Il y a eu L’Affiche Rouge et il y a une affiche jaune. Moins connue, elle couvre les murs de Paris et les murs du métro le 21 septembre 1942 et elle est même envoyée à la presse régionale pour publication. Elle annonce l’exécution, le matin même, de 12 otages après le « lâche assassinat » commis sur la personne d’un soldat allemand.
En tête de la liste des 12 otages : Georges Pitard, Antoine Hajje et Michel Rolnikas. Les deux premiers sont qualifiés de fonctionnaires communistes et le troisième de propagandiste juif. Ce sont des avocats.
Depuis l’automne 1940, ils forment, avec d’autres comme Maurice Boitel, Féraud, Vianney, un petit noyau d’avocats défenseurs des communistes et des résistants devant la 12e chambre cas correctionnelle qui juge plus particulièrement ces dossiers
Trois avocats sont connus de longue date. On sait qu’ils sont communistes.
Georges Pitard, 47 ans en 1940, est peut-être le plus emblématique des avocats plaidant pendant cette période, même s’il n’a pas plaidé devant la section spéciale. Exemple de la méritocratie républicaine, il est issu d’une famille ouvrière parisienne. C’est à force de travail qu’il est devenu avocat. Il est communiste et Conseil juridique de l'Union des Syndicats de la Seine, conseiller juridique du Syndicat des Métaux, membre et avocat du Secours populaire. Il est membre de l'Association Juridique Internationale (AJI), qui appartient étroitement, sous la houlette de l'avocat Marcel Willard, à la mouvance du Komintern, l'Internationale Communiste dirigée par Moscou. C’est un pur, il est au service des pauvres et des déshérités, il défend pro bono et consacre toute sa vie à son activité.
Michel Rolnikas, 33 ans, est un jeune juif lituanien amoureux de la France. Il est le collaborateur de Georges Pitard. Michel plaide pour les syndicats de la CGT et en particulier, pour la Fédération des Métaux. Il assure également la défense des militants syndicalistes et communistes devant les juridictions prud’homales et pénales. Il écrit beaucoup. Des chroniques de droit du travail dans L’Humanité et La Vie Ouvrière. En 1938 et 1939, il publie chaque semaine un article de vulgarisation juridique dans l’Humanité dans sa chronique intitulée « Saviez-vous que … ? ». Dans La Vie Ouvrière, ses articles sont plutôt axés sur le droit de la famille : Protection de l’enfance et légitimation adoptive, l’action en recherche de paternité … 32 ans en 1940.
Enfin Antoine Hajje, un Libanais né à Chypre, titulaires de 2 doctorats, est un militant anticolonialiste. Il se consacre à la lutte contre le colonialisme. Il défend souvent, à l’étranger, des militants communistes pour le compte de l’AIJ : l’Association Internationale des Juristes, qui dépend du Komintern, l’internationale communiste animée par Moscou.
Paul Vienney, avocat communiste, a rendu hommage à ses confrères dans La Défense, le journal de la section française du Secours Rouge International du 8 juillet 1949. La scène, qu’il décrit et qui se déroule le lendemain de l’invasion allemande, est saisissante. Le lecteur est dans le couloir du Palais à côté de ce groupe d’avocats en robe.
« Mon dernier souvenir de Pitard date du 22 juin 1941, au lendemain de l'agression contre l'U. R. S. S. Nous nous étions retrouvés à quelques-uns - Boitel, Ferrucci, Hajje, Pitard et moi, c'est-à-dire tout ce petit noyau d'avocats qui se partageait alors la tâche ingrate de défendre nos camarades de la Résistance — devant la 12* Chambre du tribunal correctionnel où j'assistais ce jour-là Gabriel Péri. Rolnikas était absent. De lourdes menaces pesaient sur nous. La question se posait de savoir pendant combien de temps encore le gouvernement nous laisserait la liberté de nous exprimer à cette merveilleuse tribune qu'était pour nous la barre du tribunal. Nous nous demandions s'il était préférable de passer à la clandestinité pour aider au dehors nos camarades emprisonnés, ou de maintenir notre présence à leurs côtés jusqu'à notre propre arrestation. Chacun donna son avis selon son tempérament, ses réactions personnelles. Je revois encore Boitel, placide et méditatif, Ferrucci, bref et tranchant comme à son ordinaire, Hajje, impétueux et combatif qui optait pour la continuation de la lutte à visage découvert, et Pitard qui penchait au contraire vers la clandestinité mais se demandait avec angoisse comment il pourrait continuer à servir ceux qui l’avaient appelé à l’aide et ce qu’il adviendrait d’eux après ce retrait qu’il considérait comme un abandon »
Les trois avocats ont été arrêtés le 25 juin 1941. Trois jours après la rupture du pacte germano-soviétique.
