WAGNER Georges Joseph (1880-1959)
Georges Joseph Wagner est né dans le 4e arrondissement parisien le 18 juin 1880 d’un père bourguignon, employé des chemins de fer et d’une mère bretonne, sans profession.
Comme tous les jeunes gens de 20 ans, Georges, 1,68 mètres, yeux bleus, effectue son service militaire de 3 ans et est incorporé au 82e Régiment d’infanterie le 14 novembre 1901 ; il le termine comme agent de réserve en 1903.
Il étudie ensuite le droit à Paris, obtient son doctorat avec sa thèse sur les Sociétés civiles en commandite ou anonymes (publiée en 1907 chez Vigot frères) et est admis au barreau de Paris le 21 février 1907.
Il plaide alors diverses affaires, en matière de droit du travail comme en matière pénale. En 1908, il défend aux côtés de ses confrères André Berthon et Maria Vérone, des hommes et femmes inculpés de vol qualifiés et complicité. En 1909, il est avocat conseil du Parti du Travail.
Le 2 août 1914, il est mobilisé, rappelé à l’activité comme sergent stagiaire au centre d’instruction pour mitrailleurs de Bourges. Il est promu sous-lieutenant en février 1915 et intègre en mai le 282e Régiment d’Infanterie. En octobre 1914, alors qu’il est cantonné dans le secteur de Villeneuve Vauban Belleu dans l’Aisne, Georges est blessé une première fois au visage et au bras, « ayant sectionné complètement le seltoïde à son extrémité supérieure » (il s’agit d’un muscle de l’épaule). Le journal Paris du 26 octobre 1914 nous informe de son état : « M. Georges Wagner, avocat à la Cour d’Appel, président de la ligue des patriotes du 12e arrondissement, sergent au 282e de ligne, blessé à l’épaule droite, est en traitement à l’hôpital n°4 de Rennes et en voie de guérison ». Il en ressortira le 22 décembre. Il est ensuite en permission de 7 jours (« non compris 2 jours de route ») où il rentre à Gouarec dans sa famille. Cette blessure lui vaut la reconnaissance de ses supérieurs : « Excellent sous officier. Instruit. Rigoureux énergique […]. A pu franchir les lignes allemandes et rentrer dans les lignes françaises. Fera un très bon officier de réserve » ; « il a pu entrer dans les lignes allemandes pendant plusieurs heures et a pu la nuit s’échapper pour rejoindre son unité. Il a été blessé par un éclat d’obus dans la partie supérieure du bras et est resté à l’hôpital jusque la fin décembre. Très brave, plein d’initiatives et de décision possède beaucoup d’ascendant sur ses hommes ».
Le 17 juin 1915, le 282e R.I. campe aux abords du cimetière de Souchez et créée tranchées et boyaux sous un bombardement intense. « Une attaque est projetée sur l’ilot des trois maisons au sud de Souchez et sur les positions restants encore aux allemands dans le boyau de Bavière. A 22 heures une attaque de nuit est tentée par la 17e Cie ; elle ne peut gagner que quelques mètres sous une violente fusillade et sous un bombardement de grenades » (J.M.O du 282e R.I.). Georges Wagner est blessé une seconde fois, plus gravement : il a des plaies aux deux genoux. Il est évacué vers son dépôt puis transporté à l’ambulance 2/18 du 26 juin au 6 septembre 1915 où il sera amputé. Il sera ensuite transféré dans des hôpitaux parisiens durant deux ans 6 mois et 28 jours (Hôpital auxiliaire 160, hôpital militaire Lycée Michelet à Vanves, Hôpital auxiliaire 117, Corps de rééducation physique du Grand Palais, Clignancourt). Blessé par éclat d’obus, aux deux articulations des genoux et à la tête (plaies superficielles), Georges a subi une arthrotomie (opération chirurgicale) pour extraire les projectiles, une abration du tibia gauche et une amputation de la cuisse gauche au-dessus du genou. Cette blessure lui vaut une citation à l’Ordre de l’Armée, l’attribution de la croix de guerre avec une palme, puis le titre de chevalier de la Légion d’honneur :
En 1917, toujours convalescent, Georges Wagner épouse Victorine Marie Alice Fonteny. Ils auront un fils Georges Paul Wagner, qui deviendra avocat (1921-2006).
