Yvonne Strauss voit le jour le 3 mai 1913 dans le 7^e arrondissement de Paris dans une famille de juifs alsaciens. Son père, Israël Strauss était propriétaire d’une affaire de textile à Paris ; son entreprise fabriquait des tissus vendus ensuite aux maisons de haute couture et aux grands magasins. Sa mère, René Bloch Lazarus, sans profession à sa naissance, travaillait également à cette entreprise. Yvonne, aînée de la famille, a un frère, Jean, né en 1916 et une sœur (mariée par la suite à un fondé de pouvoir de banque). Elle est la nièce de Marcel Bloch, avocat au barreau de Paris (1892-1942). Son père Israël, mobilisé le 4 août 1914, a dû être réformé durant le premier conflit mondial à la suite de pathologies pulmonaires.

Yvonne étudie le droit, obtient sa licence à Paris le 9 juillet 1935 et effectue à partir d’octobre son stage auprès de Me Lucile Tinayre-Grenaudier (1898-1992), qui deviendra la première femme élue au conseil de l'Ordre des avocats en 1950. « J’ai l’honneur de vous informer que Melle Yvonne Strauss qui a prêté serment le 24 octobre 1935 est à mon cabinet tous les matins pour m’aider à recevoir la clientèle ; elle fait pour moi des recherches de jurisprudence et toutes démarches utiles dans le Palais » écrira Lucile Tinayre au Bâtonnier William Thorp en 1935. Yvonne sera admise au tableau parisien le 22 avril 1936.

Au début de la guerre, elle reste à Paris au cabinet de Me Tinayre, plaidant de nombreux dossiers, notamment d’assistance judiciaire, elle remplace également son confrère Jean Schwab et indique que « je resterai définitivement à Paris où je serai à la disposition du Bâtonnier ».

En 1941, son dossier fait mention d’une audience où elle était commise dans une affaire de divorce et où elle ne s’est pas présentée. En effet, à partir d’août 1940, elle se réfugie chez son oncle avocat Marcel Bloch domicilié avenue de Serbie, lui dépose ses dossiers puis fuit en zone libre. Accompagnée de ses parents et de son frère, ils s’établissent provisoirement à Condom dans le Gers avant de partir pour Lyon où ils rejoignent un oncle, M. Bloch Lazarus, domicilié 54 rue de l’Hôtel de ville. Jean et Israël travaillent toujours dans les tissus, et la famille réside rue Waldeck-Rousseau. En vertu de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris daté du 12 février 1942, excluant les avocats juifs du barreau, Yvonne est radiée du barreau de Paris.

Yvonne est arrêtée sur dénonciaition, parce que « juive » en juillet 1943, déportée sans retour par le convoi n°58 du 31 juillet 1943 à l’âge de 30 ans, de Drancy à Auschwitz, avec son père et sa mère. Son frère Jean, engagé dans la Résistance dès 1941, d’abord pour « Combat » puis pour le compte de « l’O.S.S. Américain » (office stratégique et statique) avait à cette date rejoint l’Angleterre.

En 1945, sa famille ne connait pas encore le sort d’Yvonne. Jean publie dans le Figaro du 11 juillet une annonce de recherche. Il apprendra plus tard que tous les trois sont morts en déportation.

Un arrêté du 13 août 2015 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès, rectifie le lieu et la date du décès d’Yvonne, mentionnée jusqu’à cette date, décédée le 31 juillet 1943 à Drancy.

Son nom est inscrit sur le mur du Mémorial de la Shoah,dalle n° 45, colonne n° 15, rangée n° 3.

Cindy Geraci.