Thérèse Moreau est née à Tonnerre, dans l’Yonne le 6 mai 1883, d’un père brasseur et ancien Combattant de la guerre de 1870.
Elle s’engage dans la profession « par hasard » et prête serment le 7 novembre 1909, puis s’inscrit au Barreau de Paris en 1912. Elle trouve dans cette carrière « un intérêt psychologique et moral de pénétrer dans la vie de gens étrangers à mon milieu » explique-t-elle au journaliste du Temps qui l’interroge avant de poursuivre : « j’y ai aussi trouvé un ennui : on y parle trop ! » (Le Temps du 7 février 1914).
Elle entre alors au cabinet de Charles-Célestin Boullay (1857-1940), ancien Secrétaire de la Conférence et ancien membre du Conseil du l’Ordre (1910-1914), jusqu’en juillet 1914 où elle part pour Douai rejoindre sa famille. Elle travaille dans ce même cabinet aux côtés de Claude Couprie, mort pour la France le 28 novembre 1914.
« Le lendemain de mon arrivée c’était la guerre » raconte-t-elle à son retour. « Le 24 août nombre de blessés arrivaient déjà dans les hôpitaux de la ville » (Le Petit Journal, 4 août 1918). Diplômée de la Croix-Rouge française, elle sert durant 14 mois à l’hôpital Sainte-Clotilde tant que celui-ci reste français. Cet hôpital auxiliaire N°31 pour blessés coloniaux, anglais et russes a ouvert le 3 août 1914 avec 400 lits jusque fin octobre 1915. Elle facilite également l'évasion de certains de ces prisonniers. Thérèse Moreau rapporte qu’au 1er octobre 1915, « les Allemands étaient de retour [à Douai], mais cette fois, il y eut des combats dans toutes les rues de la ville. Seul notre hôpital subsista pour les blessés français prisonniers » (Le Petit Journal, 4 août 1918).
A la fin du mois d’octobre 1915, alors que l’hôpital Ste Clotilde ferme ses portes, Thérèse Moreau entre au barreau de Douai : « dès cette époque jusqu’au 30 décembre 1917, j’ai plaidé devant le tribunal de première instance qui fonctionnait librement » (Le Petit Journal, 4 août 1918). Durant cette période occupée, le Barreau de Douai fonctionnait avec uniquement quatre avocats, les autres étaient sous les drapeaux ou mis à la disposition du gouvernement.
« J’aurais continué si le 11 janvier [1918] je n’avais pas été emmenée en Allemagne comme otage ». Thérèse Moreau est internée au camp de d’Holzminden (Basse-Saxe). « J’ai passé l’hiver dans une chambre où nous étions 14 personnes » rapporte-t-elle lors de son retour en France.
En mars 1918, elle écrit une carte postale au bâtonnier Henri Robert pour le remercier de « son aimable souvenir » : « ma captivité de bientôt quatre ans ne m’a pas fait oublier ma grande famille parisienne, et malgré l’accueil très amical que j’ai reçu de mes confrères douaisiens, je suis toujours restée fidèle au barreau de Paris ».
De retour en France, elle rentre à Paris et reprend le chemin du Palais : « J’ai été heureuse de retrouver le Palais » écrit-elle au Bâtonnier le 2 août 1918, « mais que de vides et que de nouvelles figures ! » rajoute-t-elle. Ce même jour elle se présente devant le 1er Conseil de guerre pour défendre un artilleur impliqué dans une affaire de désertion et d’abus de confiance, et commence sa plaidoirie par : « Après avoir passé quatre ans sous l’autorité allemande, j’éprouve le besoin de vous dire, Messieurs les juges, combien je suis heureuse et fière de prendre la parole devant une justice française libre » (Le Figaro, 2 août 1918).
Le 19 novembre 1918, Paul Deschosse, Bâtonnier de l’ordre des avocats à la Cour de Douai, écrit à son confère parisien le Bâtonnier Henri Robert au sujet de la libération de sa ville et évoque particulièrement le rôle de Melle Moreau durant cette période difficile :
« Je remplis un agréable devoir en saisissant cette première occasion de vous signaler la précieuse collaboration qu’avec la bonne grâce la plus aimable nous a apporté un de vos confrères, Mademoiselle Marie-Thérèse Moreau, retenue à Douai par les premiers remous de la guerre. Non contente de se dévouer, comme infirmière au chevet des blessés de l’Hôpital Sainte Clotilde, elle s’est mise spontanément à notre disposition pour suppléer à l’insuffisance du nombre des avocats résidant encore en notre ville, et n’a cessé de nous prêter la collaboration la plus assidue, au grand bénéfice des clients auxquels elle apportait son aide désintéressée et généreuse, cela jusqu’au jour où son concours nous a été arraché par la décision brutale qui l’a désignée comme otage et lui a fait subir une longue captivité en Allemagne. Ayez la bonté de lui faire transmettre l’expression réitérée de notre gratitude » (PV du CO, 19 novembre 1918).
En 1920, le Bâtonnier de Paris et le Bâtonnier de Douai, effectue une demande d’attribution de Légion d’honneur. Or à cette époque, le cas de Mlle Moreau, ancienne prisonnière et otage ne rentrait pas dans cette attribution ; d’après les décrets des 13 juillet et 5 octobre 1917, Mlle Moreau était éligible à la Médaille de la Reconnaissance française, attribuée aux anciens prisonniers de guerre, aux anciens prisonniers civils et aux anciens otages qui ont accompli en captivité des actes exceptionnels de courage et de dévouement dûment établis. C’est pourquoi l’attribution de la Légion d’honneur a mis du temps à être examinée : le dossier est passé du Ministère de la Guerre au Ministère de l’Intérieur, pour finir en Conseil des Ministres où « tout le monde était favorable à sa décoration ; le procureur de la République interviendra lui-même auprès de la Chancellerie pour faire lever son veto » indique une note du dossier.
Thérèse Moreau sera décorée de la Croix de Chevalier de la Légion d’honneur le 27 octobre 1923. L’insigne lui a été remise par les Anciens Combattants du Palais. Elle est la première avocate en exercice à recevoir ce titre.
Les Anciens Combattants l’accepteront comme membre de leur association « à l’unanimité » lors de leur dîner de 1932.
A droite, Thérèse Moreau, 1925.
En 1926, elle s’inscrira aux jeunesses patriotes et y jouera un rôle actif jusqu’en 1939 ; elle enseignera également le droit au Collège d’Hulot de Varennes et à l’école technique des sœurs de la Sagesse (avenue Victor Hugo à Paris). Elle reprend son activité d'avocate en se spécialisant sur les problèmes de l’enfance et des femmes ; elle siègera, d’abord en tant que membre puis de présidente de section au bureau d’assistance judiciaire près le tribunal.
Très investie dans la vie de son barreau, Marie-Thérèse Moreau participe à de nombreuses manifestations notamment les commémorations de Saint-Yves. Elle sera d’ailleurs nommée marraine de la cloche « Marie-Thérèse Alberte » de la nouvelle église Saint-Yves des Quatre routes de la Courneuve baptisée en novembre 1934.
En 1935, elle se présente aux élections du Conseil de l’Ordre en même temps que sa consœur Maria Vérone. Certains murmurent qu’elle réunira sous son nom la voix des Anciens Combattants (L’Africain 15 juillet 1934). Au terme d’un 5e tour, elle ne sera toutefois pas élue.
En 1957, elle contribue à la résurrection de l’amicale des avocats honoraires du Barreau de Paris, pour laquelle elle fut Vice-Présidente jusqu'à son décès le 2 novembre 1969.