Par l’Association des Combattants du Palais (ACP)
A l’occasion du centenaire de l’armistice de la Grande Guerre, il est bon, à partir des quelques archives ayant traversé les années et les évènements de toute sorte pour parvenir jusqu’au siège de notre Association et celle de SAUMUR ANORABC (Association Nationale des Officiers de Réserve de l’Arme Blindée Cavalerie) de rendre hommage à la LEGION DES MILLE PLUS JEUNES COMBATTANTS VOLONTAIRES DE LA GUERRE 1914-1918.
Sous le nom de « Légion des mille » vient de se créer un groupement qui se propose de concevoir un lien d'amitié entre les plus jeunes volontaires ayant combattu en France pendant la guerre 1914-1918.
Cette association groupera des hommes de toutes nationalités, de toutes opinions, de toutes religions, uniquement rassemblés par le fait commun qu'ils s'engagèrent avant l'appel de leur classe. Les candidats non classés parmi les mille premiers seront membres de soutien.
L'association comprendra également des membres bienfaiteurs et des membres d'honneur. Son siège est 11, avenue de la Grande-Armée, Paris (XVI°), où les correspondances doivent être adressées à Robert Euzénat, président provisoire de l'Association.
Le premier conseil de direction a été ainsi constitué :
Président: Robert Euzénat, volontaire à 16 ans 1/2, médaillé militaire.
Vice-présidents: Jean Perrin et Roger Lagorce, volontaires à 17 ans, chevaliers de la Légion d'honneur.
Trésorier : Charles Perchet, volontaire à 17 ans, chevalier de la Légion d'honneur.
Secrétaire général: A. G. Pico, décoré de la croix de guerre à 16 ans.
« FAMILIA, HONOR, et PATRIA SEMPER » telle était sans doute la devise à laquelle pensait Euzenat quand il créait, en 1935, la Légion des Mille plus jeunes Volontaires de 14/18. L’amour de la France qui 20 ans plus tôt s’était manifesté par un volontariat pour voler à son secours, n’avait pas échappé à la finesse de ses observations, et dans un grand élan de solidarité, il décidait d’en faire un groupement familial. 59 ans plus tard, à chaque appel téléphonique « ici la Légion des Mille », l’accueil soulève la même émotion, allant parfois jusqu’aux larmes chez les veuves de nos camarades.
Les mots d’une lettre adressée le 5 janvier 1994 par Guy Thiebeauld de La Crouée, dernier président de la Légion des Mille, à chacun des membres encore vivants de la Légion, en disent long sur la nature et la force des liens qui les unissaient :
« Fort de cet écho parfois bouleversant, en ce temps de vœux, à vous tous chers amis, j’adresse les miens les plus chaleureux en souhaitant qu’aux inévitables désagréments inhérents à notre âge, succèdent de nombreuses heures de bonheur qui réchauffent le coeur. Aller à votre rencontre ne m’est hélas plus possible, mais c’est dans l’espérance, chers amis, que je vous donne la chaude et traditionnelle accolade «MILLE» et, continuant à vivre avec les morts, je suis heureux de vous annoncer que je viens de recevoir l’accord du général gouverneur des Invalides pour qu’une messe solennelle soit célébrée en leur mémoire, le dimanche 5 juin 1994, à onze heures.
Tous en pensée avec eux. Vive les Mille »
La Légion des Mille regroupait mille volontaires de la Première Guerre mondiale choisis parmi les plus jeunes et les plus méritants, autour de la devise « Le devoir et plus que le devoir» et de la volonté de « mettre au service de la Nation les généreux sentiments dont ils avaient donné la preuve». Son nom avait été choisi en souvenir du Groupement des Mille , créé en Italie par le patriote italien Guiseppe Garibaldi, dont les descendants participèrent à une légion italienne venue combattre sur le sol français dès les premiers jours de la guerre 1941-1918.
Créé en janvier 1935 par le caporal Robert Euzenat, aidé par son grand ami François Siffre, elle poursuivait les buts suivants :
- faire se connaître les anciens combattants destinés à devenir progressivement les derniers survivants de la Grande Guerre (camaraderie),
- les aider au travers des épreuves de la vie (solidarité),
- défendre leurs intérêts auprès des pouvoirs publics,
- les unir dans un mouvement fraternel pour leur permettre d’être le trait d’union entre tous les français (entente nationale),
- et créer des liens avec l’élite combattante des autres pays (entente internationale).
Dès juin 1935, Robert Euzenat avait reçu 1200 candidatures accompagnées des pièces devant établir l’authenticité des titres de guerre d’anciens combattants désireux de devenir membre de « ce cercle d’une élite certaine, celle du courage, de l’abnégation et aussi de l’honneur ».