Sa convalescence terminée, Georges Wagner retourne servir son pays : il est détaché à la justice militaire au 6e conseil de guerre de Paris le 24 janvier 1918. Ce « jeune et actif glorieux blessé de la guerre en quittant le service combattant s’est adapté vite à ses nouvelles fonctions. Intelligent et travailleur, esprit net et précis, et acquiert de jour en jour une expérience plus grande. Ses connaissances en droit et ses aptitudes professionnelles en font un magistral instructeur de valeur ». Les éloges de ses supérieurs se poursuivent en 1919 : « en qualité de rapporteur près le 6e conseil de guerre le lieutenant Wagner a fait preuve d’une parfaite compétence. En qualité de substitut du commissaire du gouvernement, il a montré tout dans l’étude de ses dossiers les plus délicats que dans le développement des réquisitoires des qualités particulièrement sérieuses et brillantes ». Le 30 décembre 1919, il est proposé pour être radié des cadres par la 6e commission de réforme de la Seine en raison de ses blessures lui ayant causé une invalidité de 90%. Cette mesure sera effective en 1924.
Démobilisé, Georges reprend sa profession d’avocat et le chemin du Palais ainsi que ses activités politiques.
En novembre 1919, il s’engage auprès du comité républicain indépendant d’Union nationale et sociale et se présente lors des élections municipales dans le quartier des quinze-vingt où il réside depuis 33 ans. En effet, les élections municipales devaient avoir lieu en 1916, pour renouveler les conseils élus en 1912, mais la guerre a entraîné leur report. Georges Wagner, « candidat unique du bloc national, est dès maintenant assuré d’un certain succès dans ce quartier. Tous les partisans de l’ordre, de la liberté et du travail sont décidés à s’y rallier » (La Presse, 6 décembre 1919). Il est battu au second tour par son confrère André le Troquer (socialiste unitaire).
S’il ne se représente pas aux élections de 1925, il reste néanmoins très actif à l’union républicaine du 12e arrondissement.
L’affaire Stavisky en 1934 a fortement secoué les institutions françaises et le barreau de Paris. En effet, plusieurs incidents ont éclaté à la suite de ce célèbre scandale politico-financier, qui impliquait des financiers, des parlementaires et des avocats. Le 6 février 1934 se déroulent à Paris plusieurs manifestations antiparlementaires, à l’initiative de groupes de droites, d’associations d’anciens combattants et de ligues d’extrême droite pour protester contre le limogeage du préfet de police Jean Chiappe, à la suite de l’affaire Stavisky. Jean Chiappe était connu pour être proche des milieux monarchistes et pour avoir réprimandé les manifestations communistes. Edouard Daladier, alors président du Conseil, l’accusait d’avoir freiné l’instruction de l’affaire Stavisky. Les manifestations de soutien, appuyées par une presse indignée par cette mutation du préfet (la Liberté, L'Ami du peuple, L'Intransigeant, L'Écho de Paris, le Petit Parisien) se déroulent sur la place de la Concorde, et sont fortement réprimandées par le ministre de l’Intérieur Eugène Frot, avocat parisien, entraînant des morts et de nombreux blessés (15 avocats arrêtés et blessés dans la nuit).
Le 7 février au Palais, la colère gronde contre Eugène Frot, accusé d'avoir donné l'ordre aux policiers de tirer et même d'avoir organisé des provocations. Des avocats, dont Georges Wagner, demandent sa radiation. Le bâtonnier Saint-Auban tente de calmer les esprits : « si, comme on me l’affirme de tous côtés, des meurtres inexplicables ont été commis par ordre du gouvernement, et en particulier par ordre militaire du ministre de l’Intérieur, une question grave se pose, que vous vous posez avec moi, car il ne faut pas sortir du cadre de nos limites professionnelles » ; en vain. Quelques minutes après ce discours, des confrères vont chercher la robe de Me Frot, écrivent dessus en rouge « Assassins » et la brûle, dans la salle des Pas-Perdus du Palais (l’histoire établira plus tard qu’il ne s’agissait pas de sa robe mais de celle d’un confrère ayant la toque à côté de la sienne). Egalement, deux avocats, Me Dutheillet de la Mothe et Gabriel Olivier montent sur les toits du Palais, arrachent leur épitoge et la noue sur le drapeau qu’ils mettent en berne. Les manifestants sont dispersés par la Garde républicaine, et 13 avocats sont transférés au dépôt. « La colère de mes confrères est justifiée par les assassinats qui ont été commis hier » dira le bâtonnier st Auban au procureur général Donat-Guigue.
