard du 2 novembre 1940.
Lettre de Camille Bernard à Jean-François Bokanowski du 19 novembre 1940.
Lettre du Parquet général au bâtonnier du 4 juillet 1942.
Arrêt de la Cour d’appel du 25 juillet 1942.
Lettre du 16 octobre 1942 du bâtonnier Jacques Charpentier au Procureur général.
Lettre de Pierre Véron au bâtonnier du 19 octobre 1943.
Mémoire des hommes :
Service historique de la Défense :
Caen : AC 21 P 427 734
Gallica / Retronews :
L'Est républicain, 3 septembre 1930.
Le Phare de la Loire, 12 avril 1931.
Annales de l'Université de Paris, 1936.
Ordre de la Libération :
Michel Maurice Bokanowski - Ordre de la Libération.
Mémorial de la Shoah :
Portrait de Jean-François Bokanowski.Coll. Thierry et Patrick Bokanowski.