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Peut-être la destinée d’avocat de Jean-Pierre Kahn était-elle toute tracée dès la naissance, puisque ses deux parents étaient avocats au barreau de Paris ? Il n’aura pas eu le temps de l’accomplir.

Jean-Pierre Kahn est né le 15 octobre 1919 à Paris. Il sera enfant unique. Ses parents demeurent dans le 6ème arrondissement, 53, Quai des Grands Augustins. Ce n’est pas loin du Palais de justice.

Simone Kahn, la mère de Jean-Pierre, exerce sous le nom de Picard, Maître Simone Picard, abréviation de son nom de jeune fille qui est Bickert dit Picard. C’est une Parisienne de naissance. Son père, Emile Isaac Bickert dit Picard, est lui aussi né à Paris en 1863. Il a exercé plusieurs professions et est auteur dramatique, bien que les traces de son œuvre soient introuvables. Il est divorcé de la mère de Simone, Lucie Lévy. La famille trouve ses racines en Alsace, à Wintzenheim, près de Colmar, où les ancêtres étaient maquignon, marchand de cuirs et négociant.

La famille paternelle de Jean-Pierre vient également d’Alsace. Son berceau est Mommenheim, bien que Paul, le père de Jean-Pierre, soit né à Clermont-Ferrand. Son grand-père, Salomon, était rabbin et exerçait son ministère dans cette ville quand son fils est né. Les autres ascendants étaient courtiers. Julie Deutsch, la grand-mère paternelle, est sans profession. Elle est née à Sarrebourg, en Moselle.

Paul, le père de Jean-Pierre, s’est vu remettre la croix de Chevalier de la Légion d’honneur en 1922 en reconnaissance de son engagement en faveur de l’enfance. Son dossier mentionne ses fonctions : Secrétaire Général du Patronage de l’Enfance depuis 1905, Secrétaire Général de l’œuvre du Souvenir pour la Protection de l’Enfance, Président de la 1ère session du Congrès International pour la Protection de l’enfance, à Bruxelles en juillet 1921, membre du Conseil supérieur de la Natalité et de la Protection de l’Enfance au ministère de l’Hygiène depuis sa fondation.

La proposition a été faite par le ministère de l’Hygiène. Questionné, le bâtonnier Albert Salle a fait savoir, dans une lettre du 3 février 1922, que Paul Kahn « exerce honorablement la profession et qu’il donne le concours le plus actif et le plus utile aux œuvres de l’enfance coupable ou abandonnée ». Le préfet de la Seine s’est aussi exprimé, assurant que Paul Kahn était « honorablement connu » et que son « attitude politique est des plus correctes » !

Paul Kahn est aussi Chevalier de l’Ordre de la Couronne de Belgique pour services rendus pendant la guerre. Pourtant, son état de santé l’a exempté de ses obligations militaires et il n’a pas pu s’engager en 1914. Cette santé déficiente explique son décès en 1927. Il n’a que 44 ans. Jean-Pierre est orphelin à 8 ans.

En 1933, Simone Picard se remarie. Elle épouse Jean Brunswick, qui est employé dans une agence de voyages. Il terminera sa carrière comme directeur commercial. La famille recomposée habite 22 rue Gay-Lussac.

Jean-Pierre obtient sa licence en droit le 1er juillet 1939. Il dépose immédiatement un dossier d’inscription au stage du barreau de Paris. Le bâtonnier est Jacques Charpentier, André Toulouse est le rapporteur. Ce dernier s’est assuré que le jeune avocat disposait des pièces nécessaires à l’exercice de sa profession à son domicile. Jean-Pierre est admis le 19 juillet 1939 et prête serment le jour-même. Le voilà avocat stagiaire.

Il est alors clerc chez Maître Morel, avoué à l’instance, depuis presque 2 ans. Il a appris la procédure civile. Désormais, il lui faut trouver un stage chez un avocat.

Le 18 décembre 1939, il écrit au bâtonnier pour l’informer qu’il accomplit son stage chez Maître Emile Doublet, 8 rue Palatine. Quelques mois plus tard, le 23 août 1940, questionné par l’Ordre, comme tous les maîtres de stage, sur les qualités de leur stagiaire, Emile Doublet répond au bâtonnier que Jean-Pierre « a été d’une assiduité parfaite en mon cabinet. J’ai pu me rendre compte qu’il avait fait d’excellentes études de droit civil et commercial. » Il conclut : « Il m’apparait qu’il est parfaitement préparé à l’exercice de notre profession. »

La formation va être brève. Si Jean-Pierre assiste aux conférences préparatoires et aux réunions de colonnes de la rentrée 1939, ces dernières vont rapidement être annulées du fait de la guerre et de la mobilisation. Lorsqu’elles reprendront à la rentrée 1940, Jean-Pierre ne sera plus à Paris.

Le 1er juin 1940, il écrit au bâtonnier pour l’informer qu’’étant de la classe 1939, il va être incorporé dans l’Armée. Effectivement, il a tout juste 20 ans. Il demande que lui soit accordé une suspension de stage.

Vraisemblablement, la Défaite le surprend sous l’uniforme quelque part en France. Il semble qu’il se rapproche très rapidement de son cousin germain, André Moch. La mère d’André, Germaine Bickert dit Picard, est la sœur de Simone Kahn. Le père d’André est le fameux Jules Moch, polytechnicien, député, membre du premier cabinet Blum en qualité de Secrétaire Général, puis ministre des Transports dans le second gouvernement Blum. Jules Moch sera également ministre du Général de Gaulle.

