PAU 1943
Même lorsque la mémoire commence à s’effriter, l’âge venant, il est certains souvenirs que l’on n’oubliera jamais. Celui qui suit, apparemment le tout premier, date de l’époque où je venais d’avoir quatre ans, lorsque la France était occupée, et je peux reconstituer ce coup de chance sans lequel je pourrais n’être plus rien qu’une poignée de cendres depuis longtemps intégrée à la terre de Haute-Silésie.
Fuyant une Pologne antisémite, mon père était arrivé à Paris le 13 juillet 1926, il n’avait pas encore vingt ans, en route pour l’Uruguay où un cousin l’attendait. Ce soir‑là, « tout Paris dansait, j’ai décidé d’y rester », devait‑il me raconter plus tard quand je l’interrogeais sur les raisons de ce choix. « Et puis la France, c’était le pays des droits de l’homme, de Victor Hugo, Zola et Anatole France. »