Le 9 février, le bâtonnier Saint Auban et le Conseil de l’Ordre proclame dans une décision, reproduite par une partie de la presse : « Il [le Conseil] adjure ses confrères, quelles que soient leurs opinions, de s’unir dans ces sentiments. Il leur rappelle que les passions politiques et religieuses ne doivent jamais franchir le seuil du barreau et risquer de troubler le prétoire ». L’association des Secrétaires et anciens Secrétaires suit la proclamation du Conseil de l’Ordre et demande au Barreau « d’enjoindre à MM. Paul Boncour, Pierre Cot, Guy la Chambre [alors membres du gouvernement] de se désolidariser dans les vingt-quatre heures du gouvernement qui a fait tirer sur le peuple, en les informant, que faute par eux de le faire, ils seront chassés de l’association » (Le Journal 9 février 1934).
L’accalmie n’est que de courte durée puisque des rumeurs hostiles aux avocats parlementaires apparaissent de nouveau dans la salle des Pas-perdus. Me Moro-Giafferi tente de calmer ses confrères : « respectez votre robe, dit-il, ne transformez pas en champ de bataille le palais de la Justice ». Il est applaudi, mais après quelques minutes de calme, le tumulte reprend ; plusieurs incidents entre confrères ont été rapportés au bâtonnier.
Après enquête, Eugène Frot sera suspendu 6 mois du Barreau de Paris en mai 1934. Ces évènements de février 1934 aboutissent le lendemain à la chute du gouvernement Daladier et la réintégration de Jean Chiappe comme préfet de police.
Au lendemain du 7 février s’est fondé au Palais un groupe d’avocats qui se propose de maintenir l’esprit de ceux, qui le 6 février, demandaient place de la Concorde, l’honneur et la propreté, et qui, le 7 février chassaient du palais les avocats indignes. Ce groupe comprend des avocats de toutes tendances politiques. A la rentrée de septembre, ils déposent une couronne en l’honneur du conseiller Prince assassiné. Puis chaque année, ils se regroupent et vont déposer une gerbe de fleurs d’abord au pied du « pilier Frot » dans la salle des Pas Perdus puis sur la place de la Concorde, avec en tête du cortège, Georges Wagner.
Ce groupe a eu un grand succès aux élections du Conseil qui suivirent, de nombreux candidats se réclamaient de lui.
En juin 1934 se déroulent les élections au Conseil de l’Ordre, dans ce contexte particulier des événements du début d’année : quatre postes sont en effet à pourvoir, quatre membres du Conseil ayant terminé leur mandat conformément à la tradition. Egalement, vingt membres sortants sont rééligibles. Une centaine de confrères ont candidaté, dont nombreux sont ceux qui « ont exprimé le désir de faire compter leur voix » (L’Echo de Paris, 29 juin 1934). Ces élections revêtent un caractère innovant car c’est la première année où fut utilisée une machine à calculer, servie par un technicien, facilitant les opérations. Auparavant, l’appel des noms et le collationnement des suffrages étaient effectués par des membres du barreau « qui unissaient à la bonne volonté des dons de calculateurs rapides qui en faisaient des émules d’Inaudi [en référence à Jacques Inaudi, connu pour une étonnante mémoire des chiffres] » (L’Echo de Paris, 29 juin 1934). Georges est candidat. Le scrutin est ouvert le 28 juin 1934, et il faudra 5 tours pour qu’il soit élu membre du Conseil, mandat qu’il effectuera jusqu’en 1938.
Durant la Seconde guerre mondiale, Georges Wagner reste à Paris et poursuit sa profession d’avocat.
Il fêtera en 1957 ses 50 ans de barre, estimant que « ma carrière – d’une banale simplicité – n’appelle aucune manifestation particulière ». Sa médaille lui sera remise en toute discrétion par le bâtonnier William Thorp.
Georges Wagner sera contraint de démissionner du barreau en avril 1959 pour raison de santé avant de s’éteindre le 8 septembre à l’âge de 80 ans.
Cindy Geraci.
Sources
- ODA
Dossier de Georges Wagner.
- Archives de Paris
Registre matricule, D4R1 1088 : Matricule 3470
- Archives de Vincennes
GR 5 YE 15898, Dossier individuel de personnel de WAGNER Georges Joseph
- Mémoire des hommes
- Gallica et Retronews
La Libre Parole, 24 octobre 1908
L’Echo de Paris, 3 septembre 1915
Le Petit Journal, 31 décembre 1924
La Croix de l'Aveyron 31 juillet 1938
Incidents de février 1934
Le Petit Journal 8 février 1934
Le Petit Parisien 8 février 1934.
