FRANK Jacques (1896-1942)
Jacques Frank est né le 18 mai 1896 à Neuilly-sur-Seine. Son père, Sigismond Jules, à 38 ans à sa naissance et exerce la profession de journaliste. Sa mère, Alice Thérèse Cahn, est sans profession. Elle a 34 ans, Jacques est son 4ème enfant. La famille demeure 90, boulevard Bineau, puis déménagera, toujours à Neuilly, 6, avenue du Château.
Jacques fait sa scolarité au lycée Carnot, à Paris. Dès l’obtention de son baccalauréat, en 1913, il entre comme petit Clerc chez Maître Cortot, avoué, tout en entamant ses études de droit. Son frère, Lucien, y est déjà principal.
Arrive l’été 1914 et la déclaration de guerre. Jacques, étudiant en droit, est encore trop jeune pour être appelé. Il le sera en avril 1915.
Il est incorporé le 7 avril 1915, comme soldat de deuxième classe, dans le 48e régiment d’infanterie, qui a son casernement à Guingamp et est principalement composé de Bretons. Il rejoint Joinville-le-Pont le 11 avril 1915 et est envoyé sur le front, « aux armées », le 29 novembre 1915.
Son régiment a déjà été engagé dans la bataille de la Meuse, puis dans la première Bataille de la Marne. Jacques le rejoint lorsqu’il est installé dans la plaine de la Champagne, près de Souain. Le régiment participe à la stabilisation du front et occupe un secteur vers la ferme des Wacques jusqu’au bois Sabot. À partir du 21 décembre 1915, le régiment est engagé dans la première Bataille de Champagne.
À partir de la fin du mois de juin 1916, le régiment est transporté par camion dans la région de Verdun où il est rapidement engagé dans la première Bataille de Verdun, vers le bois d’Haudromont et la côte de Froideterre, puis il se bat vers Thiaumont. La fin de l’année 1916 voit le régiment occuper un secteur vers Tahure et La Courtine. Le 23 décembre 1916, Jacques Frank est nommé caporal.
À partir du 1er mars 1917, il suit les cours des élèves officiers aspirants de Saint-Cyr. Très rapidement, il va monter en grade, révélant sa valeur. Il est nommé au grade de sergent le 20 juin 1917, puis aspirant le 20 juillet de la même année au 248ème Régiment d’infanterie qu’il rejoint à nouveau le 5 août 1917.
Le 14 septembre 1917, alors que son régiment occupe un secteur vers le Mont Cornillet et qu’il participe à une action, il est blessé par l’éclatement d’une charge de cheddite, un explosif à base de chlorate utilisé par l’armée française.
Fin septembre, le régiment se replie sur Bar-sur-Aube pour un repos mérité. Mais dès la mi-octobre, transporté dans la région de Verdun, il va participer à des engagements violents les 25 et 29 octobre et les six et neuf novembre dans ce qui est la deuxième Bataille offensive de Verdun.
Jacques n’est pas malheureux. Il est amoureux.
Il écrit régulièrement à celle qui va devenir sa femme et qu’il a rencontré, lorsqu’ils étaient enfants, à l’école communale de Neuilly. Suzanne. Ce même mois de septembre 1917, avant sa blessure, il espère « un petit coup de Trafalgar » qui lui permettra d’obtenir une permission exceptionnelle pour aller la voir. Au plus fort de la guerre, il constate : « pour l’instant, je vois tout en rose. »
Cet amour le porte. En juillet 1918, s’adressant toujours à celle qu’il appelle « mon amour adoré », il écrit : « comme toujours, je suis passée au travers des balles et des obus sans une égratignure. »
Les citations qu’il recueille montrent que ce n’est pas faute de courage et d’audace qu’il est – relativement – épargné. Son chef de bataillon le qualifie de « spécialiste des liaisons périlleuses et aventurées » et mentionne qu’il « dépasse toujours sa mission avec une audace inouïe ».