Le bâtonnier Jacques Charpentier a réagi, choqué par la perquisition dans les cabinets de ses confrères sans la présence d’un membre du Conseil de l’Ordre et par leur arrestation. Il a adressé une lettre à Fernand de Brinon, ambassadeur de France près de l’Allemagne, et à Joseph Barthélémy, le ministre de la Justice, qui est également avocat au barreau de Paris. Sans succès. Les avocats restent détenus.
Il relance début septembre 1941, affirmant que la défense de ses avocats ont fait juste l’accomplissement de leurs devoirs professionnels.
Le 16 septembre 1941, un officier allemand est tué. Le 20 septembre, Georges Pitard, Antoine Hajje et Michel Rolnikas sont conduits à la Prison de la Santé où leur est annoncée leur exécution pour le lendemain matin.
A l’aube, Antoine Hajje, ses deux confrères et 7 autres condamnés, la plupart jeunes communistes, sont conduits au Mont-Valérien et sont fusillés.
Ils n’ont pas eu le temps de connaitre les juridictions d’exception.
Les juridictions d’exception
La France a toujours aimé les juridictions d’exception, mais Vichy a battu tous les records en créant 10 juridictions d’exception.
A titre d’exemple, on peut citer la création, en juillet 1940, de la cour suprême de Riom pour juger les responsables de la défaite (Blum Daladier, Gamelin…) - on sait qu’elle fut utilisée par les accusés comme tribune pour mettre en cause Pétain et l’État français à tel point que les autorités préférèrent interrompre le procès, puis en septembre de la même année, la cour martiale de Gannat pour juger les militaires engagés dans les rangs de la France libre. D’autres juridictions d’exception verront le jour selon les besoins, jusqu’à, en janvier 1944, la création des cours martiales de Darnand, chef de la Milice, alors secrétaire d’État au maintien de l’ordre dans une France qui rejette de plus en plus le régime. On imagine la justice des miliciens …
Les plus célèbres de ces juridictions d’exception sont les Sections Spéciales rattachées, dans la zone occupée, aux cours d’appel.
Une étape importante est franchie le 21 août 1941. Ce jour-là, Pierre Georges, un jeune militant communiste qui sera connu sous le nom de Colonel Fabien, tue l’aspirant Mozer à la station Barbès. Les Allemands demandent immédiatement des représailles. Pierre Pucheu, ministre de l’Intérieur, et Joseph Barthélémy, ministre de la Justice, avocat au barreau de Paris, concocte dans la nuit du 21 au 22 août un texte de loi qui crée une juridiction d’exception pour juger toute personne ayant pour objet de favoriser l’anarchie ou le communisme. La loi est promulguée au journal officiel dès le 23 août, mais elle est anti datée au 14 août pour préserver les apparences d’indépendance du gouvernement et l’associer à la manifestation communiste du 13 août 1941.
Une circulaire du 23 août 1941 du ministère de la Justice prévoit que la section spéciale peut « infliger toute peine y compris la mort pour n’importe quelle infraction ».
Pour faire bonne mesure et complaire à l’Occupant, est créé, en septembre 1941, un tribunal d’Etat pour juger « dans un esprit de collaboration » les actes de nature à nuire au peuple français. Sont encore visés les communistes, les résistants et tous opposants à la Collaboration.
Le 11 novembre 1942, la zone libre est envahie par les Allemands et les Sections Spéciales qui étaient rattachées, dans cette zone, aux tribunaux militaires ou maritimes, le sont dorénavant, comme dans la zone occupée, aux cours d’appel.
Le 3 août 1943 sont créés les tribunaux spéciaux. Ceux-ci ont pour objet de réprimer « la subversion sociale », c’est-à-dire toutes les infractions relatives au marché noir, à la législation sur les prix, à la détention d’armes, de poste de TSF, les évasions de prison. Ce sont les malfaiteurs de droit commun qui sont visés. En fait, tous les citoyens français qui ne sont pas maréchalistes.