Le Journal, Echo de Paris, 9 février 1934
L’Action française, 4 novembre 1934
L’Action française, 5 novembre 1934
Journal des débats politiques et littéraires, 8 février 1935
Le Matin, 14 juillet 1938 : Affaire du C.S.A.R.
La Liberté 22 juillet 1938 : Affaire Locuty.
Excelsior, 21 juillet 1938 : Procès Aimé Joseph.
L’Action française 29 décembre 1938 : Affaire du C.S.A.R.
Décès :
Paris-presse, L'Intransigeant 16 septembre 1959
WEILL Paul (1893-1965)
Paul Marx Weill est né le 28 mars 1893 à Paris, au domicile de ses parents Anselme et Sophie Henriette Adeler, au 10 rue St Lazare Paris 9e. Son père était docteur en médecine, sa mère sans profession. Il est le 4e et dernier enfant de la fratrie.
Il est admis au stage le 25 octobre 1913 puis le suspend rapidement pour une durée de trois ans afin d’effectuer son service militaire. La première Guerre mondiale éclate entre temps et Paul Weill est naturellement mobilisé.
D’abord réformé lors de son service militaire pour orchite chronique (infection des testicules), il rejoint le 74e Régiment d’infanterie le 15 août 1914. Il est détaché le 19 août comme interprète à la Mission militaire française près l’armée britannique.
Il prête serment au barreau de Paris le 25 novembre 1914.
En octobre 1915, il est placé en subsistance au 19e escadron du train, ce qui signifie qu’il est provisoirement rattaché à cette unité pour s’occuper de la nourriture et du solde. Le 19e escadron du train était chargé assurer en campagne la mobilisation des formations destinées, et plus particulièrement la mobilisation d’un grand nombre d’éléments destinés au service automobile.
Il est blessé le 4 février 1917 à Flaucourt dans la Somme d’une plaie superficielle de la main droite par éclats d’obus. Après avoir été nommé brigadier le 16 avril 1917, il est désigné pour accompagner un convoi automobile à Marseille le 17 décembre.
En 1918, il est de nouveau blessé le 23 octobre 1918 à Homeries dans le Nord : sa paume et les doigts de sa main gauche ont été touchés par des éclats d’obus, ce qui lui vaut une citation à l’Ordre de la division n° 21606 « D » du 12 août 1919 : « le 23 octobre 1918 est entré dans Homeries (Nord) avec les avants gardes de son bataillon pour porter secours à la population civile qui s’y trouvait. Le village étant soumis à un bombardement des plus violents l’interprète Weill a néanmoins continué sa mission avec sang-froid et un mépris du danger le plus absolu. A été blessé deux fois au cours de la campagne ». Cette 2e blessure a été portée d’après le texte de la citation et les déclarations de l’intéressé, selon les mentions de sa fiche matricule. Elle précise aussi qu’il n’a jamais été évacué pour ses blessures.
Il est ensuite en subsistance au 128 R.I. le 5 avril 1919 et démobilisé le 31 août 1919.
Paul Weill sera décoré de la Croix de guerre étoile d’argent, de la médaille de la Victoire, de la médaille commémorative française de la Grande Guerre, de la military medal le 21 avril 1917 (médaille militaire britannique) et de la médaille militaire par arrêté ministériel du 17 octobre 1921.
Après avoir été actif à l’armée durant six ans, dont cinq de guerre, il reprend le chemin du Palais et de son cabinet, non sans difficultés, et se forge une excellente réputation comme en témoigne le journaliste du Carnet de la Semaine du 20 juillet 1930 : « Paul Weill qui assume au Palais la réputation de « l’homme qui a le plus d’esprit du barreau ».
Paul Weill est également un grand sportif, notamment un brillant escrimeur. Il remporte notamment le championnat des avocats à la Cour de Paris en 1914 et en 1926, ainsi que plusieurs titres dans de nombreux tournois internationaux. Membre de la société « L’Epée », dont il deviendra Secrétaire général puis Président (1919-1930), il est sacré Champion de France en 1921. En 1924, il participe à l’inauguration par le Bâtonnier Henri Robert de la première salle d’armes du barreau de Paris. Il s’implique également dans la fédération nationale d’escrime et devient leur avocat et conseiller juridique.