En août 1918, il se distingue à plusieurs reprises dans la troisième Bataille de Picardie, ce qui lui vaudra encore une citation.
Le 14 septembre 1918, son régiment, dans le but d’organiser un secteur vers Hinacourt et l’ouest de Vendeuil, combat près de Grivillers, de Popincourt et en particulier, près du Canal Crozat, la première section du canal de Saint-Quentin.
Jacques est volontaire pour une mission de renseignement. À la tête d’un groupe d’autres volontaires, il doit se porter au niveau des lignes ennemies pour repérer leur organisation afin de faciliter un assaut ultérieur. Jacques, dont la bravoure exceptionnelle est louée par ses supérieurs, s’élance malgré des tirs de barrage importants des batteries ennemies. Il avance, déterminé, quoi qu’il en coûte, à rapporter le renseignement. Il passe même les lignes ennemies. Mais un obus empêche son retour.
Ce sont ses compagnons qui le ramènent, moribond.
Grièvement blessé, Jacques a terminé sa guerre. Il est évacué sur l’hôpital de Rouen. Son corps est couvert de plaies. Les éclats d’obus se sont nichés dans ses hanches et dans la région du pubis. Le nerf sciatique droit est coupé. Il a un éclat d’obus dans le poumon.
Il est résigné et satisfait. Il a fait son devoir. Mourir pour la France…
Opéré cinq fois par un chirurgien parisien, Jacques Frank survit. Des années de soins et de convalescence l’attendent. Il ne pourra prêter serment d’avocat qu’en avril 1924.
Il est parti à la guerre jeune étudiant en droit enthousiaste et patriote, il a servi dans l’armée en soldat héroïque, il en revient extrêmement diminué avec, comme l’écrit son ami Maurice Alléhaut, les incommodités physiques d’un vieillard.
La suite de son parcours durant la 2e Guerre mondiale : Jacques Frank.
Michèle Brault
Citations
Cité à l’ordre n°536 du 248ème Régiment d’Infanterie le 21 août 1918 :
« Jeune officier très brave d'un entrain remarquable, qui a pris part à de nombreux coups de main. Le 21 juillet 1918, à la tête d’un groupe participant à une opération, à pénétrer dans les lignes ennemies, nettoyer la ligne qui lui était assignée, a ramené un prisonnier et du matériel. »
Cité à l’ordre n°16 687 du 22 avril 1919 :
« Officier d’un allant et d’une bravoure remarquables. Le 4 août 1918, a exécuté en plein jour avec un groupe de volontaires un coup de main particulièrement audacieux sur un point occupé par l’ennemi est situé à plus de 1500 m de nos lignes, s’en est emparé et s’y est maintenu malgré une forte réaction de l’artillerie lourde ennemie. »
Nommé au grade de chevalier de la Légion d’honneur le 22 avril 1919 :
« Jeune officier d’une bravoure exceptionnelle. Après s’être de nouveau distingué dans les affaires des 16 et 17 août 1918, est parti le 7 septembre 1918 pour effectuer à la tête d’un groupe de volontaires une liaison importante qui, au cours de l’exécution, s’était (illisible), n’a pas hésité à dépasser les limites de sa mission pour aller chercher au plus fort des barrages ennemis le renseignement qui devait permettre à son régiment de s’engager ultérieurement dans les meilleures conditions. Les revenus criblés de blessures. 1 blessure (illisible). Deux citations. La citation ci-dessus comporte la Croix de guerre avec palmes. »
Décorations
Chevalier de la Légion d’honneur
Croix de guerre avec palmes
Etoile de bronze
Etoile d’argent
Sources ODA
Discours de Maurice Alléhaut, AG de la Conférence du stage, 1954.
Archives des Anciens Combattants du Palais.
Autres Sources
Archives départementales des hauts de Seine, acte de naissance, E_NUM_NEU_N1896 - 1896 1896
Archives de Paris, D4R1 1918, matricule 5607.
