Monument aux Morts du Barreau de Paris.
Palais de Justice de Paris. Salle Haute de la Bibliothèque des Avocats.
Plaque en bronze réalisée et donnée par l'avocat Raymond Persin en 1919.
Début janvier 1919, M. le bâtonnier fait connaître au conseil que M. Raymond Persin (1892-1934), avocat à la Cour, se propose d’offrir à l’Ordre un bas-relief dont il est l’auteur et qui, placé dans la bibliothèque, perpétuera le souvenir des confrères, morts pour la Patrie. Par une lettre adressée au Bâtonnier le 14 janvier 1919, M. Persin remercie le Conseil et le Bâtonnier d’avoir agréé sa proposition et tient à leur faire savoir que « je mettrai tout mon cœur pour que cette œuvre soit digne de la mémoire de mes confrères morts pour la France ».
Lettre de Raymond Persin au Bâtonnier, 14 janvier 1919.
Projet de plaque commémorative présentée au Bâtonnier et au Conseil de l'Ordre, 1919.
Ce bas-relief en bronze, placé dans la grande salle de la bibliothèque est inauguré le 21 juin 1919 en présence de M. Raymond Poincaré, Président de la République et Avocat, et d’autres personnalités comme M. Nail Garde des Sceaux, M. Millerand commissaire général de la République en Alsace-Lorraine, et avocat, le Général Dubail grand Chancelier de la Légion d’honneur, la plupart des magistrats des cours et tribunaux, et les familles des avocats morts au champ d’honneur. Une belle cérémonie avec un discours hommage du Bâtonnier Henri Robert suivi d’un discours de M. Poincaré qui conclue par cette phrase : « les avocats ont bien mérité la Patrie ! ».
Ce monument commémoratif se compose au centre d’une femme debout – représentation à la fois de la veuve et de la mère- devant un autel, une palme de laurier dans la main – symbole de paix mais aussi du martyr.
En 1919, tous les noms ne figurent pas. Une petite plaque a d’ailleurs été apposée quelques années après. En effet, l’Ordre n’a appris certains décès qu'après la fin de la guerre, certains corps ayant disparus, certaines familles ne sachant pas ce qu’il était advenu de leurs proches : le Conseil a, par exemple, été informé du décès d’André Ferrand le 6 janvier 1920 ; les décès de Jolidon, Le Troadec, Freminet et Priam ont été connus du Conseil en mars et avril 1920 ; Pierre Renard a été inhumé en 1921 !
Avant le Monument aux Morts (1914-1918)
Dès les premiers avocats parisiens tombés au combat, le Barreau de Paris rend hommage en édifiant, dans le vestibule de la Bibliothèque un tableau entouré d’un cadre noir orné de drapeaux tricolores, surmonté d’une jardinière de fleurs toujours fraîches : le « bureau des membres du barreau morts au champ d’honneur » : 58 noms sont déjà inscrits en janvier 1915, 107 à la fin de l’année 1916.
Le sentiment de ne pas oublier ces confrères qui se sont sacrifiés pour cette guerre, d’honorer tous ces jeunes, morts si loin du Palais, devient de plus en plus présent chez ceux qui sont restés ou revenus de ce combat. Cette guerre est déjà mondiale : les mobilisés sont partis, la fleur au fusil, pour gagner, pour garder leurs libertés face à un ennemi commun.
Ainsi, le 19 avril 1915, une cérémonie patriotique est célébrée à l’Ordre des avocats, « toute petite par le faste, mais profondément grande par le cœur » rapporte Le Gaulois du 20 avril 1915. A cette occasion, le colonel Gouin, président du 3e conseil de guerre, entouré de tous les membres du Conseil, a remis au Barreau de Paris une palme d’argent, cravatée et tricolore «comme témoignage de l’admiration que nous avons pour vos jeunes confrères morts au champ d’honneur ». Elle porte l’inscription : « A nos camarades morts au champ d’honneur, le président et les juges du troisième conseil de guerre : 1914-1915 ». Elle fut placée au-dessus du tableau commémoratif. La palme d’olivier, que l’on retrouvera sur un grand nombre de monuments commémoratifs, se révèle être à la fois un symbole de mort, de martyr et de paix, doublé ici du sentiment républicain.
Le 26 octobre 1915, le Conseil de l’Ordre de la Cour d’appel de Petrograd remet, par l’intermédiaire de son représentant M. Benchowski, avocat et conseiller de l’ambassade impériale russe à Paris, une palme d’argent au Bâtonnier Henri Robert « en signe d’admiration et de reconnaissance pour les avocats du barreau de Paris, morts au champ d’honneur, en combattant l’ennemi commun ». Elle sera placée près du tableau installé dans la bibliothèque.
Le 18 avril 1916, le Conseil de l’Ordre prend la décision de faire célébrer à la mémoire des avocats morts pour la France :
- un service pour le culte catholique à la Sainte Chapelle le lundi 22 mai à 10 heures du matin ;
- un service pour le culte protestant au Temple de l’Oratoire rue St Honoré le mercredi 24 mai à 11 heures du matin ;
- un service pour le culte israélite au Temple de la rue Victoire le lundi 29 mai à 10 heures du matin.
Le 6 juin 1916, « Le Conseil, prenant en considération la demande d’un certain nombre de confrères, arrête :
- Article 1er : la mémoire des avocats morts pour la Patrie sera honorée par une cérémonie confraternelle au Palais de Justice ;
- Article 2 : cette cérémonie aura lieu aussitôt après la rentrée judiciaire ».
Le 28 octobre 1916 : le Barreau de Paris s’est réuni dans la bibliothèque pour honorer les 124 avocats morts au champ d’honneur. Le tableau d’honneur avait été placé au-dessus de l’estrade. Devant le Président de la République, Raymond Poincaré, Viviani Garde des Sceaux, Aristide Briand président du Conseil et tous les membres du Conseil de l’Ordre, les familles et les membres de la famille judicaire, le Bâtonnier Henri Robert fit un émouvant discours : « les morts de la Grande guerre ne veulent pas être séparés de ceux qui luttent encore. Ils n’entreront dans le repos que le jour où la tache commune sera achevée par la Victoire ». Lors de cette même cérémonie, le Barreau américain a également remis une palme au Barreau de Paris.
La guerre est désormais finie.
Le Conseil de l’Ordre prend d’abord la décision le 26 novembre 1918 de créer un livre d’or des morts du Barreau de Paris - ce livre sera édité en 1928 - avant de décider la réalisation du Monument aux morts.