Il s’illustre également en 1926 avec son confrère Georges Daumas en mettant en scène la revue du Palais ; la revue du Palais, organisé par le Club du Palais (dont Paul Weill sera président), est un spectacle écrit, joué et composé par des avocats et qui se déroule chaque fin d’année judiciaire (en juin). Le journaliste de l’Ere nouvelle ne tarit d’ailleurs pas d’éloge sur les deux avocats : « Oh ! l’aimable revue qu’ils ont écrite ! Georges Daumas et Paul Weill sont deux avocats excellents, qui ont malgré cela, beaucoup d’esprit ! Leur revue est ruisselante de verve joyeuse, d’agréable enjouement, de fantaisie gentille, à laquelle ne manque pas la grâce. Une libre ironie, assez dure parfois en sa franche gaité, l’anime tout entière ».
Dans les années 1930, Paul Weill se constitue une clientèle nationale et internationale, notamment d’artistes et de gens du spectacle : Paul et sa femme Suzanne Blum font plusieurs voyages aux Etats-Unis, que ce soit avec leurs confrères pour des congrès, ou avec leurs clients acteurs américains. Il représente à plusieurs reprises le barreau de Paris au Congrès des avocats de Toronto (Canada) et de Chicago. Il est également l’avocat du Ministère des Affaires étrangères, de l’intérieur et de l’information à partir de 1935.
En 1933, il est honoré du titre de chevalier de la Légion d’honneur.
Le 2 octobre 1934, il épouse sa consœur Suzanne Blum, qu’il a rencontré à Cannes, à la terrasse du Miramar.
Au 2e jour de la mobilisation Paul Weill part comme officier défenseur dans la Justice militaire des Armées, laissant sa femme à Paris. Il est démobilisé à la fin du mois de juillet 1940 et rejoint les Forces françaises libres. Ayant quitté Paris, il transite par Bordeaux pour rejoindre sa femme aux Etats-Unis en novembre 1940. Ils s’installent d’abord chez des amis avant d’obtenir une chambre dans un hôtel new-yorkais de la 40e rue, pour un modeste loyer. Dans un premier temps, Paul et sa femme Suzanne ne travaillent pas ; lui fait la cuisine, elle entretient le foyer. L’exercice de leur métier d’avocat s’est avéré en effet quelque peu difficile : les règles américaines imposaient qu’aucun avocat français, sauf admis à exercer la profession aux Etats-Unis et jouissant donc de la nationalité américaine, n’était même autorisé à donner des conseils de droit français à des français.
Dès son arrivée aux Etats Unis, Paul Weill adhère à l’association gaulliste France Forever, fondée en juillet 1940. Ce comité a créé une filiale à New-York dès septembre 1940 sous la direction de Mme M. Dougherty. 56 chapitres furent créés dans tous les Etats-Unis afin de diffuser les informations du Comité national français, par tous les moyens : presse, radio, brochures, conférences, meetings. Le comité exécutif comprenait de nombreuses personnalités dont des avocats tels que Mildred Bixby, Paul Weill, Henry Torres. L’administration de France Forever était assurée par Pierre-André Weill, ancien combattant de la campagne de France, et qui, engagé volontaire dans les rangs de la France Libre, avait été à plusieurs reprises refusé au service actif. Paul, parfaitement bilingue, participa activement en faisant des conférences et en rédigeant des centaines d’articles. Il écrit en français dans le journal Pour la Victoire, ou en anglais pour le New York Post sous des pseudonymes divers, tandis que le Herald Tribune et le Times accueillent ses « lettres d’un lecteur ». Il devient également vice-président exécutif de la France libre aux Etats-Unis.
En 1942, alors qu’il a déjà quitté Paris pour Bordeaux, il est dans la liste des 48 avocats juifs qui pourront continuer à plaider au Palais, au titre de combattant de la dernière guerre. En effet, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, rendu le 2 janvier 1942, maintient par priorité 48 avocats juifs du barreau de Paris au titre des exceptions prévues par l’article 3 de la loi du 2 juin 1941 en faveur des anciens combattants et des victimes de guerre.
