SKOP Marcel (1898-1942), avocat, déporté, matricule à Auschwitz 41398
Mordoukhaï Skop dit Marcel Skop voit le jour le 30 janvier 1898 à Pinsk, ville alors rattachée à l’empire Russe et appartenant aujourd’hui à la Biélorussie.
Il est le fils ainé de l’union d’Abraham, né le 18 octobre 1974 à Dvinsk et de Meriam Bregman, née vers 1874 à Pinsk. Un petit frère, Jacques (Jacob) naîtra en 1907.
Le père de Marcel est professeur d’hébreu.
En août 1910, accompagné de son père, le jeune Marcel fait le voyage de Pinsk jusqu’à Paris où il est accueilli chez son oncle, Maurice Scopp établi tailleur pour dames au 4, boulevard des Italiens dans le 9e arrondissement. En octobre 1910, le jeune Marcel reste seul à Paris aux bons soins de son oncle tandis que le père retourne en Russie rejoindre sa mère et son petit frère.
Marcel est alors scolarisé dans l’école communale de la Victoire, rue de la Victoire à quelques rues de chez son oncle Maurice. Il apprend vite à maitriser le français et se distingue en bon élève. Il est suffisamment bon pour être présenté par son instituteur au certificat d’études primaire qu’il obtient.
A l’été 1913, Marcel a fêté ses 14 ans et il part retrouver sa famille et sa natale Russie. A Pinsk, il donne des cours de français comme il le fera dans les années suivantes pour payer ses études et subvenir à ses besoins.
En juillet 1914, il quitte à nouveau son pays natal, cette fois pour la Palestine. Il est inscrit au collège hébraïque de Jaffa. Cependant, la guerre éclate et les élèves du collège hébraïque sont contraints, sous la pression ottomane, de quitter Jaffa.
En novembre 1917, au moment de l’entrée des troupes alliées en Palestine, Marcel s’engage dans l’armée britannique et sert comme interprète. Alors qu’il fait partie du corps expéditionnaire égyptien, il est blessé grièvement notamment au visage. Il est hospitalisé à Jérusalem pendant 4 mois jusqu’en décembre 1918. L’intervention du docteur Abraham Ticho ne permettra pas de sauver son œil droit, Marcel sort de l’hôpital guéri de ses blessures mais borgne.
Au début des années 20, la famille Skop se retrouve définitivement à Paris où elle s’installe. Abraham, le père, Meriam, la mère et Jacques, le petit frère ont définitivement quitté Pinsk qui vient d’être rattachée à la Pologne. Les trois emménagent de leur côté, au 35, rue de la Cour de Noues dans le 20e, tandis que Marcel habite seul au 25 rue Stéphenson dans le 18e.
Depuis son retour en France, Marcel nourrit l’ambition de devenir avocat et s’inscrit à la Faculté de droit. Durant ses années d’études, il travaille comme troisième clerc chez Maître André Zambeaux, avoué près le tribunal civil de la Seine jusqu’en 1922 puis chez Maître Daniel Thielland, également avoué près le tribunal civil de la Seine. Ces mêmes années, il est aussi rédacteur à la compagnie d’assurances « l’Abeille » et contribue à un petit bimensuel « La Jeunesse Juive » dont il deviendra membre du comité de rédaction.
Le 27 mars 1924, Marcel épouse Germaine Liebmann qui est dactylographe. De cette union naitront Léon France Skop, le 18 avril 1925 et Liliane Elisabeth Skop, le 11 août 1929.
Licencié en droit depuis le 18 juillet 1924 et devenu français par décret de naturalisation du 21 juillet 1925, il demande son admission au Barreau de Paris. Il prête le serment d’avocat, le 15 octobre 1925 et est inscrit au tableau sous le prénom de Marcel et le nom de Skop ainsi orthographié bien que son nom s’orthographie aussi Skopp ou Scopp.
Jusqu’à la seconde guerre mondiale, Maître Marcel Skop conseille et plaide de nombreuses affaires, il est un avocat « généraliste ».
Il a successivement exercé 2, rue Mazagran, 93, rue des Martyrs puis 5, rue Piémontési dans un appartement dont il était propriétaire. Cet appartement sera dès septembre 1941 sous administration provisoire en conformité avec la loi du 22 juillet 1941 relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant aux Juifs.
En septembre 1939, il se présente au Bureau de recrutement aux Invalides pour s’engager. Convoqué devant le 1er Bureau de la Seine, il est définitivement exempté le 19 janvier 1940 en raison de son handicap.
En octobre 1940, le Barreau de Paris applique la loi du 10 septembre règlementant l’accès au Barreau aux étrangers : seules les personnes justifiant d’une nationalité française, à tire originaire, comme étant d’un père français peuvent rester inscrit au barreau. Marcel Skop répond au questionnaire envoyé à tous les avocats, sans pouvoir néanmoins justifier de sa nationalité française à titre originaire étant devenu français par naturalisation et né d’un père étranger.
Lors de sa séance du 3 décembre 1940, le Conseil de l’Ordre décide que « M. Mordoukhaï Skop dit Marcel Skop, ne pourra être maintenu au Tableau de l’Ordre des avocats lors de sa réfection ». La décision est confirmée par la Cour d’appel de Paris. Marcel Skop dans le cadre de son appel est défendu et soutenu par son éminant confrère André Berthon.
Interné à Drancy, Marcel comme tous les autres internés du camp est alors coupé des siens, aucune visite n’étant octroyée. Il endure les conditions d’hygiène déplorables et de faim et subit la terreur des représailles qui s’amplifient du fait des actions de la Résistance, sans savoir qu’en haut-lieu, la mise en place de la Solution Finale a été décidée. C’est ainsi que Marcel, après 10 mois d’internement, est l’un des 934 hommes désignés par Théodor Dannecker, pour remplir le 1er convoi au départ de Drancy pour Auschwitz-Birkenau.
Il est noté manuscritement sur la fiche dactylographiée aux archives Arolsen que Marcel Skop est décédé le 15 août 1942 à Auschwitz.
Le père de Marcel, Abraham Skop arrêté en octobre 1942, suivra le même chemin que son fils, à bord du convoi n° 45 du 11 novembre 1942.
Les noms du père et du fils sont gravés sur le mur du Mémorial de la Shoah, dalle n°100, colonne n° 34, rangée n° 1.
Aline Hamel-Martinet.