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Le projet du Monument aux morts

Le projet du Monument aux morts

Le 20 janvier 1919, l'Ordre des avocats à la Cour d'appel de Paris prend "l'initiative de faire élever un monument dans la salle des Pas-Perdus pour les membres de la famille judiciaire morts pour la Patrie" et envoie un courrier en ce sens à toutes les juridictions concernées en leur demandant de bien vouloir faire partie du Comité de patronage placé sous "le Haut Patronage de Monsieur le Président de la République et sous la Présidence d'honneur de Monsieur Louis Nail, Garde des Sceaux". Cette "pieuse initiative du Conseil de l'Ordre" comme le souligne le Procureur de la République dans un courrier du 21 janvier, ne reçoit que des avis favorables.

Une souscription est lancée au début de l’année 1919 pour l’édification d’un monument aux membres de la famille judiciaire morts pour la France. Il concerne l’ensemble des professions judiciaires : magistrature, huissiers, avocats, avoués et presse judiciaire. L’Ordre des Avocats se charge de récolter les souscriptions via son trésorier André Lefrançois.

Une demande d’emplacement dans la salle des Pas-Perdus et de subvention a été effectuée par M. Ambroise Rendu, Vice-président du Conseil général. Un concours est également lancé pour sa réalisation.

 

En janvier 1922, le Conseil de l’Ordre est informé par le Ministère de l’Instruction publique et des beaux-Arts qu’il a l’intention de souscrire pour 10 000 francs et que le Conseil général 5000 francs pour l’érection du Monument aux morts du Palais de Justice « appartenant à a famille judiciaire ». Le Monument sera placé dans la salle des Pas Perdus.

Le projet est rapidement mis en œuvre. Plusieurs noms sont évoqués pour sa réalisation. Henri Robert raconte dans la presse que le Président de la République lui a recommandé de s'adresser à Paul Albert Bartholomé (1848-1928), devenu célèbre depuis l'édification du Monument aux Morts placé au Père-Lachaise. Il sera choisi pour réaliser le Monument. "Mon cher Maître, écrit-il le 19 février 1919 au Bâtonnier, je suis profondément touché et je veux dès maintenant considérer ce projet comme un devoir, le plus cher des devoirs".

Il chercha un modèle pour figurer un vaillant soldat : Maître Fernand Moquin, avocat, officier de cuirassiers à pied pendant 1914-1918, officier de la légion d'honneur, a été désigné. Il posera à 12 reprises pour que l'artiste termine son oeuvre.

La cérémonie d’inauguration sera organisée par l’Ordre des Avocats. Le 7 novembre 1922, le Bâtonnier propose au Conseil un programme pour l’inauguration du Monument aux morts prévue le 2 décembre et nomme la semaine suivante une commission, composée du Bâtonnier Henri Robert, de Mes Roux, Cresson, Baudelot et Henri Ratenet, chargée de le réaliser. La Garde Républicaine sera en charge de la musique.

PJ MOM carton inauguration

« L’inauguration qui vient d’en être faite, fut une émouvante cérémonie, d’une sobriété et d’une signification profonde » rapporte la Gazette du Palais. « La marche héroique » de Saint Saens est interprétée par la garde républicaine, puis la Marseillaise résonne dans cette salle des Pas perdus, remplie par la foule. Le président de la République Alexandre Millerand et le Maréchal Foch font leur entrée, accompagnés par le Conseil de l’Ordre, sous la conduite du Bâtonnier Albert Salle, des anciens bâtonniers et M. Raymond Poincaré, président du Conseil des Ministres, ministre des Affaires étrangères.

Parmi les personnalités présentes, dont la Gazette du Palais dresse la liste, il est intéressant de souligner le nombre d’avocats exerçant des fonctions politiques.

MOM palais liste presents gazette

Le maréchal Foch prend la parole en premier, pour une courte allocution : « J’ai tenu à apporter le salut affectueux e l’armée aux combattants de la grande guerre, à ceux qui ont fait parte de la grande maison qu’est la famille judiciaire, faite de courage, de vaillance et de fierté ! » dit-il notamment, avant de conclure en s’adressant à ceux qui sont morts : « Peut-on rêver gloire plus pure que la leur ? Dormez en paix dans l’immortalité ».

Le Garde des Sceaux prend ensuite la parole, demandant la minute de silence et de recueillement en mémoire « de nos morts héroïques ». A la fin de ce silence : « ouvrez le ban » !

Le Secrétaire de l’Ordre des avocats appelle alors tous les chefs de corps judiciaires et les présidents de compagnie, pour venir au pied de l’édifice citer à voix haute les noms de leurs morts. M. le Bâtonnier Albert Salle ferme cette cérémonie en lisant les noms des 230 avocats morts pour la France. « Fermez le ban ». La cérémonie est terminée, chacun s’en va, sur « la Marche funèbre » de Chopin.

L’inauguration du Monument nous est rapportée par Félix Belle, journaliste pour Le Gaulois (3 décembre 1922).

Le gaulois 3 dcembre 1922

Or lors de l’inauguration, le Monument est inachevé : La Vie judiciaire en 1923 nous apprend que « nul ne peut souhaiter que se perpétue cette installation provisoire » puisque à la base du monument, « les dalles de pierres déplacées attendent depuis cinq mois leur réajustement, tandis que sur le gravier s’étend un petit détritus de papiers que le service de nettoyage respecte au point de n’y pas toucher ». Il titre d’ailleurs sa brève : « on réclame l’installation définitive du monument aux morts » !

Le Monument aux morts sera définitivement achevé en 1925.

La vie judiciaire 1923

Le Monument aux Morts de la Famille Judiciaire
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