Nul ne peut échapper à la répression.
Absence totale de garanties procédurales
Ce qui caractérise surtout les juridictions d’exception est l’absence des garanties procédurales préexistantes. C’est flagrant pour les Sections Spéciales, devant lesquelles les garanties procédurales accordées aux personnes déférées sont bafouées.
Les audiences ont lieu à huis clos, car la publicité serait dangereuse pour l’Ordre public.
- Elles jugent en dernière instance. Aucun recours n’est possible. Aucun pourvoi.
- Aucune obligation d’énoncer les motifs.
- Aucune limitation dans les peines
- La loi est rétroactive et s’applique à des faits commis jusqu’à 10 ans avant sa promulgation.
- Les condamnations sont d’exécution immédiate. Il n’y a pas de sursis.
- Les avocats n’ont accès au dossier avant l’audience
- Si la personne a été arrêtée en flagrant délit, il n’y a pas d’instruction. Sinon, celle-ci ne peut excéder huit jours.
Plus grave - si l’on peut dire-, une personne déjà condamnée avant la création des Sections Spéciales peut de nouveau être jugée pour les mêmes faits qualifiés différemment. (C’est le cas de Léon-Maurice Nordmann, condamné à deux ans d’emprisonnement pour avoir distribué des tracts favorables aux Anglais, et rejugé par la Section Spéciale de Paris l’année suivante pour son appartenance au réseau du musée de l’Homme et condamné à mort.)
Les dossiers qui ont été conservés dans les archives de la cour d’appel montrent qu’ils ne contiennent très peu de pièces - contrairement aux dossiers correctionnels d’avant août 1941 – et montre le caractère expéditif de cette justice.
Encore plus grave – si c’est possible – toute personne arrêtée ou détenue en vertu des lois françaises peut se voir déférée devant un tribunal militaire allemand ou alimenter les exécutions d’otages ou les convois de déportation.
En d’autres termes, les détenus constituent un vivier de condamnés en puissance dans lequel l’occupant puise à sa guise.
Les études historiques montrent que l’application des textes répressifs par les magistrats de ces juridictions d’exception a été, à l’exception de la première affaire, beaucoup plus nuancée et même mesurée que la réputation qu’elles ont conservée.
La Section Spéciale de Paris
La première section spéciale est créée devant la cour de Paris le 26 août 1941. Les volontaires ne se sont pas bousculés. Le ministre de la Justice a été contraint d’instaurer une prime spéciale pour inciter les magistrats à participer.
Les communistes sont les premiers concernés, mais bientôt le champ d’activité des Sections Spéciales s’élargit à tous les « actes terroristes ».
Dès le 27 août 1941, la section spéciale siège et doit juger 6 militants communistes. Il faut se rappeler que le pacte germano-soviétique a été rompu le 22 juin 1941 par Hitler quand l’armée allemande a envahi l’Union Soviétique. Les autorités d’occupation font pression pour obtenir des condamnations à mort. La section spéciale en prononce « seulement » trois.
Les premiers condamnés à mort sont les trois résistants communistes Émile Bastard, André Brechet et Abraham Trzebrucki, ils sont guillotinés le 28 août 1941 à la prison de la Santé. Ce seront les seuls. La section spéciale de Paris prononcera encore 33 condamnations à mort par contumace dans le cadre de 700 affaires concernant 1513 inculpés.
Et les avocats ?
Ils sont commis d’office. L’Ordre est informé de la nécessité de désigner un ou plusieurs avocats pour une audience. C’est d’ailleurs une protection pour eux. Si un accusé demande un avocat en particulier, ce dernier est alors désigné implicitement comme sympathisant de la cause de l’accusé et risque de se retrouver à ses côtés, voire pire comme on va le voir.
L’Ordre a conservé une liste de 33 avocats qui ont été commis d’office devant les Sections Spéciales ou les tribunaux militaires allemands. Cette liste est-elle complète ?
Elle montre qu’il existe deux catégories d’avocats commis d’office. Ceux qui sont admis à plaider devant les tribunaux militaires allemands et ceux qui sont désignés par l’Ordre pour plaider devant les sections spéciales.