André Moch, comme son père, refuse l’armistice et prend des premiers contacts avec des réseaux de résistance dès la fin de l’année 1940. En 1942, il intègre le réseau Actions dans lequel il combattra avec son cousin Jean-Pierre. Basé en région Rhône-Alpes, le réseau Actions mène des opérations de renseignement, de réceptions de parachutages, de ravitaillements, de sabotages, d’attaques de convois de transport allemands et d’opérations de libération de prisonniers en région Rhône-Alpes. André va en devenir le numéro 2.

Le 21 octobre 1943, André Moch et son équipe attaquent, à Lyon, un camion allemand entre le boulevard Berthelot et le fort Montluc, abattent cinq agents de la Gestapo et libèrent quinze prisonniers. Jean-Pierre Kahn est-il du nombre des combattants ? C’est bien possible.

Depuis l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 février 1942, il n’est plus avocat. Il a été radié parce que juif. Il s’est engagé dans la Résistance sous le nom de Louis Cheissoux. C’est sans doute dans ce contexte qu’il a rencontré Henriette Lifschitz, qui va devenir sa femme. Henriette a pour pseudonyme Andrée Lomat. Elle était institutrice avant la guerre. Elle sera qualifiée de secrétaire sur les documents de déportation.

Malgré la tourmente, le couple se marie. Henriette est bientôt enceinte. Le 8 avril 1943, Jean-Pierre et Henriette s’installent dans la maison Gariod, au Bouquéron à Corenc, dans l’Isère. Les montagnes si proches, le caractère reculé du village doivent les rassurer. Le 24 novembre, Henriette accouche d’une petite fille, qui est prénommée Françoise, Claude, Nancy.

André Moch, le cousin germain, vient souvent les voir. Jean-Pierre participe à ses actions de résistance.

Début avril 1944, André planifie une opération commando pour extraire son ami François Schaeffer des mains de la Gestapo grenobloise. Fait-il l’objet d’une dénonciation ?

Le 12 avril 1944, vers midi et demi, des miliciens grenoblois et la Gestapo, assistée de soldats allemands, encerclent la maison. Un homme apparait à la fenêtre du premier étage. C’est André Moch. Les assaillants tirent plusieurs rafales d’armes automatiques sans sommation et le blessent. Ils investissent la maison et arrêtent Jean-Pierre, Henriette et Robert Cahen, un ami qui était en visite. André est étendu dans la cuisine, au premier étage, là où il a été touché. Un milicien, Jean Delubac, l’abat froidement d’une balle dans la tempe.

La gendarmerie de Saint-Ismier, priée par les autorités, de faire enlever le corps d’André, constate l’exécution et le fait que la maison a été complètement pillée.

Henriette a pris Françoise avec elle, lors de l’arrestation à Corenc. Jeanne Gariod, la propriétaire de la maison occupée par la famille Kahn, effectue plusieurs démarches auprès de la Gestapo pour que Françoise, qui a 4 mois et demi, lui soit confiée. Sans succès.

Henriette et son bébé sont identifiées comme Kahn et déportées sous ce nom dans le convoi n°72 vers le camp d’Auschwitz-Birkenau. Elles ne reviendront pas.

Jean-Pierre, qui est arrêté comme résistant et non comme juif, est détenu à Fresnes jusqu’au 14 mai 1944. Il a droit à un régime plus « favorable ». Il a été déplacé dans un transport d’hommes sans que l’on ait rasé ses cheveux et il a pu prendre une valise avec lui. Dans Droit et Liberté, la publication du CRIF, en date du 15 juillet 1945, il est indiqué, dans l’avis de recherche, que Jean-Pierre a été déporté le 15 mai 1944 pour l’Organisation Todt.

Toutefois, il semble que Jean-Pierre Katz ait été identifié comme juif. Transféré à Drancy, il est déporté le 15 mai 1944, dans le convoi n°73 à destination de Kaunas, en Lituanie, et Reval, en Estonie. Jean-Pierre doit être fou d’inquiétude sur le sort de sa femme et de sa fille. Il ignore qu’elles ont déjà été gazées. Il ne reviendra pas lui non plus.

Le site du Mémorial de la Shoah illustre la fiche de Françoise Kahn d’une photo. On voit Henriette, sa mère, fine et élégante, glissant un doigt dans la main de sa fille qui est dans les bras d’une femme plus âgée, la mère d’Henriette peut-être ? Le bébé, potelé, le cheveu encore rare, de blanc vêtu, est délicatement éclairé par la lumière du soleil qui se réfléchit sur la roche de la montagne derrière le groupe. La photo a dû être prise peu de temps avant l’arrestation. Sans bruit, sans violence, elle illustre l’horreur de la Shoah.

Michèle Brault
 

Pas de décoration connue. 

 

Dossier administratif de Jean-Pierre Kahn :

- Lettre du 18 décembre 1939 au bâtonnier

- Lettre de Me Emile Doublet au bâtonnier du 23 août 1940

- Lettre du 1er juin 1940 au bâtonnier

 

Archives Historiques de la Défense :

Caen :

Jean-Pierre Kahn : AC 21 P 467 570

 

Archives de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur / base Léonore :

Paul Kahn

 

Mémorial de la Shoah :

Jean-Pierre Kahn

Françoise Kahn

Henriette Kahn

 

Gallica / Retronews :

L'Aurore, 1er décembre 1948. 

Droit et Liberté, 15 juillet 1945

 

Dictionnaire biographique Le Maitron :

André Moch

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