KASPAR dit CASPAR-JORDAN Jean Jacques (1878-1943)
Jean Jacques Caspar est né le 20 novembre 1878 à Dijon de Jean-Frédéric Caspar, tailleur d’habits, né dans le Grand-Duché de Bade en 1839 et Marguerite Baehni, sans profession, née en 1838 à Berne en Suisse.
Il se marie le 9 juin 1902 à Paris dans le 7e arrondissement avec Agathe Weiss, sans profession, fille mineure de N. Weiss, directeur de la bibliothèque et du bulletin de la société d’histoire du protestantisme français, et d’Edith Warnod. Il est alors missionnaire à Madagascar (il le restera jusqu’en 1905). De cette union naîtront deux fils : Jean-Claude, né à Paris (16e arrondissement) le 29 juin 1906 et Jacques Anet, né à Paris (6e arrondissement) le 15 octobre 1908.
Bachelier en théologie de l’université de Paris, il est également diplômé de l’école des Langues orientales, puis licencié en droit. Il est admis au tableau parisien le 10 novembre 1908 sous le nom de Caspar-Jordan. Il est officiellement inscrit au Barreau de Paris en 1911.
Spécialiste de la question russo-finlandaise, il devient correspondant parisien d’un journal finlandais. Il effectue plusieurs conférences sur ce sujet et signe un livre intitulé La résistance légale en Finlande, Paris, Alcan, 1913, dans lequel il raconte son enquête à Wiborg sur les événements qui, en 1913, ont provoqué l’emprisonnement de la Cour d’Appel de cette ville. Ce qui explique sans doute sa décoration de Commandeur de l’Ordre de la rose blanche de Finlande. Cette décoration, créée en 1919, est l’un des trois ordres honorifiques finlandais et récompense des mérites militaires et civils.
Il effectue son service militaire en 1898 à Dijon et incorporé au 27e Régiment d'Infanterie le 14 novembre 1899 dans cette même ville.
Jean-Jacques Caspar est rappelé sous les drapeaux par la mobilisation générale du 3 août 1914 au dépôt du 24e Régiment Territorial du Havre. Il fait campagne durant toute la guerre du 25 novembre 1914 au 24 janvier 1919. Il part au front le 30 janvier 1915 sous le grade de caporal et est versé au 21e Régiment d’Infanterie Territoriale. Il stationne durant 6 mois avec ce régiment en Artois occupant les tranchées du secteur d’Hébuterne. En août 1915, le 21e R.I.T est déployé en Champagne pour la préparation de la prochaine offensive, dans les secteurs Beauséjour et de Mesnil-les-Hurlus (Historique du 21e régiment territorial d'infanterie 1914-1919). Jean-Jacques Caspar est ensuite nommé sergent fourrier (officier chargé de l’intendance) à la 2e Compagnie de mitrailleuses, le 1er avril 1916.
En janvier 1918, il écrit au Bâtonnier pour le solliciter d’appuyer sa demande de partir dans les Armées de Salonique pour être commissaire-rapporteur dans les corps expéditionnaires, pour lesquels il a appris que des volontaires étaient recherchés. Il argumente par son diplôme en langues orientales et un voyage effectué dans cet endroit. Cette demande restera sans réponse.
Il passe le 12 février 1918 au 9eme Bataillon du 34e R.I., puis au 146e R.I. comme adjoint du chef de section à la 3e compagnie de mitrailleuses le 9 juillet. Ce régiment sera cité à l’Ordre de l’armée les 19 mars 1916, 1er mars et 21 juin 1918 et décoré de la médaille militaire le 20 mars 1919. Il intervient en Belgique vers le Mont Kemmel, ce qui vaut à son régiment sa 4ème citation à l’Ordre de l’Armée. Le régiment est relevé le 5 mai et part sur le front de l’Aisne.