Les premiers parlent couramment allemand. Souvent Alsaciens, ils sont imprégnés de culture allemande et de ce fait, considérés moins défavorablement par l’Occupant. Joseph Haenning, qui a défendu Léon-Maurice Nordmann, Jehan Burguburu, le père du bâtonnier Jean-Marie Burguburu, Stauber, Wilhelm, Mettetal, Kraeling qui a défendu Boris Vildé, … sont sur la liste. L’histoire des tribunaux militaires allemands en France est peu documentée, car allemande, contrairement à celle des juridictions d’exception françaises dont toutes les archives ont été conservées.
Les seconds, qui plaident devant les Sections spéciales, le plus souvent pour des communistes, sont immédiatement suspectés et dans le collimateur des autorités.
Il n’est pas exagéré de dire que dans cette période, ils plaident au risque de leur vie.
La première affaire de la Section Spéciale de Paris
Historiquement la première constituée et très proche géographiquement du pouvoir, elle est immédiatement et fermement mise à contribution.
Dès le 27 août 1941, la Section Spéciale siège et doit juger 6 militants communistes. Les autorités d’occupation font pression pour obtenir des condamnations à mort. La section spéciale en prononce « seulement » trois.
Les premiers condamnés à mort sont les trois résistants communistes : Émile Bastard, André Brechet et Abraham Trzebrucki. Ils sont guillotinés le 28 août 1941 à la prison de la Santé. Ce seront les seuls condamnés à mort.
Alec Mellor, né en 1907, est le premier avocat commis d’office dans ce dossier. Il doit défendre Emile Bastard, l’un des 6 militants communistes. Il était encore avocat stagiaire en 1930. C’est un fervent catholique qui s’intéresse néanmoins beaucoup à la franc-maçonnerie. Il publiera de nombreux ouvrages tout au long de sa vie. L'avocat ne dispose que de quelques minutes pour étudier le dossier et préparer sa plaidoirie pour défendre Émile Bastard. Quelques mois auparavant, celui-ci a été condamné à deux ans de prison pour « délit de propagande ». Ayant fait appel, il recomparaît ce jour-là. Peu après le début de l’audience, l’avocat général requiert la peine de mort à l'encontre de trois militants, dont Bastard, en application de la loi du 23 août 1941 publiée quatre jours plus tôt. Mellor fait alors remarquer que : d'une part, selon le droit français, la rétroactivité n’est pas applicable ; d'autre part, qu’une condamnation à deux ans d’emprisonnement ne peut pas être transformée en peine capitale. Le président lui répond que la nouvelle loi le permet et que « si Bastard s'était abstenu de faire appel, il n'en serait pas là ». L’avocat dépose le jour même une demande de recours en grâce. Celle-ci est rejetée.
Le procès est si emblématique de l’ambiance judiciaire et politique que le réalisateur Costa-Gravras en fera un film, Sections Spéciales.
À partir de 1942, Alec Mellor dirige les travaux pratiques de droit criminel à la Faculté de Paris. Concomitamment, il s’engage dans des mouvements résistants.
Quelques commis d’office du barreau de Paris
Bernard du Granrut. Il a 21 ans en 1941 et est alors collaborateur de Maître Georges Chresteil. Ce dernier, désigné par l’Ordre pour défendre un communiste devant la Section spéciale, envoie son jeune collaborateur. L’expérience est traumatisante pour le jeune stagiaire. Il défend un jeune électricien qui sera exécuté deux jours après l’audience. Le parcours de Bernard du Granrut sera évoqué dans la 2ème table ronde.
Jacques Isorni est aussi l’un des commis d’office. Il s’est fait plutôt connaitre comme avocat de Pétain et des collaborateurs après la Libération. Son activité d’avocat commis d’office n’est pas documentée. C’est lui qui dira, après la guerre, que beaucoup se dérobait à ce devoir. Difficile de le savoir. Nous n’avons pas de chiffres.
Des femmes aussi ont été désignées et ont accepté cette défense, sachant que la répression qu’elle risquait rejaillirait sur leurs enfants. Les plus connues sont Germaine Sénéchal qui avait 25 ans en 1940, Renée Mirande-Thomas 32 ans, Odette Moreau 37 ans, toutes mères de famille.
Odette Moreau est la plus connue, ayant poursuivie une carrière politique après la guerre. Ces avocates étaient de vraies résistantes. Elles paieront cet engagement, leur cabinet sera perquisitionné, elles seront arrêtées. Elles vont être évoquées dans la 2ème table ronde.