Il signe en 1943 pour la France libre, le projet de « déclaration des Droits de l’Homme pour le Monde », préparé par le gouvernement américain ; mais il tente depuis plusieurs mois de reprendre le chemin militaire, ce qui s’avère difficile vu son état et son âge (il approche des 50 ans). Grâce au colonel de Chevigné (1909-2004), il réendosse l’uniforme et part pour l’Algérie. « Du coup, à 50 ans il s’en crut à nouveau 20 » raconte sa femme Suzanne Blum dans ses mémoires. Il devient combattant volontaire de la France libre. Il arrive à Alger à la fin du mois de juin 1944 et est reçu par l’Alliance française d’Alger qui organise un dîner en son honneur et en celui de M. de Rochemont, président de France Forever. Entre mai et juin 1944, ses compétences de journaliste et d’écrivain lui permettront d’assurer le poste de directeur de la section « presse » du gouvernement provisoire. En effet, le Comité français de libération Nationale (CFLN) crée le 3 juin 1944 à Alger le gouvernement provisoire de la République Française, qui s’installera à Paris après sa libération et gouvernera la France jusqu’à l’adoption d’une nouvelle constitution. Il quitte Alger en juin 1944 comme commandant, et se distingue en août en prenant part à la Libération de la Provence.
En novembre 1944, Paul Weill est revenu à Paris. La guerre prend fin et il reprend son activité d’avocat :
- Pour les entreprises, telles que la SNCF dont il est le défenseur depuis 1937, et avant puisqu’il était avocat de la Compagnie nationale des chemins de fer de 1930 à 1937 ;
- Pour l’Etat, puisqu’il devient l’avocat du Ministère de l’Information ; également, en 1950, il sera nommé avec son confrère et beau-frère André Blumel, rapporteur du comité consultatif du contentieux du Ministère de l’Intérieur (Journal officiel du 3 juillet 1950).
Il travaille également dans les milieux artistiques et cinématographiques : il devient l’avocat du Centre national de la cinématographie française fin 1945, et participe en 1949 comme membre du jury du festival de Cannes, sous la présidence de l’historien Georges Huisman et aux côtés de Jules Romains. Il défend de nombreuses sociétés de production cinématographiques, plusieurs artistes et personnalités politiques.
Il sera décoré de la croix de guerre 1939-1945, 30 ans après avoir reçu celle de 1914-1918, des titres d’officier de la Légion d’honneur, de commandeur de l’étoile noire du Bénin et de commandeur du Ouissam Alaouite (haute distinction marocaine). La cravate de commandeur de la Légion d’honneur lui sera remis par Paul Boncour en 1957.
Il décède le 19 juillet 1965, après 51 ans de carrière.
Sources et bibliographie
Dossier ODA.
Suzanne Blum, Vivre sans la patrie 1940/1945, éditions Plon, Paris, 1975.
Fiche matricule Weill, Paul Marx , Matricule 946 D4R1 1766, Archives de Paris.
France Forever par Richard de Rochemont, Fondation de la France libre.
Dossier de la Légion d’honneur, base Léonore
Généanet : Paul Weill
Articles de Paul Weill pour France Amérique :
France Amérique, 18 juillet 1943
France Amérique 17 octobre 1943.
France Amérique, 2 juillet 1944. Réception par l’Alliance française.
Gallica / Retronews
Biographie
Le carnet de la semaine, 20 juillet 1930
Le Petit Courrier, 10 mars 1933 : Légion d’honneur.
Conseillers pour tournage de films : Paris Soir, 28 septembre 1933
Bulletin de la LICA, 1er octobre 1957 : remise de la cravate de commandeur de la Légion d’honneur.
Affaires judiciaires
Affaire Hailé-Sélassié contre l’Etat Italien : Me Paul Weill avocat de Hailé-Sélassié :
Action française, 2 février 1939
Miss Paris 1939, Excelsior, 10 mai 1939 ; La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, 10 mai 1939
Procès Madeleine Sologne : Paul Weill défend la Société de production contre Madeleine Sologne Combat 15 février 1948
Procès de Georges Scapini : Paul Weill son défenseur avec Me Roger Lamouche, La Dépêche tunisienne, 14 novembre 1949
Procès du comédien André Luguet / Elvire Popesco directrice du théâtre de Paris : Paul Weill et Etienne Caen avocats de Luguet : La Bourgogne républicaine, 18 octobre 1958
Affaire du sultan Sidi Mohammed Ben Youssef : La Croix 1er novembre 1955
Interview :
L’Intransigeant, 4 novembre 1935 : enquête sur les décrets lois du cinéma.
Paris Presse l’Intransigeant, 22 avril 1950 : article de Suzanne Granier-Raymond sur la maltraitance des enfants.
Escrimeur :
L’Ami du peuple, 3 février 1933
Voyages aux Etats-Unis
Cindy Geraci.
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