La première « promotion » comptait ainsi 100 jeunes volontaires de moins de 18 ans, totalisant 210 blessures, 280 citations, 100 croix de guerre, 77 médailles militaires et 33 croix de la légion d’honneur. La qualité de premier membre de la Légion a été attribuée à Désiré Bianco, engagé volontaire de 13 ans, mort au même âge, et exemple impressionnant de volonté inlassable de servir sa patrie (voir encadré). La Légion comptait ensuite un volontaire de 14 ans et demi, cinq volontaires de 15 ans, six volontaires de 15 ans et demi, dix-huit de 16 ans, dix de 16 ans et demi, les autres légionnaires ayant entre 17 et 18 ans et demi, les douze plus vieux ayant entre 19 ans et 20 ans.
Nombreux sont les exemples de bravoure et de ténacité donnés par ces volontaires prêts à déjouer tous les obstacles pour servir malgré leur jeune âge. Les bulletins trimestriels édités à partir de juin 1935 et trouvés dans les archives en donnent quelques illustrations intéressantes : Désiré Bianco avait été ramené deux fois chez lui avant d’aller combattre et se faire tuer dans les Dardanelles ; François Siffre, à moins de 17 ans, avait dû se glisser durant 15 jours dans une multitude de trains et de convois successifs avant de réussir à de faire engager sur le front, et de recevoir trois blessures et autant de citations ; Jean-François Perettre, engagé à 17 ans, avait été décoré à 19 ans de la médaille militaire par le général Estienne pour son courage et ses blessures dans l’artillerie d’assaut (les chars) ; Albert Pico avait fait le mur du Prytanée pour gagner le régiment où son père avait servi et où il montrera un courage exceptionnel, ainsi le Président Estripaut, âgé de 16 ans, avait été découvert par un sergent mourant de faim après trois jours de jeûne, caché dans une soute à munitions d’un transport de troupes partant pour le front de l’Orient ; Marcel Beslay s’était engagé dès son dix-septième anniversaire dans le régiment où venaient de mourir ses deux frères aînés ; Yvon Nicolas n’a pas attendu 17 ans avant de recevoir la médaille militaire pour avoir résisté à l’ennemi seul avec son servant de mitrailleuse, ou encore Auguste Thin qui eut l’honneur inédit de choisir le « Soldat inconnu » parmi les cercueils des huit poilus exhumés de part et d’autre de la ligne de front, ou enfin, le président Poirot, qui s’était engagé à 15 ans et demi dans la Royale.
Si tous, par définition, étaient sortis vivants de la guerre 1914-1918, une grande partie des légionnaires étaient invalides, ayant sacrifié, outre leur jeunesse, une part de leur corps et de leur santé à la défense de la France. Beaucoup d’entre eux restèrent ensuite dans l’Armée, ou eurent l’occasion de donner de nouvelles preuves de courage durant la Seconde Guerre mondiale.
Au cours de celle-ci, leur sens du devoir et du service de la France ne les mirent pas tous dans le même camp. Il s’en suivit des fâcheries douloureuses, qui ne prirent fin qu’en 1985, au cours d’une réunion de réconciliation organisée par le Président de la Crouée. Le président Gaston Doumergue leur avait rendu hommage en estimant que le nom de chacun des légionnaires devrait être inscrit au Panthéon des Grands Français. Le général Koenig écrira plus tard que cette Légion constituait « une véritable chevalerie ». Sa vocation n’en était pas moins de disparaître petit à petit : d’une centaine de membres en 1983, ils n’étaient plus que 50 en 1991 et 7 en 1995 (« l’année 1994 ayant fait une coupe sombre dans nos rangs ») à se retrouver au moins une fois par an pour la Messe des Invalides, suivi d’un déjeuner au snack-bar l’Elysée, de l’assemblée générale annuelle et du dépôt de gerbes à l’arc de Triomphe ; le dernier des membres de la Légion mourut en 2003.
Et parmi les Mille, combien d’avocats ?
Nombreux sans doute mais restés trop discrets du fait de l’individualisme inhérent à notre profession ?
Se distingue toutefois le fils de notre illustre Bâtonnier et confrère Me Henri Robert, Jacques Henri-Robert (1898-1969).
Jacques Henri-Robert s’est engagé dans la guerre en prétendant être plus âgé d’un an. En 1917 il avait donc 19 ans. Cette information a été rapportée à Madame Cindy Geraci, directrice du musée du barreau de Paris par sa descendante Madame Dominique Burckhardt.
Rendons donc hommage au courage et au sacrifice de tous ces Anciens, en nous demandant : et nous, l’aurions-nous fait ? et nos enfants le feraient-ils ?
Grégory de Moulins Beaufort et Soliman Le Bigot, avocats et membre des Avocats Combattants du Palais (ACP)
Me Pierre-Henri Juillard, cavalier et membre de l’association SAUMUR et d’ACP (à gauche), Me Soliman le Bigot, administrateur trésorier membre du bureau des ACP et administrateur de l’association SAUMUR ANORABC (au centre), Me Anne-Guillaume SERRE, président de SAUMUR ANORABC (à droite).