La deuxième figure emblématique de cette résistance judiciaire devant les juridictions d’exception – la première étant Georges Pitard-, est Joseph Python.
Joseph Python, membre du conseil de l’Ordre, fondateur de l’UJA avec Kadmi Cohen, est chargé de désigner les commis d’office. Bien souvent, il assure lui-même la défense des malheureux. Il va les visiter en prison. Il se rend même à Compiègne à plusieurs reprises voir ses confrères juifs emprisonnés pour leur remonter le moral. Il défend indifféremment communistes, gaullistes, résistants. Il est même présent lors de leur exécution.
Il subit une 1ère arrestation en avril 1943. Avec le sens de sa responsabilité de membre du Conseil de l’Ordre et surtout par confraternité, il s’occupe des cabinets de ses confrères juifs, déportés ou en fuite, et reçoit leur famille. Ce comportement, insupportable et suspect pour les autorités, lui vaut d’être arrêté chez lui. On lui reproche d’avoir plaidé les dossiers d’un avocat juif en fuite et d’avoir réservé à l’absent une part des honoraires, lui fournissant ainsi des subsides. Il est retenu et interrogé toute la journée, mais relâché le soir même après un sérieux coup de semonce. La Gestapo lui signifie qu’il n’est qu’en liberté provisoire. Il doit cesser de s’occuper des ennemis du peuple allemand.
La 2ème arrestation a lieu le 4 juin. Il est de nouveau arrêté par la Gestapo et emmené rue des Saussaies. On lui reproche de ne pas avoir dénoncé la présence d’un aviateur anglais chez un de ses clients. Le client en question, un sieur Dubois, artiste dramatique et organisateur en Belgique de tournées théâtrales, a été arrêté pour tentative d’extorsion et détention d’un deuxième jeu de cartes d’alimentation. Incarcéré à la santé, il a demandé à Joseph Python d’être son avocat. A l’occasion d’une visite au parloir, Dubois a confié à Python qu’il hébergeait chez lui un aviateur anglais.
Il l’a redit au juge d’instruction, qui a également gardé le secret. Mais il l’a répété lors d’un interrogatoire de la Gestapo. Toujours est-il que l’on reproche à Joseph Python de ne pas avoir rapporté aux autorités la confidence de son client. En d’autres termes, de ne pas avoir violé le plus sacré des devoirs de l’avocat, le secret professionnel. L’interrogateur rappelle à Joseph Python qu’il a donc « enfreint l’ordonnance dont le texte a été récemment reproduit dans les journaux français, en aidant ce pilote à se soustraire à nos recherches » et qu’il encourt « la peine de mort pour ne pas avoir révélé la confidence » qui lui a été faite.
L’interrogatoire est clos par l’annonce qu’il va être fusillé. Le soir même, il est incarcéré à Fresnes. Il ne sera plus interrogé ni entendu une seule fois jusqu’à sa libération.
Il est enfermé dans une cellule de 10 m² avec trois autres prisonniers, des jeunes de 18 à 25 ans. Joseph a presque 60 ans.
Le 11 octobre 1943, Joseph, mourant, rentre chez lui sur une civière.
Il rend son dernier souffle le 27 janvier 1944. Mort d’avoir refusé de violer le secret professionnel de l’avocat.
Ces avocats se faisaient une haute idée de leur profession et des obligations qu’elle engendre. Leurs derniers mots à tous, dans leurs lettres qui sont dans les dossiers de l’Ordre, expriment unanimement leur sentiment d’avoir passionnément aimé leur profession, d’avoir honoré la robe et fait leur devoir, même au risque de leur vie.
Georges Pitard l’exprime dans sa dernière lettre à sa femme :
« Je m'en vais, fier de ma vie, fier de mon passé ; je n'ai jamais fait que le bien, jamais pensé qu'à soulager la misère... Je crois avoir honoré l'Ordre des avocats ; c'est ma carrière que j'ai servie avec foi, souvent avec passion, et c'est en somme pour cela, pour l'avoir exercée jusqu'au bout, sans défaillance, que s'entrouvrent devant moi, en cette nuit tragique, les espaces infinis... »
Michèle BRAULT, AMCO
13 mai 2025
Dossiers administratifs des avocats cités.