Du 9 au 26 juillet, Jean-Jacques Kaspar est mobilisé dans la bataille de la Marne dans le secteur de la cote 204 – Château-Thierry. Le 15 juillet 1918, l’offensive ennemie est déclenchée entre Château-Thierry et l’Argonne. Le 20 juillet, le 146e R.I. tente une nouvelle attaque par surprise à la tombée de la nuit ; mais « l’ennemi tenu en éveil par les tentatives incessantes dont il est l’objet depuis le 1er juillet arrête notre mouvement par ses mitrailleuses ». Jean-Jacques Kaspar est blessé par des éclats d’obus sillon à la jambe droite. Le 146è R.I. poursuit son avance dans la forêt de Barbillon où les combattants subissent durant 8 jours « les gaz, la puanteur des cadavres d’hommes et de chevaux, la fatigue accrue par la chaleur » (Historique du 146e R.I.) ; Jean-Jacques Caspar est intoxiqué par le gaz ypérite le 22 juillet. Il sera évacué le 31 juillet par l’ambulance 3/20 sur l’Hôpital de Château-Thierry, puis le 1er août sur celui de Coulommiers par l’ambulance Z/411 avant d’être transféré à l’hôpital de Tours pour intoxication le 3 août.
Le certificat médical en date du 1er août établira que Jean-Jacques Caspar est « Ypérité non récupérable à court terme – Conjonctivite – Laringite ».
Son action lors de cette fin juillet 1918 lui vaut d’être cité à l’Ordre du régiment le 26 juillet :
« Excellent sous-officier qui a fait preuve de beaucoup de dévouement et d’entrain comme adjoint au chef de section pendant les opérations des 20, 21, 22 et 23 juillet 1918. Légèrement blessé dès le début de l’attaque, puis intoxiqué, a continué à assurer son service d’une façon parfaite ».
Son régiment sera relevé le 28 juillet, mais mènera jusqu’à l’armistice du 11 novembre de violents combats.
Par la suite, il est nommé commis greffier adjoint près le Conseil de Guerre de la 47e division par décision en date du 6 septembre 1918. Il sera démobilisé le 25 janvier 1919.
Il est après la guerre titulaire de la carte du combattant n° 533 192 (certificat d’origine de blessures de guerre du 1er août 1918), de la Croix de guerre (26 juillet 1918) et du titre de chevalier de l’Ordre de Léopold du 20 novembre 1918, décoration la plus importante de Belgique, fondée en 1832 et décernée pour mérites exceptionnels.
Il reprend son activité d’avocat jusqu’en 1928 où il démissionne du tableau pour se consacrer à une carrière journalistique. Entre 1928 et 1936, il dirige plusieurs journaux : Lyon Républicain ; Société du progrès civique-le Quotidien ; il est également membre du Syndicat de la presse parisienne, de la Fédération de la presse française et du Syndicat des Grands quotidiens régionaux. En 1936, il quitte la presse qui a ses yeux a perdu toute indépendance : «c’est au barreau seul dit-il que l’on respire un air de liberté… » (notes biographiques de Marcel Poignard, 1936). Il se réinscrit au Barreau de Paris en 1936. Il candidate ensuite à un poste de juge de paix.
Il est mis en congés le 15 décembre 1939 car il est nommé juge à titre temporaire délégué du Ministère de la Justice : le 3 janvier 1940, il prend le poste de juge au tribunal de Privas pour être délégué au bureau du Sceau (service des naturalisations).
Il décède le 21 mars 1943, à 64 ans, à son domicile, suite à une maladie.
Cindy Geraci.
Son 1er fils, est, durant la 2e Guerre mondiale maréchal des logis de dragons portés et agent de liaison lors de la bataille des Flandres – Dunkerque. Après 1945, il suivra les traces de son père et deviendra journaliste en 1953 puis rédacteur parlementaire du Lyon Républicain et du Petit Niçois. Il prendra le nom de Bernard Kaspar dit Caspar-Jordan. Il décèdera en 1994 à Champdeuil en Essonne.
Son 2e fils est déclaré, en 1940, infirme à la charge du père. Il était artiste peintre et certaines de ses toiles ont été achetées par la ville de Paris (délibérations du Conseil Municipal de Paris).
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